Le Premier ministre n’écarte pas catégoriquement le déploiement de militaires grand-ducaux sur le front de guerre ukrainien. Pour le moment, la priorité devrait toutefois être de fournir davantage d’armes à Kiev.
La nuance n’est pas anodine. «Le gouvernement ne compte pas, à ce moment, envoyer de soldats luxembourgeois en Ukraine», a annoncé le Premier ministre, Luc Frieden (CSV), hier, devant la Chambre des députés. Il s’agit de sa réaction à la déclaration-surprise, lundi soir, du président français, Emmanuel Macron, qui avait avancé, en clôture d’une conférence internationale de soutien, que l’envoi de troupes occidentales au sol ne devait pas «être exclu» : «Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre.»
Au Luxembourg, l’ADR de Fernand Kartheiser a notamment exhorté le Premier ministre à «clairement dire que des militaires luxembourgeois ne seront pas envoyés en Ukraine, du moins pas aussi longtemps que la guerre perdurera». Luc Frieden ne s’est pas montré aussi catégorique, à l’image d’ailleurs de son homologue suédois, Ulf Kristersson. Ce dernier a fait valoir qu’«il n’y a pas de demande» côté ukrainien pour des troupes au sol. Donc, «la question n’est pas d’actualité», a-t-il insisté, sans toutefois exclure cette possibilité à l’avenir.
D’autres pays alliés, les États-Unis en tête, se sont montrés bien plus clairs. «Il n’y aura aucune troupe au sol, aucun soldat envoyé ni par les États européens, ni par les États de l’OTAN sur le sol ukrainien», a réagi le chancelier allemand, Olaf Scholz. L’OTAN n’aurait d’ailleurs «aucun projet» d’envoi de troupes, a renchéri un responsable de l’Alliance.
Même si la présidence ukrainienne a fini par qualifier de «bon signe» la sortie du président français, «le plus important pour éviter une situation que personne ne souhaite se voir réaliser (NDLR : l’envoi de troupes au sol) est de renforcer l’aide financière et militaire destinée à l’Ukraine», souligne le Premier ministre luxembourgeois. Mais, encore une fois, Luc Frieden relativise un brin, en affirmant que l’objectif doit être de permettre à l’Ukraine «de regagner, dans un délai raisonnable, son indépendance».
Au fil de la journée d’hier, il s’est avéré que l’hypothétique envoi de troupes en Ukraine, sur une base bilatérale, serait lié à cinq catégories d’actions «prioritaires» pour les Européens, dont la cyberdéfense, la coproduction d’armement et de munitions en Ukraine et des opérations de déminage. En clair, il ne s’agirait pas de troupes destinées à combattre directement contre les Russes. «Nous parlons de missions de formation» a confirmé hier le ministre lituanien de la Défense, Arvydas Anusauskas.
L’armée luxembourgeoise pourrait-elle faire partie d’une telle mission de formation, sachant qu’elle se spécialise notamment dans le domaine de la cyberdéfense? Pour l’instant, l’accent est clairement mis sur le renforcement de l’arsenal ukrainien. «Une défense aérienne plus solide, des munitions et, pour certains pays, aussi la fourniture de missiles à moyenne et longue portée», résume le Premier ministre luxembourgeois, alerté notamment par Christophe Hansen, qui évoque une «situation dramatique» en Ukraine. Le député du CSV a représenté, samedi, la Chambre aux commémorations organisées à Kiev pour le deuxième anniversaire du début de l’invasion russe.
Le Grand-Duché va «assumer son obligation morale» envers l’Ukraine, assure Luc Frieden (lire ci-contre). «Car une victoire de la Russie constituerait un danger collectif pour l’Europe entière.»
Vers un achat d’armes
à des pays tiers à l’UE
À défaut de posséder une industrie d’armement, le Luxembourg se dit favorable à l’initiative de la République tchèque qui vise à créer une plate-forme pour acquérir des armes en dehors de l’UE. Il est intéressant de noter que le président tchèque, Petr Pavel, effectuera demain et vendredi une visite d’État au Grand-Duché.
Hier, le chef du gouvernement a aussi mis en perspective «une nouvelle aide financière substantielle» destinée à l’Ukraine. L’enveloppe sera dévoilée le 6 mars lors du dépôt du budget de l’État pour cette année 2024. Depuis le début de l’invasion russe, le Grand-Duché a fourni à Kiev du matériel militaire pour une valeur de 190 millions d’euros.
Pour cette année 2024, il est déjà prévu de livrer 4 000 mitrailleuses et 6 000 obus «luxembourgeois» à l’Ukraine.