Douze millions du fonds européen FEDER et onze millions issus du budget de 2024. Au total, la fraude porte sur 23 millions d’euros et met en cause des compagnies de transports publics du réseau RGTR.
Nouveau scandale au Luxembourg, tout juste un an après le détournement de 61 millions d’euros qui a définitivement enseveli la Fondation Caritas. Cette fois, l’alerte a été donnée par le Parquet européen et concerne une fraude massive impliquant des compagnies de transport public du réseau RGTR (Régime général des transports routiers).
Le Parquet européen, chargé d’enquêter, de poursuivre et de juger les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE, informe, dans un communiqué publié sur son site, que la police judiciaire luxembourgeois a procédé la semaine dernière à plusieurs perquisitions dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de fraude au Fonds européen de développement régional (FEDER) pour les subventions destinées aux transports publics. Il s’agit ici d’un cofinancement du FEDER qui prend la forme d’une aide non remboursable à hauteur de 35 millions d’euros destinée à subventionner l’électrification du réseau de bus RGTR. La convention avait été signée entre François Bausch, ministre de la Mobilité et des Travaux publics, et Franz Fayot, ministre de l’Économie, après la pandémie.
Le ministère de la Mobilité perquisitionné
Ces deux ministères ont dénoncé auprès des autorités judiciaires une fraude repérée au moment de collecter les données «en vue de l’examen du projet», comme il est précisé dans le communiqué du gouvernement. Le Parquet européen indique que les locaux de grandes compagnies de bus luxembourgeoises, le ministère de la Mobilité ainsi que le domicile d’un ancien haut fonctionnaire ont été perquisitionnés. «Les suspects sont soupçonnés d’avoir fraudé jusqu’à 12 millions d’euros du Fonds européen de développement régional (FEDER) de 2022 à 2023 et jusqu’à 11 millions d’euros du budget national en 2024», selon le Parquet européen.
Dans les faits, plusieurs opérateurs de transport public auraient systématiquement facturé des courses comme ayant été effectuées avec des bus électriques, alors qu’en réalité, une part importante aurait été assurée avec des véhicules diesel ou hybrides. Cette pratique leur a permis de bénéficier d’une rémunération plus élevée réservée aux services zéro émission. «Par conséquent, les coefficients correcteurs requis pour non-respect des obligations d’électrification n’ont pas non plus été appliqués, ce qui a entraîné une surfacturation entre 2022 et 2024», précise encore le Parquet européen.
«Profonde surprise» à la FLEAA
De son côté, la Fédération luxembourgeoise des exploitants d’autobus et d’autocars (FLEAA) n’a pas tardé à réagir et à exprimer «sa profonde surprise face à la gravité des allégations rapportées». Elle rejette toute accusation de fraude à l’encontre de ses membres et souligne que les données de base des trajets servant à la facturation ont été collectées exclusivement par l’État à l’aide d’un logiciel spécifique.
«La FLEAA rappelle encore que les membres concernés n’ont jamais bénéficié des subsides en cause de l’Union européenne», écrit la fédération. Elle ne précise pas si ce sont «les membres concernés» par les perquisitions. Une vingtaine de sociétés de transport public sont membres de la FLEAA.
Le gouvernement indique que les autorités publiques luxembourgeoises compétentes collaborent pleinement avec le Parquet européen pour faire toute la lumière sur les faits signalés. «Il convient de rappeler que, conformément au principe de présomption d’innocence, aucune conclusion définitive ne peut être tirée à ce stade, et qu’aucun commentaire ne peut être formulé en raison du déroulement de la procédure judiciaire», ajoute-t-il.
Le projet E-bus
Une priorité du gouvernement consiste à lutter contre le dérèglement climatique, notamment en réduisant les émissions de CO2 qui proviennent des véhicules à moteur à combustion. Le programme gouvernemental du 3 décembre 2018 prévoyait l’électrification complète du réseau RGTR d’ici 2030. En septembre 2020, le département de la Mobilité et des Transports a lancé un appel d’offres pour l’exploitation de services de transport public par route RGTR. Ce marché tient compte de ces attentes en prévoyant l’électrification de plusieurs lignes d’autobus soit dès le début, soit au cours de la durée d’exécution du marché en question.
En 2021, le réseau de bus RGTR comptait 465 lignes publiques ou scolaires, avec plus de 9 000 courses journalières en semaine et une prestation de 81,5 millions de km parcourus. Pendant l’année 2022, le nombre de passagers a augmenté de 26 % par rapport à 2021. En 2022, la flotte se composait de 396 bus au total, y compris la réserve, dont 158 bus électriques. Fin novembre 2023, le nombre de bus électriques a augmenté à 327. Le réseau électrifié se répartit en 2024 sur 77 lignes publiques d’autobus. Cette évolution est liée étroitement à la subvention de l’électrification du réseau RGTR par le programme FEDER/REACT-EU.
Le projet «E-bus RGTR» a ainsi été sélectionné par le FEDER/REACT-EU pour bénéficier de ce cofinancement. La participation financière a commencé le 17 juillet 2022 avec l’entrée en vigueur des nouveaux contrats de service public pour l’exploitation du réseau RGTR.