La personnalité du frère n’a pas été retenue comme circonstance atténuante par le parquet, qui a conclu au meurtre. Après une dispute, la victime avait été poignardée par sa sœur.
Vingt-cinq ans. Le représentant du ministère public ne s’est pas laissé attendrir par la terreur qu’aurait fait régner la victime au sein de son entourage. Le magistrat a retenu le meurtre à l’encontre d’une jeune femme de 38 ans qui a tué son frère le 3 mai 2021 au domicile de leur mère à Schifflange.
«Il n’a pas insisté sur l’assassinat. Il n’y avait pas assez de preuves pour conclure à la préméditation», a résumé Me Stroesser, l’avocat de la jeune femme. «Il ne s’est pas prononcé sur un éventuel sursis.» La personnalité de la victime de 44 ans, décrite comme tyrannique par ses proches, n’a pas été considérée comme une circonstance atténuante en faveur de l’accusée.
Son avocat le regrette et s’étonne : «Avec des circonstances atténuantes, le tribunal peut réduire la peine maximale, qui est la perpétuité, à 15 ans de réclusion et le procureur a réclamé 25 ans.»
La jeune femme est accusée de meurtre, d’assassinat ainsi que de coups et blessures volontaires avec préméditation ayant entraîné la mort d’un membre de la famille ou ayant causé la mort sans intention de la donner.
Frappé dans le dos avec un couteau
Elle reconnaît avoir frappé son frère à cinq reprises dans le dos avec un couteau alors qu’il était agenouillé. Un de ces coups a été fatal. La lame a traversé les muscles du dos ainsi que les côtes et a transpercé le poumon droit, entraînant une hémorragie.
«Ma cliente a affirmé ne pas avoir eu l’intention de tuer son frère. Or cet élément intentionnel est nécessaire pour que son acte puisse être qualifié de meurtre», rappelle Me Stroesser. «Mais la jurisprudence considère qu’à partir du moment où vous plantez un couteau dont la lame fait 15 centimètres dans le dos de quelqu’un, vous devez anticiper le fait que cette personne peut décéder. L’intention se déduit par l’acte lui-même.»
L’avocat s’est donc rapporté à sagesse de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour décider si l’acte commis par sa cliente est un meurtre ou des coups et blessures ayant entraîné la mort.
Le soir des faits, la jeune femme avait l’intention de demander à son frère de quitter le domicile familial où il vivait aux crochets de sa mère, mais voyant «la haine dans ses yeux», elle aurait finalement renoncé.
Après une énième provocation de la part de la victime et un flot insoutenable d’insultes, une dispute aurait éclaté dans la cuisine. Sans réfléchir, l’accusée aurait attrapé la première chose qui lui est passée sous la main. Un couteau.
Excuse de provocation
«J’ai soulevé l’excuse de provocation. Je n’ai pas plaidé la légitime défense. La victime n’étant pas armée, il y avait absence de proportionnalité», explique Me Stroesser. «Mais il y a eu des violences graves» à l’encontre de la jeune femme de la part de son frère qui a menacé de la tuer ainsi que sa mère et l’avait frappée violemment au visage deux semaines avant les faits.
Le 3 mai 2021, «il est devenu violent dans la cuisine et a essayé d’attraper sa sœur. Elle l’a repoussé dans un premier temps, il est revenu à la charge… Tout cela a été de nature à faire impression sur elle. Elle était dans une vive émotion qui a fait qu’elle a mal agi.»
La tension que la victime aurait fait régner depuis des années au sein du domicile familial et la peur que l’homme inspirait aux deux femmes auraient contribué au geste fatal de la sœur sur son frère.
«Son frère était détestable, un monstre»
Pour l’avocat, il y a certes eu meurtre, mais il a demandé au tribunal de prendre en compte l’excuse de provocation et des circonstances atténuantes plus larges lors des délibérations préliminaires au jugement.
22«Ma cliente n’est pas violente. Elle n’a jamais fait de mal à personne. Elle n’a pas de casier judiciaire. Elle n’a pas menti aux policiers et l’enquête de personnalité de la victime a montré que son frère était détestable, un monstre.»
Malgré les accès de froide brutalité de son fils, sa consommation immodérée d’alcool et de cannabis dès le matin, son caractère insoumis et sa colère permanente, la maman des deux protagonistes avait accepté de l’héberger et de l’aider à remonter la pente.
«Il vivait chez moi depuis deux ans», a-t-elle expliqué à la barre. «Quelle mère regarde son enfant se détruire sans rien dire?»
Le prononcé est fixé au 11 mai.