Forfait de dernière minute l’an dernier, le duo de Ko Ko Mo revient aux Francofolies d’Esch-sur-Alzette avec les mêmes intentions : agiter le festival avec son rock à l’énergie fédératrice.
Une batterie, une guitare et du gros son : voilà plus d’une décennie que Kevin «K20» Grosmolard et Warren Mutton montent le volume sous le nom de Ko Ko Mo. Avec leur rock instinctif, qui sait aussi prendre des tonalités plus softs ou électroniques comme le démontre leur dernier album, Striped, ils prennent beaucoup de place sur scène et dans le cœur du public. Après l’incendie de leur bus en 2023 et leur concert avorté l’année suivante à Esch-sur-Alzette, les revoilà aux Francofolies, indestructibles. Confidences.
Après plus de dix ans de carrière et quelque 600 concerts donnés en France et dans le monde, comment voyez-vous l’évolution de Ko Ko Mo ?
Kevin « K20 » Grosmolard : La plus grosse évolution, c’est ce qui se passe autour de nous : l’équipe s’est agrandie et, désormais, on est une dizaine à tailler la route ensemble. Le public est lui aussi plus nombreux. On le remarque à chaque concert. Sinon, pour Warren et moi, les choses n’ont pas changé : on est restés les mêmes. On s’aimait déjà avant, et toujours autant aujourd’hui.
Êtes-vous surpris de la trajectoire du groupe ?
K. G : On n’aurait pas forcément pensé en être là après toutes ces années, à jouer à l’Olympia, à voyager dans le monde… Cela dit, même si on est un groupe français qui chante en anglais, on y croyait depuis le début. Selon moi, quand on joue sans tricher, avec patience, sincérité et passion, ça peut fonctionner. Alors oui, ce groupe, c’est une histoire qui dure et c’est chouette! Encore une fois, on ne pensait pas que ça arriverait, mais on avait l’intime conviction que ça allait arriver (il rit).
Striped, votre quatrième disque, plus varié que les précédents, est-il la démonstration que pour avancer, il faut se diversifier ?
Warren Mutton : Jusqu’à présent, on a toujours pensé les albums en fonction des concerts qui allaient suivre. Quand on est deux sur scène, forcément, ça limite les possibilités… Pour le coup, avec ce dernier, on a fait un pas de côté en s’amusant, sans se soucier de ce qu’on allait dire de nous. On a lâché les lions et, finalement, ce disque correspond le plus à ce qu’est Ko Ko Mo : un mix de plein d’influences qui s’enrichit au fil des voyages, une rencontre de deux identités fortes. Assez loin, finalement, de cette étiquette hard rock qui nous colle à la peau.
Justement, cet album est-il plus difficile à retranscrire en live ?
W. M. : Il est arrivé au bon moment : depuis deux ans, on est en tournée comme tête d’affiche. Du coup, lorsque l’on joue une heure et demie, c’est plus facile d’arranger des tableaux avec un vrai moment acoustique, une montée électronique pour la fin du concert… On peut mieux imposer notre musique sur ce genre de format. Après, en festival, c’est différent : il faut essayer de faire un truc plus énergique, plus festif. Les gens viennent pour ça.
K. G : Il faut aussi dire que tous les morceaux sont réadaptés, réarrangés pour le live. Ça a toujours été le cas.
Être deux, ça offre des libertés
À ce propos, on a toujours loué l’énergie de vos prestations scéniques. Est-ce un élément incontournable quand on est seulement deux ?
K. G : Évidemment, ça pose des limites, mais cette contrainte nous donne parallèlement envie de la dépasser. De toute façon, tous les deux, on est assez énergiques. Warren, avec sa guitare, bouge pas mal. Quant à moi, je ne suis pas du genre à rester sagement assis derrière ma batterie…
W. M. : C’est cela. Cette restriction nous donne inconsciemment l’envie de nous dépasser, d’être plus volontaire, d’occuper la scène deux fois plus.
K. G : Elle nous permet aussi d’improviser plus facilement, malgré des morceaux bien calés et un support vidéo qui remplit l’espace. Être deux, ça offre des libertés. C’est ce qui nous tient et permet au public de ne jamais s’ennuyer.
W. M. : Quand on pense à des duos explosifs, c’est souvent The White Stripes ou The Black Keys qui viennent en tête. Mais regardez Royal Blood : ils en imposent en étant plus statiques.
K. G : Du coup, on n’hésite plus à calmer le jeu, à offrir quelques moments de répit. Tout le monde en a besoin!
W. M. : Oui, mais rassurez-vous, on est toujours en mode foufous! C’est important de ne pas se prendre au sérieux et de s’amuser avec le public. On fait de la musique pour ces moments-là.
Vous êtes aussi appréciés pour vos reprises. S’approprier les chansons des autres, est-ce un plaisir coupable ?
K. G : C’est plutôt une démarche artistique, une sorte de happening entre deux albums. Faire redécouvrir un morceau à travers notre style, notre vision. Ça a démarré avec Personal Jesus en 2017. Puis il y a eu Last Night a DJ Saved My Life…
W. M. : À la base, cette reprise, c’est parti d’une blague : on était dans le bus, et je jouais des chansons façon quiz, du genre : « vous la reconnaissez, celle-là? ». On s’est alors dit que ce serait drôle de l’enregistrer, mais ce que l’on n’avait pas anticipé, c’est le buzz que ça allait faire. C’est ce morceau qui nous a ouvert les portes des radios, pas les nôtres. On aurait préféré le contraire, mais on ne va pas se plaindre non plus, même si aujourd’hui on a arrêté de le jouer sur scène. Être défini à travers une chanson qui ne vous appartient pas, c’est pénible au bout d’un moment.
On n’a pas intérêt à se foirer !
Pouvez-vous nous parler de votre Gibson SG Custom, la seule rescapée de l’incendie de votre bus en 2023 ?
W. M : Cet épisode est digéré, mais ça reste un choc : on a tous failli y passer! Je pense que vivre un incendie, c’est quelque chose qui reste dans la tête toute une vie… Quant à cette guitare, le seul objet sauvé des flammes, elle s’est imposée comme un symbole. Une sorte de phœnix, de miraculée au message clair : celui qu’il fallait remonter au plus vite sur scène. Chose que l’on a faite. Bon, cette année, vu que la tournée est axée sur le blanc et qu’elle est aujourd’hui de couleur crème brûlée, on ne l’a pas prise avec nous. Mais on a utilisé ses micros pour les mettre sur une autre guitare. D’une certaine manière, oui, elle est toujours là.
Dimanche, vous retrouvez le Luxembourg pour la troisième fois. Heureux ?
W. M : Oui. On était aux Rotondes il y a deux ans et programmé aux Francofolies en 2024. Mais je me suis coupé le doigt et on a donc dû annuler au dernier moment. Ça n’était jamais arrivé dans l’histoire du groupe.
K. G : On est quand même restés sur place et on a croisé des gens qui étaient venus spécialement pour nous. Ils étaient déçus, et ça se comprend. Cette année, c’est donc une occasion d’oublier ce rendez-vous manqué et de faire plaisir à plein de gens après une longue année d’attente.
Ce week-end, vous partagez l’affiche avec des grands noms comme Julien Doré ou Michel Polnareff. Comment vivez-vous cette belle reconnaissance ?
W. M : Déjà, on se dit qu’on n’a pas intérêt à se foirer (il rit). Non, on savoure cet honneur, en espérant être à la hauteur du public. On ne veut surtout pas le décevoir.
Dimanche à 19 h 15. Parc du Gaalgebierg – Esch-sur-Alzette. Dans le cadre des Francofolies.
Trois jours de festivités
Si la météo annoncée pour la fin de semaine n’est pas au beau fixe, il en faut plus pour déstabiliser les Francofolies d’Esch-sur-Alzette, aux reins solides depuis trois éditions. La formule est désormais connue : dans le joli parc du Gaalgebierg, le festival, à son rythme, s’étoffe, plus étendu, dense et pentu, pour une mise au vert voulue écoresponsable.
Sur scène, durant trois jours et devant quelque 40 000 spectateurs, une brochette d’artistes estampillés «made in France» et d’autres du cru. La journée du vendredi, aux orientations électroniques, sera cette année pilotée par Marc Rebillet et Timmy Trumpet. Le lendemain, le rap prendra le contrôle avec certaines de ses figures les plus illustres : Vald, Hamza ou Soprano.
Le dimanche, l’ambiance se voudra familiale et festive à travers des concerts pop-rock, comme ceux de Michel Polnareff et Julien Doré. Deux partenaires complètent les propositions : le théâtre d’Esch accueillera Stephan Eicher et la Kulturfabrik, elle, devait faire dans le punk, mais le concert d’Ultra Vomit (et par extension, celui de Sublind en première partie) n’aura pas lieu.
On les retrouvera toutefois le 13 décembre, au même endroit.