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[Francofolies] Eloi : «Dans tout ce que je fais, j’ai besoin d’intensité»


La «première influence» d'Eloi, «ça a été de sortir de ma chambre et défendre ma musique sur scène». (Photo : Appoline Baillet)

On pourrait se restreindre à présenter sa musique sous le label «hyperpop», mais le terme ne suffirait pas à définir la musique d’Eloi. Des sous-genres les plus brûlants de la musique électronique au rap East Coast, la liste exhaustive de ce qui infuse dans sa musique serait impossible à dresser. Encore consciente qu’elle va «grandir», l’artiste, qui met un point d’honneur à travailler en famille, profitait d’un après-midi à l’ombre des arbres pour sa première fois au Luxembourg. Quelques heures avant de remuer la scène du jardin, aux Francofolies Esch, elle se confiait au Quotidien.

Vous avez récemment raconté que beaucoup de vos chansons sont nées de votre expérience sur scène. Qu’en retirez-vous?

Eloi : Ce sont des énergies avant tout : ramener une guitare électrique sur scène, par exemple, c’est important pour moi. J’adore la musique électronique, mais avoir des instruments joués en live, c’est plus organique. Il y a quelque chose de viscéral, on sent un rythme, et la chanson jouée à un moment T peut être modulée selon ce qui se passe en direct. En regardant les gens vivre le moment, on peut amener des surprises, construire un truc qui fasse voyager un peu. Forcément, mon influence initiale, ça a été de sortie de ma chambre et de défendre ma musique sur scène.

Difficile de retourner à votre chambre, après l’intensité des périodes de scène?

(Elle réfléchit.) Je me prends beaucoup plus la tête maintenant – ce qui peut être désagréable à la longue – car les enjeux ne sont plus les mêmes pour moi. Malgré ça, mon processus est resté à peu près le même : pour prendre et – surtout – jeter des idées, je travaille à l’instinct, donc à des moments qui ne sont jamais définis à l’avance. Dans un second temps, il y a la composition propre, la construction du morceau, soit une étape à laquelle je me consacre pleinement. C’est vrai que j’ai plus tendance à jeter des choses qu’à les mettre en forme, mais ça fait partie du processus.

C’est une philosophie qu’on retrouve chez beaucoup des artistes, très divers, qui vous ont marquée musicalement : Sexy Sushi, Crystal Castles, Klub des Loosers…

Ma production est assez chaotique : moi-même, je serais incapable de dessiner une forme précise à ma musique. Cela dit, il y a une identité mélodique que, je crois que les gens peuvent identifier comme étant la mienne. Rien que ça, c’est quelque chose de très fort. Je crois aussi que l’écoute des publics, aujourd’hui, est décloisonnée. Dans mon entourage, aucun de mes potes n’écoute que du rap, ou que de la techno, ou que du rock; c’est vrai partout, et il suffit de voir les concerts du jour, entre Zaho De Sagazan, Shaka Ponk, Bagarre, Ascendant Vierge ou moi, nos identités artistiques sont à chaque fois très différentes. Ce qui rejoint tout ça, c’est la prédominance de la musique électronique dans ce qu’on fait.

Vous avez fait les Beaux-Arts, et vos références, au-delà de la musique, sont aussi picturales, plastiques, cinématographiques… Comment tout cela se nourrit-il?

À la base, je dessine : ce que je fais avec un crayon est très similaire à ce que je fais en musique. J’ai toujours été fascinée par les univers d’artistes aboutis – souvent grâce à des collaborations, justement -, qui se prolongent dans le clip, l’animation, le film, la performance… La musique s’incarne par toutes ces choses, et inversement. Cette palette de disciplines, elle est nécessaire selon moi. L’une de mes grosses envies, pour plus tard, est de faire de la musique à l’image. Mais aujourd’hui, la musique me laisse moins de temps pour me dédier aux arts plastiques, et ça commence sérieusement à me manquer. Avec le temps, j’espère trouver une façon de concilier tout cela.

Il y a beaucoup de violence dans vos morceaux. Dans plusieurs titres de Dernier orage, elle peut même s’apparenter à une douceur inconfortable, menaçante… Comment digérez-vous cela, musicalement?

Dans tout ce que je fais, j’ai besoin d’intensité. Ma musique parle de choses très intimes : il faut que je sois à la hauteur des émotions que j’invoque. Quand je produis, j’ai besoin d’un truc fort, donc je m’interdis de lisser quoi que ce soit. Dans l’album aussi, j’ai voulu garder cette dimension brute, quasiment DIY : ce côté maison me plaît et je m’y retrouve. Maintenant, j’évolue et j’ai d’autres envies également, tout ça est voué à muer avec le temps. Mais ce que je raconte provenant aussi de mon vécu – lui aussi assez intense sur plein de points -, c’est par cette niche que je l’explore et que je l’expose.

Est-ce qu’il vous manque encore quelque chose pour vous sentir complète et comblée, artistiquement parlant?

Je suis consciente d’être dans une période où je me professionnalise : il n’y a pas si longtemps, je n’avais encore aucune notion en ingénierie du son, je bricolais des trucs en mode casse-gueule. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : je sais faire des choses que j’étais incapable de faire il y a trois ou quatre ans, et ça m’intéresse, car ce côté un peu «geek» me pousse à l’expérimentation. Je ne m’imaginais pas donner Dernier orage à quelqu’un qui allait le mixer avec sa direction artistique en attendant que je valide l’album ou pas. Et bien que je reste très dans le contrôle, je me sens moins possessive. Cela, toujours dans l’idée d’une recherche sonore particulière qui vient de moi, et qui évolue avec moi.

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