Chapeau de paille et smoking blanc, Francis Ford Coppola a foulé hier le tapis rouge de Cannes pour la présentation de Megalopolis, un projet fou dont le «parrain d’Hollywood» rêvait depuis 40 ans.
Doyen de la compétition cannoise à 85 ans, le réalisateur de The Conversation (1974) et Apocalypse Now (1979) est en lice pour une troisième Palme d’or, qui serait historique. Francis Ford Coppola a gravi hier les marches du Palais des festivals au bras de sa petite-fille Romy Mars, fille de la cinéaste Sofia Coppola, après avoir pris la pose sur le tapis rouge accompagné de ses acteurs, Adam Driver, Giancarlo Esposito, Jon Voight, Shia LaBeouf, Laurence Fishburne, Aubrey Plaza ou encore Talia Shire, sa sœur.
Il a reçu une ovation de cinq minutes, avant que les lumières du Grand Théâtre Lumière ne s’éteignent. Le plus grand secret a été gardé jusqu’à la fin de la projection officielle sur ce film hors normes et au parfum testamentaire, dans lequel Coppola a englouti une partie de sa fortune.
D’un budget de 120 millions de dollars, Megalopolis couve dans son esprit depuis plus de quarante ans. Coppola avait abandonné le projet à la suite des attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001, avant de le reprendre. «Quand s’éteint un empire? S’effondre-t-il en un moment terrible?», interroge la voix off d’Adam Driver dans la bande-annonce.
«Mon film le plus ambitieux»
Présenté comme un film de science-fiction, Megalopolis tourne autour de la destruction d’une mégalopole évoquant New York et sa reconstruction, qui se joue entre un architecte (Adam Driver) et le maire de la ville (Giancarlo Esposito).
C’est un film sur «un homme qui a une vision du futur» et qui parle du «conflit» entre cette vision et les «traditions du passé», confiait Coppola en 2019, au Festival Lumière de Lyon, où il avait été distingué.
«Je dirais que c’est mon film le plus ambitieux, même plus ambitieux qu’Apocalypse Now», dit le réalisateur. De quoi faire saliver les cinéphiles du monde entier qui se passionnent pour ses films autant que ses tournages épiques, à commencer par celui de son odyssée du Vietnam, prévue pour durer quelques semaines et qui dura finalement 238 jours.
À cela se sont ajoutés les accès de paranoïa de Coppola, drogué, qui avait perdu une quarantaine de kilos et avait dû hypothéquer ses biens pour financer le film. Le budget, de 13 millions de dollars à l’origine, passera à 30 millions, le conduisant au bord de la ruine.
«Coppola est une tête brûlée», rappelle Tim Gray, vétéran du journalisme cinéma aux États-Unis qui travaille désormais pour l’organisation des Golden Globes. Il «a toujours pris d’énormes risques. Et sa carrière a défié la logique», confiait-il récemment.
Dédié à son épouse
Le géant du cinéma avait aussi évoqué le souhait de tourner une histoire d’amour «avant de partir». C’est chose faite avec le couple formé par Adam Driver et Nathalie Emmanuel dans Megalopolis.
«Tout le monde espérait que Francis Ford Coppola continuerait à faire des films. On savait qu’il avait décidé de faire ce film et de le financer avec son propre argent», a raconté lundi Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, avant le coup d’envoi de l’évènement.
«Je trouve admirable que cet homme de 85 ans se comporte comme un cinéaste indépendant, comme un artiste qui veut venir montrer son travail. Cannes est important pour lui et lui est important pour Cannes.»
Film-testament génial ou œuvre poussive et démesurée? La presse y est largement allée de ses pronostics et a publié des témoignages de membres de la production évoquant un tournage chaotique. Le réalisateur de la trilogie The Godfather (1972-1990) n’avait plus dirigé de long métrage depuis Twixt (2011), et semblait s’adonner à son autre passion, le vin, lui qui possède de nombreuses vignes en Californie.
Cet ultime projet est dédié à son épouse, Eleanor, à qui il a été marié soixante ans, et qui avait notamment réalisé Hearts of Darkness (1991), le making-of culte d’Apocalypse Now. Eleanor Coppola est décédée le 12 avril dernier, au lendemain de l’annonce de la sélection cannoise. Elle avait 87 ans.
Megalopolis, de Francis Ford Coppola.