Après la démission du gouvernement de Michel Barnier suite au vote d’une motion de censure à son encontre, Emmanuel Macron a finalement choisi François Bayrou pour le remplacer à Matignon.
Emmanuel Macron a nommé vendredi François Bayrou comme Premier ministre au terme de longues consultations pour trouver un successeur à Michel Barnier, renversé par les députés la semaine dernière, a annoncé la présidence.
« Le président de la République a nommé M. François Bayrou Premier ministre, et l’a chargé de former un gouvernement », selon un communiqué de l’Elysée. Le patron du MoDem, premier allié du chef de l’Etat et figure du centre, aura la lourde tâche de former un gouvernement susceptible de survivre à la menace de censure d’une Assemblée nationale sans bloc majoritaire, et de faire adopter un budget dont la France est pour l’instant privée pour 2025.
L’annonce de la nomination du président-fondateur du parti centriste est intervenue à la mi-journée, après une nouvelle matinée d’intenses spéculations. François Bayrou avait été reçu à 8h30 à l’Élysée pour un entretien de près de deux heures, suivi d’un long silence-radio. A 73 ans, comme son prédécesseur Michel Barnier renversé le 4 décembre par l’Assemblée nationale lors d’une censure inédite depuis 1962, François Bayrou devient le sixième locataire de Matignon depuis la première élection d’Emmanuel Macron en 2017. Et le 28e Premier ministre de la Ve République.
Une tâche immense attend rue de Varenne le maire de Pau, premier allié de M. Macron en 2017. Avec pour priorité le budget pour 2025, le projet de budget de la Sécurité sociale ayant été mis en échec par la censure. Dans un contexte de colère des agriculteurs et de multiplication des plans sociaux, les niveaux des déficits et de la dette seront « une réalité qui s’imposera à tout gouvernement, quel qu’il soit », a prévenu Michel Barnier.
En attendant que ce nouveau budget soit adopté, un projet consensuel de « loi spéciale » permettant d’assurer la continuité du fonctionnement de l’Etat sera examinée lundi par l’Assemblée nationale. La passation de pouvoirs est prévue dans l’après-midi.
« Gouvernement d’intérêt général »
Cette nomination intervient trois jours après une réunion inédite des dirigeants des partis, hors Rassemblement national et La France insoumise, sous l’égide du chef de l’État. Où se sont esquissés les contours d’un « accord de coopération démocratique », selon la formule de M. Bayrou mardi: le gouvernement s’engagerait à ne pas recourir au 49.3 pour imposer ses lois, les opposants à ne pas le censurer, Emmanuel Macron évoquant de son côté son intention de ne pas dissoudre à nouveau l’Assemblée.
Le dirigeant centriste a finalement été préféré à d’autres noms qui ont circulé jusqu’au bout, comme celui de l’ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, des ministres de l’aile droite de la macronie Sébastien Lecornu ou Catherine Vautrin.
Jeudi, c’est le profil de l’ex-ministre de l’Industrie Roland Lescure, un macroniste social-libéral, qui a été poussé par le secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler, selon plusieurs sources proches des consultations. Mais la droite et le RN sont montés au créneau pour lui faire barrage. L’ancien chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian, qui accompagne Emmanuel Macron depuis 2017, a lui carrément fait savoir qu’il avait « refusé » Matignon, jugeant que « ce ne serait sérieux » d’accepter à 77 ans.
C’est une arrivée à Matignon aux allures de consécration particulière pour le lointain ministre de l’Éducation (1993-1997) depuis longtemps tourné vers la plus haute fonction: inlassable défenseur d’un centre indépendant, François Bayrou a été trois fois candidat à l’élection présidentielle de 2002 à 2012, sans parvenir au second tour (18,57% en 2007). Son alliance avec Emmanuel Macron en 2017 a dégagé la voie pour l’élection du plus jeune président de l’histoire, porteur d’un « en même temps » droite-gauche en phase avec son projet politique.
Mais le Béarnais, nommé ministre de la Justice, n’est resté que 34 jours place Vendôme en 2017, empêché par l’affaire des assistants parlementaires du MoDem, jugée en première instance sept ans plus tard, en février 2024. Si le parti a été lourdement condamné, François Bayrou a été relaxé, mais le parquet a fait appel. Depuis 2017, le maire de Pau a régulièrement distillé des critiques contre la politique –trop à droite– et la pratique du pouvoir –trop personnelle– de son allié, sans jamais se départir de sa solidarité.
Pas de censure d’emblée ?
Peu après l’annonce de la nomination, le président du RN Jordan Bardella a assuré qu’il n’y aurait « pas de censure a priori ». François Bayrou devrait en revanche subir une censure de la part de La France insoumise. « Faire tomber Bayrou sera faire tomber Macron », a prévenu le coordinateur de LFI Manuel Bompard, qualifiant cette nomination de « nouveau bras d’honneur à la démocratie ».
L’échec de Michel Barnier, Premier ministre choisi en septembre par Emmanuel Macron alors que la gauche revendiquait Matignon, remet la pression sur le chef de l’État et le Premier ministre.
La donne a-t-elle évolué? Si le Parti socialiste, et dans une moindre mesure les communistes et les Ecologistes, ont donné quelques gages de compromis, poussant leur alliance avec LFI au sein du Nouveau Front populaire au bord de la rupture, pas sûr qu’ils soutiennent franchement François Bayrou. Le centriste, qui plaide depuis des décennies pour des gouvernements œcuméniques, devrait tenter de conserver des ministres du parti Les Républicains côté droit, avec qui les relations sont historiquement tendues. Nicolas Sarkozy a notamment usé de son influence pour empêcher cette nomination à Matignon.
François Bayrou devrait également se tourner davantage vers la gauche, à défaut de convaincre les membres du Nouveau Front populaire de participer au gouvernement. Côté RN, le président du MoDem pourrait bénéficier du fait d’avoir apporté son parrainage à Marine Le Pen pour concourir à l’Elysée en 2022, dans un geste destiné à défendre le « pluralisme ».