Emmanuel Macron a nommé lundi la ministre du Travail Elisabeth Borne Première ministre en remplacement de Jean Castex.
« Le Président de la République a nommé Elisabeth Borne Première ministre et l’a chargée de former un gouvernement », a déclaré la présidence dans un communiqué. « C’est le choix de la compétence au service de la France, d’une femme de conviction, d’action et de réalisation », a expliqué par ailleurs l’Elysée.
Auparavant ministre du Travail, Elisabeth Borne est la première cheffe du gouvernement depuis plus de 30 ans et la nomination d’Edith Cresson sous François Mitterrand.
Une technicienne issue de la gauche
Deuxième femme nommée Première ministre sous la Ve République, Elisabeth Borne, 61 ans, est une technicienne issue de la gauche réputée tenace et dont la loyauté pendant tout le dernier quinquennat, dans trois ministères difficiles, a fait la différence pour accéder à Matignon.
Cette ingénieure, née le 18 avril 1961 à Paris, diplômée de l’Ecole nationale des Ponts et chaussées et de Polytechnique, haute fonctionnaire, se définit elle-même comme « une femme de gauche » avec « la justice sociale et l’égalité des chances » au coeur de ses combats.
Cette sexagénaire toujours tirée à quatre épingles, souvent une cigarette électronique à la main – y compris discrètement dans l’hémicycle des assemblées -, est réputée bien connaître ses dossiers.
« Plus politique » que sa prédécesseure Muriel Pénicaud, selon un observateur du secteur, elle a entretenu des relations plus fluides avec les partenaires sociaux. « Peut-être qu’elle est un peu plus rigoureuse sur un certain nombre de choses, dans les relations en tout cas », mais « la stratégie c’est la même », tempérait toutefois Philippe Martinez (CGT) l’an dernier. « C’est une super techno », commentait récemment un autre responsable syndical, qui ne la voyait pas à Matignon. « Si on se dit qu’il y a besoin d’empathie, pour le coup, vous partez de loin », grinçait-il, tout en reconnaissant qu' »elle n’a pas un mauvais bilan » au ministère du Travail.
Borne out
Dans les couloirs des ministères où elle a officié, on rappelle qu’elle fut surnommée « Borne out » pour la sa dureté supposée envers ses collaborateurs, un jeu de mots avec le « burn out », ou syndrome d’épuisement. Elisabeth Borne avait multiplié ces derniers mois les interventions dans les médias pour défendre l’action du gouvernement, notamment le « bouclier anti-licenciement » du chômage partiel face à la crise, ou pour battre le rappel sur le télétravail face au Covid-19. Elle a d’ailleurs elle-même passé plusieurs jours à l’hôpital en mars 2021 après avoir contracté le virus, confiant par la suite avoir vécu une expérience « angoissante » et s’être vu « administrer ponctuellement de l’oxygène ».
La bosse des maths
Avant d’arriver rue de Grenelle, Mme Borne avait d’abord géré le portefeuille des Transports dans les gouvernements d’Edouard Philippe. Durant ces deux années à ce poste, elle avait gagné une assise certaine en menant à son terme l’une des réformes emblématiques du quinquennat, celle de la SNCF, et en portant la loi touffue sur les mobilités (LOM). Elle avait ensuite remplacé François de Rugy comme ministre de la Transition écologique et solidaire lors d’un remaniement en juillet 2019.
Elisabeth Borne avait déjà fait un passage en 2014 comme directrice de cabinet de la ministre de l’Environnement Ségolène Royal. L’année précédente, en 2013, elle avait été préfète de la région Poitou-Charentes, présidée alors par Mme Royal. Dès 2015, Mme Borne avait toutefois été nommée présidente de la RATP, grande entreprise publique de transports, quelques années après avoir été directrice de la stratégie de la SNCF, au début des années 2000.
De Lionel Jospin à Jack Lang
Dans une carrière essentiellement consacrée au service public, notamment dans les cabinets socialistes dans les années 1990, chez Lionel Jospin à l’Education ou Jack Lang à la Culture, Mme Borne a aussi fait un passage dans le privé, chargée des concessions du groupe Eiffage en 2007, avant de rejoindre la Mairie de Paris comme directrice de l’urbanisme.
Très discrète sur sa vie privée, ayant perdu son père « très jeune » avec une mère qui n' »avait pas vraiment de revenus », elle a été pupille de la Nation, confiant avoir trouvé dans les maths « quelque chose d’assez rassurant, d’assez rationnel ». Divorcée et mère d’un enfant, elle a par ailleurs indiqué que la communauté juive était « la sienne », lors d’un entretien sur Radio J en juin 2021.
45 % des Français avouent ne pas la connaître
Si elle avait annoncé sa candidature aux législatives dans le Calvados en juin, cette absence d' »enracinement » et un sens politique jugé relatif avaient provoqué la circonspection de certains caciques de la majorité présidentielle lorsque son nom avait été mis en avant dès le lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron. En avril, dans un sondage Ifop, 45% des personnes interrogées disaient d’ailleurs ne pas la connaître.
Mais après de nombreuses hypothèses, de Catherine Vautrin à Marisol Touraine, c’est cette fidèle – « loyale, intègre, bûcheuse et plutôt drôle quand on la connaît », selon un élu – que le chef de l’Etat a choisi. Avec un premier défi de taille: mener la bataille des législatives pour que la macronie conserve sa majorité à l’Assemblée.