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Fouilles : une crypte inconnue sous le Knuedler


Les fouilleurs dégagent les squelettes de deux individus, probablement inhumés au XVIIe siècle (photo Isabella Finzi)

En ouvrant une nouvelle fenêtre en prévision des travaux d’extension du parking, les archéologues savaient qu’ils trouveraient les fondations de l’église du XIIIe siècle et de la chapelle Mansfeld.

Il y a toujours quelque chose à découvrir sous le Knuedler! Cette nouvelle campagne de fouilles a permis de préciser les plans de l’église aujourd’hui disparue dans laquelle une crypte, dont on n’avait pas connaissance, a été découverte.

Comme c’était prévu de longue date, les archéologues sont de retour sur le Knuedler dans le cadre de fouilles préventives. Celles-ci anticipent les travaux d’extension du parking souterrain. Sur la place Guillaume-II, au cœur de la ville actuelle, se tenait effectivement la plus grande église de Luxembourg ainsi que le monastère et le cloître des franciscains érigé autour de 1250. Un complexe religieux détruit en 1795 par les Français qui venaient de prendre cette place forte que l’on surnommait alors la «Gibraltar du Nord».

S’il ne reste plus rien à la surface –  « les pierres ont servi à l’édification de l’hôtel de ville», a rappelé la bourgmestre Lydie Polfer  – le sous-sol est très riche en vestiges souvent en place. On y trouve les fondations des structures religieuses et civiles ainsi que de nombreuses tombes, le plus souvent remaniées par le passé.

Avant d’ouvrir le chantier, les archéologues ne sautent pas dans l’inconnu. Des cartes anciennes permettent d’avoir une assez bonne idée de ce qui se trouve en sous-sol. C’est pour cela que le premier gros secteur fouillé l’an dernier, au pied de la statue équestre de Guillaume, était l’emplacement situé devant le parvis de l’église. « C’est là que les vestiges sont les moins nombreux », avance Christiane Bis, l’archéologue du Centre national de recherche archéologique (CNRA) en charge des opérations.

Les fouilles actuelles, elles, se trouvent de l’autre côté de la place, devant le Bierger-Center et la maison Lassner. Elles ont ouvert un couloir, ainsi qu’une autre petite fenêtre. « Ces ouvertures sont nécessaires puisque c’est par là que sortira la galerie technique et la tête de forage lors du creusement du parking », précise Christiane Bis. La superficie est limitée, certes, mais elle a été suffisante pour valider les hypothèses et même apporter une belle surprise.

Ernest de Mansfeld et le Roi-Soleil

« Nous avons mis au jour le mur situé au fond du chœur de l’église bâtie au XIII e  siècle qui était implantée parallèlement à la rue Notre-Dame », explique l’archéologue. Ce n’est pas tout, dans le chœur de l’église disparue, les fouilleurs ont été surpris par une structure inattendue. Au fur et à mesure de la fouille, une ouverture est apparue et les marches d’un escalier en colimaçon ont été dégagées. Rien de moins qu’une crypte dont l’entrée se trouvait à l’intérieur de l’église! « Elle n’est indiquée sur aucun plan et nous n’avons aucun texte la décrivant , déclare-t-elle enthousiaste. C’est une grande surprise!» Malheureusement, les chances sont maigres de trouver la crypte intacte, puisque les constructions postérieures ont certainement dû la détruire.

À côté du chœur, les fouilles ont permis de révéler le départ d’un mur de la chapelle Mansfeld, un monument exceptionnel, que « plusieurs rois et reines sont venus visiter » commente l’archéologue. Entre la statue de Mansfeld en bronze pratiquement en pied, des têtes de pleureuses en marbre et un Christ ressuscité peint de la main du Flamand Martin de Vos, reposait la dépouille d’Ernest de Mansfeld (1517-1604), un des personnages importants de l’histoire du pays. Lors du siège de Luxembourg mené par Louis XIV, le Roi-Soleil s’est même délesté de 400  écus pour reconstruire la chapelle qui avait souffert des bombardements. Il faut dire que le monument funéraire de l’ancien gouverneur du Duché de Luxembourg rappelait ses glorieux états de service aux côté du roi de France Charles IX.

Autour de ces structures, peu d’objets ont été trouvés. Logique, lorsque l’on sait qu’avant d’être détruit, tout ce qui se trouvait là a été saisi et vendu par les révolutionnaires français. Toutefois, quelques belles découvertes sont apparues, notamment de très beaux fragments de fresques portant des motifs floraux et des traces de peinture dorée qui ornaient les murs du cloître. D’autres ont été colorés avec du bleu cobalt, « une couleur extrêmement chère à l’époque » relève Christiane Bis. Des carreaux de sol vernissés colorés (vert, jaune, noir…) sont également sortis de terre.

Grâce à ces nouvelles fouilles, les archéologues obtiennent une nouvelle pièce du puzzle. Petit à petit, l’histoire de l’urbanisme de la capitale se précise. Lydie Polfer a d’ailleurs loué la qualité de la collaboration entre les archéologues et les services de la Ville. En anticipant ces chantiers, la recherche peut ainsi s’effectuer sans gêner le développement urbain. Une coopération exemplaire qu’il serait de bon ton de généraliser.

Erwan Nonet

D’ici 2020, 268 places de parking supplémentaires

Le 15 juillet 2014, le conseil communal de la capitale avait validé le lancement de ce chantier de 37,3  millions d’euros qui permettra au parking souterrain de la place Guillaume-II de s’agrandir de 55  % en passant de 483 à 751 places. Des emplacements qui, d’ailleurs, seront plus grands à l’issue des travaux. Ils gagneront 20  centimètres en largeur (2,50  m pour 2,30  m actuellement).

Les archéologues sont les premiers à intervenir sur un chantier qui promet d’être spectaculaire. En effet, pour ne pas avoir à fouiller les fondations de l’église du XIII e siècle qui se trouve toujours sous les pavés de la place, la Ville a préféré conserver les niveaux archéologiques en place en installant des voûtes parapluies. Ainsi, l’extension du parking se trouvera sous les vestiges de l’église démolie par les Français en 1795.