Si la FLF recommande fortement aux clubs affrontant des Européens de se tester, ces derniers ne sont pas rassurés et craignent que leur campagne en souffre. Mais tout le championnat aussi.
Un gigantesque flou et, d’emblée, les mots forts d’un dirigeant agacé : « On aurait dû imposer les tests à tout le monde il y a six semaines déjà. On se comporte en la matière comme des amateurs et on récoltera des problèmes d’amateurs ! » La saison commence dans quelques jours et déjà, le doute plane.
La semaine dernière, Differdange devait affronter Käerjeng en amical, de manière impromptue. Mis au courant, Fabrizio Bei a, d’un coup, un gros doute : « Mais… ils ont été testés, les Bascharageois ? » Son directeur sportif, JeanPhilippe Caillet, lui dit qu’effectivement, il ne sait pas. « J’ai dit que dans ces conditions, je refusais qu’on joue. » Le président du FCD03 avait cette latitude pour une rencontre de préparation. Samedi, face au Swift, il ne l’aura pas. Son homologue lui a garanti que ses joueurs seraient testés car la fédération invite «très fortement» (à défaut de le leur imposer) les clubs rencontrant des «Européens» à prendre des précautions, par respect pour la campagne qui s’annonce et pour ne pas risquer de la compromettre.
On joue ou pas, en cas de positivité ?
Rassuré, le top 4 de la saison passée ? Pas du tout. « Nous, on ne sait toujours pas officiellement ce que la FLF demande aux autres clubs, assure, fataliste, Sébastien Grandjean, le coach du Fola. Et il est hors de question que nous appelions nous-mêmes nos adversaires pour leur demander d’être en mesure de produire des tests le jour du match. Ce n’est pas à nous d’exiger quoi que ce soit. Par contre, j’ai le droit de poser la question : si on se retrouve avec des positifs avant de partir en Coupe d’Europe, on fait quoi, surtout si c’est à cause du match de championnat qu’on vient de jouer ? »
Ce sont les modalités concrètes du déroulement du championnat qui font défaut aujourd’hui aux clubs. Les questions, pourtant, sont basiques : un club peut-il refuser de jouer si son adversaire n’a pas fait tester son effectif ? Que fait-on si un club présente l’un ou l’autre positif ? Fait-on jouer le match ? Ou de la même façon qu’une équipe peut refuser de jouer si l’un de ses éléments est, par exemple, retenu en sélection espoirs, U19 ou U17… faire reporter ? Et à partir de combien de cas positifs reporterait-on ? « Tous les clubs se posent la question », répond Fabrizio Bei. Façon élégante de dire que personne n’a la réponse. Il a d’ailleurs pris sur lui d’appeler la FLF pour en obtenir, des réponses. « Et je n’ai toujours aucune idée de ce qu’on fera .» Tout juste lui aurait-on expliqué que, au moins pour les matches concernant les clubs européens, si les adversaires semblaient se défausser en prétextant le coût des tests, la fédération pourrait, dit-il, mettre la main à la poche. « Je leur ai demandé s’ils rigolaient. Bon sang, mais nous, ça fait deux mois qu’on les paie une fois par semaine ! »
«Le ministère de la Santé ne nous laissera pas…»
En étant très cynique, on pourrait se dire que les soucis, finalement, ne commenceront que lorsque les équipes seront testées. Sans test, par définition, on ne trouve rien. Et les matches de DN ont lieu à peu près normalement puisque aucun Européen ne s’imagine réclamer des preuves de tests à ses adversaires… Enfin, pas jusqu’à ce qu’un éventuel cas positif sorte après un duel dominical, ce qui finira bien par arriver. Là, même sans qu’il n’existe aucune preuve de contamination sur le terrain, cela risque de tourner à la cabale, à la suspicion généralisée, au gentlemen’s disagreement …
« À mon avis, au moindre contrôle positif, il faut tout annuler », lance Thomas Gilgemann, directeur du Progrès. « Mais j’ai l’impression que c’est ce vers quoi on risque de se diriger : des annulations, des reports… Le ministère de la Santé ne nous laissera pas jouer de toute façon. Je sens que les surprises vont se multiplier. »
Les surprises, c’est un mot encore assez doux. On pourrait en utiliser un autre : embrouilles. Prenons l’exemple de Differdange. À chaque fois qu’il a eu un cas positif (c’est arrivé deux fois), il a mis les cinq joueurs qui fréquentaient le même vestiaire en quarantaine pour une petite semaine, le temps de les faire tester de nouveau. Quelles garanties que les autres clubs, les non-Européens, mettront en place le même service minimum pour éviter que la DN ne devienne un cluster majeur au pays et que les matches annulés, tronqués ou faussés ne commencent à se multiplier ? Question de santé publique et de crédibilité pour ce championnat.
Julien Mollereau