Les Roud Léiwen ont eu le ballon 65% du temps à Bakou et l’ont plutôt très bien utilisé, l’emportant avec plus de sérénité que ce que ne dit ce score de 1-2. L’acte de naissance d’une Roja miniature ?
On croirait lire les statistiques d’un match de la sélection espagnole dans sa version Xavi-Iniesta, celle qui tournait des heures autour de la surface adverse, piquait très rarement mais le faisait bien. Les chiffres donc : 13 tirs à 2, 9 corners à 0, 65% de possession de balle. Et si c’était une profession de foi ?
Rappeler que samedi soir, l’Azerbaïdjan a joué plus d’une heure en infériorité numérique est une donnée importante de l’équation, mais il ne faudrait pas non plus se laisser abuser par le sentiment de facilité qu’elle induit. En 2019, l’Azerbaïdjan a accroché la vice-championne du monde croate (1-1) et failli accrocher le pays de Galles de Gareth Bale (2-1). Ce n’est pas à une bande de brutes décadentes auxquelles les Roud Léiwen ont fait la musique à Bakou. Et d’ailleurs, le récital a commencé bien avant que les hommes de Gianni De Biasi ne se retrouvent en infériorité numérique, avec un jeu en triangle qui a permis à Deville, idéalement placé aux six mètres, d’envoyer son plat du pied dans les mains du gardien (3e).
« Ils ont su patienter »
Asphyxiée par l’abattage des latéraux, très bons en reconversion défensive, et d’un Selimovic monstrueux dans l’axe, l’attaque locale n’a pu prouver qu’une fois qu’elle est dangereuse et ce fut d’ailleurs la bonne. Un peu de laxisme de Carlson, qui laisse Alaskarov se retourner et centrer depuis le point de corner. Dans l’axe, Sheydaev est seul pour décroiser (0-1, 44e).
À ce moment-là, Luc Holtz a avoué avoir eu peur que malgré la maîtrise absolue sur le jeu, encore renforcée par l’expulsion d’Emreli pour un coup donné à Kiki Martins au sol (25e), le spectre du nul en Lituanie (1-1, le 7 juin 2019) refasse surface.
Mais c’est un Luxembourg en mode «Roja» qu’on a vu sortir des vestiaires. Il a tourné, tourné, et tourné encore, vampirisant le ballon, multipliant les petites passes courtes en apparence sans intérêt, cherchant le petit décalage en travaillant le bloc défensif azerbaïdjanais. «Ils ont su patienter et chercher, d’un coup, la verticalité comme sur cette passe fulgurante de Vincent Thill pour le 1-1», s’enthousiasme Paul Philipp, pourtant pas un fan déclaré du modèle ibérique, auquel il trouve quelques côtés négatifs : «C’est beaucoup du handball. À un moment, il faut bien s’engager non ?»
Le danger à chaque accélération
Hormis sur les deux buts de la victoire (et sur un poteau de Stefano Bensi en toute fin de rencontre, au bout d’un joli mouvement plein axe qui aurait idéalement couronné sa cinquantième sélection), on n’a donc pas vu énormément d’occasions de but en deuxième période. Mais à chaque accélération ou presque, il y a eu danger.
À la 48e minute, Jans est rentré vers l’axe, s’est appuyé sur Gerson R. qui a remis en une touche vers V. Thill, qui lui a immédiatement joué la profondeur dans la course d’un Barreiro parti pour casser la ligne. Le petit milieu de terrain voit alors Krivotsyuk marquer contre son camp en cherchant à l’empêcher de marquer. Puis à la 71e, Carlson se retrouve face à face avec le latéral gauche et avec un angle de centre très confortable. Il cherche le deuxième poteau où Mustafazade doit mettre la main en plongeant de façon désespérée pour empêcher Gerson R. de conclure. Ce dernier se charge du penalty avec la sérénité d’un sphinx (1-2, 72e).
Du banc de touche, Holtz, qui lui adore la Roja, a énormément apprécié : «On s’est ouvert les espaces ! J’avais demandé à la pause aux milieux de terrain de décrocher un peu pour que tous les attaquants ne soient pas sur une ligne et pour mettre tous nos joueurs techniques dans leur zone de confort, dans des espaces réduits. Il fallait juste attendre de pouvoir plonger et c’est ce que Leo a merveilleusement fait notamment.»
Être patient, frapper juste et au bon moment, sacrée preuve de maturité. L’année 2020 a commencé tard mais elle commence bien.
A Bakou, Julien Mollereau