Auteur mardi de son premier but avec le Stal, synonyme d’exploit en Coupe pour le club de D2 polonaise, Sébastien Thill savoure à Rzeszow, après des mois compliqués à Rostock.
Si Benjamin Pavard était un joueur luxembourgeois, ce serait peut-être bien Sébastien Thill. Le défenseur français a beau aligner les prestations de haute volée chez des cadors européens, le Bayern Munich (de 2019 à 2023) et à présent l’Inter Milan, et enchaîner dernièrement les buts avec son équipe nationale (3 lors de ses 5 dernières apparitions avec la France), tout le monde le ramène constamment à sa «frappe de b*****», cette demi-volée magnifique contre l’Argentine (4-3), en huitièmes de finale du Mondial-2018 finalement remporté par les Bleus.
Ce type de geste mémorable, Sébastien Thill doit aussi en porter le poids, lui qui, dans l’imaginaire collectif hors Grand-Duché, est ce type qui a terrassé le Real Madrid un soir de septembre 2021. La preuve, pas plus tard que mardi soir : pour annoncer son but face au Puszcza Niepołomice (D1), qui a offert au Stal Rzeszow (D2) une qualification aussi surprenante que la victoire du Sheriff Tiraspol à Madrid (1-2) il y a deux ans en Ligue des champions, son club a partagé une vidéo… de sa demi-volée inscrite au Santiago-Bernabéu. Cela dit, le community manager du Stal avait une excuse : «Séba» n’avait pas encore planté depuis son arrivée en Pologne fin août. Alors histoire de marquer le coup, c’est de la tête, chose assez inhabituelle chez lui, que le gaucher a débloqué son compteur. Tout cela valait bien un petit coup de fil.
Il n’est pas si rare de vous voir marquer (il a inscrit 72 buts depuis son passage chez les seniors), mais de la tête, ça l’est plus : si l’on se fie au site Transfermarkt, votre but de mardi n’était que le 5e de la tête…
Sébastien Thill : C’est possible, oui ! C’est vrai que je ne marque pas souvent de la tête, mais mon jeu de tête n’est pas si mauvais que ça en fait. Ici, je suis souvent dans les 16 mètres et ça fait un mois que je n’arrête pas de dire à notre arrière droit de centrer en retrait. Mardi, il l’a fait, et ça a marché! Un exploit ? Même si c’était une 1re division en face, ce n’était pas trop compliqué non plus… On a vraiment fait un bon match, contre une équipe qui n’aime pas trop jouer et a abusé des longs ballons. C’était un match avec beaucoup de duels.
Vous n’aviez plus marqué en équipe première depuis le 17 février 2022 (avec Tiraspol, contre Braga en Ligue Europa). Ça devait commencer à vous démanger, non ?
Oui, surtout que dans tous les autres matches, j’avais de grosses occasions! Il m’a fait du bien, ce but. Je l’attendais! D’autant qu’il nous permet de battre une 1re division. Je suis content.
Même si Niepołomice est relégable dans l’élite, cette victoire contre une D1 n’est-elle pas le signe que le Stal n’est pas tout à fait à sa place (13e sur 18) en D2 polonaise?
La saison dernière, l’équipe a joué les play-offs pour monter. Il y a eu beaucoup de changements, quelques joueurs importants sont partis, et le club veut travailler avec les jeunes. On a deux joueurs de 17 ans, l’arrière gauche a 20 ans, l’arrière droit 19… Après mon arrivée, on a pris un autre joueur expérimenté (le défenseur slovaque Milan Simcak, 28 ans), et ça commence à prendre forme. Je pense qu’on peut faire mieux que notre place actuelle. Pour l’instant, on est encore en train de construire, mais bien sûr que le club veut monter. Mais on a mal commencé la saison. Maintenant, on a un match important dimanche (contre Katowice, 12e avec deux points de plus)… Je pense qu’on en saura plus lors de la trêve sur nos ambitions.
À titre personnel, quel regard portez-vous sur vos deux premiers mois en Pologne ?
Pour l’instant, je me sens bien. Au début, j’ai eu un peu de mal pour prendre le rythme, car ce n’est pas la même chose qu’à Rostock où je jouais avec la B (en Regionalliga, la D4 allemande) ces derniers mois. Mais là, je viens d’enchaîner six matches de quasiment 90 minutes, et je me sens de mieux en mieux sur le terrain. Je reprends du plaisir à jouer au foot. Même si j’ai joué en dix mardi, je joue le plus souvent en huit, dans un 4-1-4-1. J’ai toujours aimé jouer à ce poste, c’est ma meilleure position, je pense. Le coach (Marek Zub), qui aime jouer au ballon, attend de moi que je fasse le jeu, mais aussi que je le calme quand c’est nécessaire. On est quelques joueurs à être capables de le faire et on le fait aussi. On a une équipe jeune et c’est donc à nous, les « vieux » (sic), de faire attention à eux et de prendre le jeu à notre compte.
On a une équipe jeune et c’est donc à nous, les « vieux », de prendre le jeu à notre compte
Vous parlez de plaisir : vous l’aviez perdu à Rostock ?
Oui et non. Disons que si tu ne joues pas souvent ou que tu te retrouves en 2e équipe (il n’a pas joué avec la première lors de la phase retour), le foot ne te fait pas trop plaisir. Mais il faut faire avec et donner le meilleur de soi-même. Même si c’était avec la réserve et que je savais que je voulais partir, j’ai aidé les jeunes et j’ai essayé de faire le maximum pour jouer et avoir des minutes. Surtout en vue de l’équipe nationale.
Durant cette période où vous ne jouiez plus au Hansa, la sélection était un phare pour vous ?
Tout le monde n’a pas la chance de jouer pour son pays, alors forcément, je fais toujours tout pour être appelé. Et même si, parfois, je joue peu en équipe nationale, j’essaie de donner le maximum à l’entraînement et de soutenir l’équipe à fond.
Je suis agréablement surpris par certains stades, l’intensité des duels, le rythme des matches… C’est un beau championnat en fait!
Pour revenir à votre situation en club, comment jugez-vous le niveau de la D2 polonaise ?
Je pense que c’est un peu en dessous de la D2 allemande (où il évoluait avec le Hansa Rostock la saison dernière), mais je suis agréablement surpris du championnat, aussi bien par certains stades, l’intensité des duels, le rythme des matches… Ça joue au foot, c’est un beau championnat en fait! On verra l’année prochaine (il a signé jusqu’en juin 2024) mais pour l’instant, je me sens bien ici. D’autant que je joue tout le temps.
En termes d’intégration, la barrière de la langue ne complique pas trop les choses ?
Pas du tout ! Les Polonais parlent souvent polonais entre eux, mais tout le monde sait parler anglais dans le vestiaire. Sinon, même si le Stal est un petit club, il y a une belle ambiance et pas mal de supporters! Les gens vivent le foot à fond ici : le week-end dernier, on a joué à onze heures de Rzeszow et 500 personnes avaient fait le déplacement ! Parmi les fans, je n’ai pas encore vu de maillot floqué « Thill », mais j’espère que ça va venir (il rit)! Pour ça, il faut marquer des buts. J’espère que je vais en mettre pas mal ici !
Et Rzeszow, c’est comment ?
C’est un peu pareil que Rostock : c’est une petite ville sympa, qui fait à peu près la même taille (Rostock compte 208 000 habitants, Rzeszow 183 000), avec des coins très agréables. J’aime bien la ville ! J’y suis seul pour l’instant et je préfèrerais bien sûr être avec ma femme, mais on se voit quand même beaucoup. L’hiver polonais ? Pour l’instant, il n’est pas encore là ! En ce moment, il fait entre 15 et 17 °C, donc ça va. Mais de toute façon, j’ai joué en Russie (à Tambov, de septembre 2020 à janvier 2021) et l’hiver ici ne peut pas être pire que là-bas (il rit) !