Sous-utilisé au Swift en 2022/2023, Ryad Habbas connaît un début de saison idyllique à Thionville, leader invaincu de N3, tombeur d’Annecy (L2) et futur adversaire de Marseille en Coupe de France.
On dit souvent, Ryad Habbas le premier, que «tout va très vite dans le foot». L’ex-Niederkornois, Hostertois et Hesperangeois est bien placé pour le savoir : à la cave la saison dernière au Swift, il est aujourd’hui l’un des tauliers de l’AS Thionville, sensation de l’édition 2023/2024 de la Coupe de France.
Leaders invaincus de National 3, le club mosellan et sa cohorte d’ex de BGL Ligue (Vincent Collet, Adrien Ferino, Maxime De Taddeo, Thibaut Jacquel, Ibrahim Baradji…) viennent, en deux tours et en l’espace de deux semaines, de voyager à plus de 32 000 kilomètres de chez eux, dans le cadre paradisiaque de la Nouvelle-Calédonie pour y éliminer Hienghène Sport (Régional 1, 0-4), puis de sortir Annecy (Ligue 2, 2-1), demi-finaliste surprise de la dernière édition.
Cerise sur le gâteau, ils affronteront en 32es de finale le grand Olympique de Marseille, dix fois vainqueur de l’épreuve, le 7 janvier au stade Saint-Symphorien de Metz. Avec, à la pointe de leur attaque, un Habbas forcément requinqué par un tel rebond.
On devine la réponse, mais : comment ça va, après ces quelques jours de folie ?
Ryad Habbas : Comment ne pas aller super bien? Ce qu’on a vécu en un mois, partir à l’autre bout du monde, sortir une Ligue 2 et tirer Marseille, c’est magnifique! Non seulement il y a ça, mais en plus, on est invaincus en championnat.
En partant en Nouvelle-Calédonie, on avait peur que ça ait une répercussion sur notre saison, au niveau du décalage horaire mais aussi mentalement, mais on l’a super bien géré. On a su rester sur nos dynamiques de travail et de performance du début de saison et, à peine revenus, on sort Annecy. Ce qui se passe au club, c’est inimaginable, c’est exceptionnel!
D’autant plus exceptionnel que vous n’en êtes pas à votre coup d’essai.
C’est vrai! Avec Croix (club nordiste qui évoluait alors en National 2), en 2018/2019, on avait fait un super parcours. On avait sorti le Paris FC, qui était alors dans les trois premiers de Ligue 2, puis deux clubs de National 1, Boulogne-sur-Mer et Marignane Gignac, avant de perdre contre Dijon (alors en Ligue 1).
Et encore, on avait pris un rouge et concédé un penalty dès la 4e minute… Mais franchement, dans le contenu, on avait fait un très bon match. J’ai le sentiment que s’il n’y avait pas eu ce fait de jeu d’entrée, on aurait eu les moyens d’accrocher quelque chose. On avait vraiment fait de très bonnes choses dans le jeu.
Certains joueurs ne réalisent jamais d’épopée en Coupe de France. Vous, à 26 ans, vous en êtes déjà à votre deuxième. Avez-vous conscience d’être un privilégié ?
Et encore, je n’ai joué que trois fois la Coupe de France! Faire deux magnifiques parcours, avec deux Ligue 2 de sorties, c’est vrai que c’est une fierté. C’est ça, la magie de la coupe! De tels parcours, ce n’est pas donné à tout le monde. En faire ne serait-ce qu’un dans sa carrière, c’est déjà beau, alors un deuxième en trois coupes… C’est vrai que quand tu as baigné dans ce milieu-là, c’est difficile de réaliser. Il y a énormément de personnes qui nous disent : « Vous ne vous rendez pas compte, on aurait adoré être à votre place! ». Alors on essaie d’en profiter au maximum. Mais là, tirer l’OM, c’est extraordinaire!
Cette euphorie contraste vraiment avec votre exercice 2022/2023 difficile (seulement 7 apparitions, pour 2 buts) du côté du Swift…
C’est sûr que si on compare ma situation la saison dernière et mon début de saison… Partir en prêt dans un club que je ne connaissais pas du tout n’était pas un choix facile à faire. Au début, j’étais un peu réticent, j’avais d’autres propositions à côté, mais au final, quand je vois ce que vis et ce qui se passe de l’autre côté (au Swift), je me dis que c’était l’un des meilleurs choix de ma vie. Je ne m’attendais évidemment pas à connaître une saison aussi exceptionnelle. Je suis content d’avoir pris la bonne décision.
Comment vous êtes-vous retrouvé à Thionville ?
Avec le Swift, on avait fait le choix de poursuivre ensemble en début de saison. Mais finalement, avec le nouveau staff, ça ne s’est pas bien passé non plus. Je n’avais pas envie de faire une deuxième saison sans jouer, la volonté du club était de me garder, alors on a convenu qu’il fallait que j’aille trouver du temps de jeu ailleurs.
Aujourd’hui, Thionville est très content, moi aussi et peut-être, s’ils suivent un peu ce que je fais, que le Swift est content pour moi aussi. J’ai eu des propositions en BGL Ligue, mais ça n’a pas abouti. La France, c’est une mentalité différente que je connais, des championnats que je connais et c’était donc la meilleure décision d’aller à Thionville.
Pourtant, la première fois qu’on m’a parlé du club, ça ne m’intéressait pas : je n’avais pas suivi leur montée en pensais qu’ils étaient encore en R1 (le 6e échelon français). Mais quand le coach (Julien François, passé notamment par Metz durant sa carrière de joueur) m’a appelé et parlé de N3, je me suis dit : « Ah, mais ce n’est pas pareil! ». Dès l’instant où je me suis intéressé au projet, je n’en ai entendu que du bien. Je préférais un challenge ambitieux en N3 que de jouer le maintien en BGL Ligue, et je restais dans la ville où j’habite. Là, je suis à cinq minutes du stade! Toutes les étoiles étaient alignées.
Ce qui s’est passé avec moi au Swift la saison dernière, c’est une mascarade
Avec le recul, êtes-vous capable d’analyser pourquoi ça n’a pas marché pour vous à Hesperange ?
Je n’ai même pas besoin de recul : pour moi, si ça n’a pas marché, c’est juste à cause des problèmes extrasportifs et de la politique. Quand on a fait appel à moi, j’ai été performant et décisif. Après avoir été en tribunes contre Niederkorn (1re journée), j’étais dans le groupe à Hostert, où j’entre et fais une « passe dé ». Le match suivant, contre le Racing, je suis titulaire et je marque, mais, la journée d’après, je suis remplaçant à Strassen… Déjà, ce n’est pas normal. Mais je joue dix minutes et je mets une lucarne. Et le match suivant, je suis en tribunes…
Ce qui s’est passé toute l’année n’avait aucune logique. Sportivement, personne n’a rien eu à me reprocher. On disait de moi que j’étais un top joueur, parfois que j’étais le meilleur devant le but et, malgré ça, je n’ai presque pas joué. À l’entraînement comme dans les matches amicaux, j’ai parfois réalisé des choses incroyables et même avec ça, je n’étais jamais dans le groupe. Pour moi, ce qui s’est passé avec moi, c’est une mascarade.
Annecy a battu l’OM, on a battu Annecy donc, dans la logique des choses, on est censés battre l’OM!
Difficile, dès lors, de vous imaginer à nouveau sous le maillot du Swift un jour…
Un coach fait ses choix et, personnellement, je pense qu’il (Pascal Carzaniga) n’a pas fait ceux qu’il fallait par rapport à moi. Mais il y a quand même une direction qui m’a fait confiance. Dans le foot, tout va vite, au Swift aussi… Ça fait un petit moment que je suis sous contrat avec le Swift, ils respectent leurs engagements vis-à-vis de moi, alors je ne peux pas dire que du mal du club. Je ne me prends pas la tête, on verra la tournure que prendront les discussions l’été prochain. Je ne ferme la porte ni à Hesperange, ni à Thionville, ni à qui que ce soit. Je vis vraiment au moment présent.
Vous sentez-vous capables de sortir Marseille, à présent ?
Bien sûr et heureusement! D’une, parce que c’est Marseille et qu’ils ont l’habitude de faire des conneries en Coupe (NDLR : sur les cinq dernières saisons, Marseille s’est fait éliminer deux fois par des équipes de N2, et une fois en 2023 par une formation de N1). Et de deux, parce qu’on est tellement bénis cette saison que ce ne serait même pas étonnant d’accrocher quelque chose sur ce match-là. Et moi, j’ai une réflexion très logique : l’année dernière, Annecy (alors en N1) bat l’OM, cette année, on bat Annecy donc, dans la logique des choses, on est censés battre l’OM (il rit).
Trêve de plaisanteries, on est des compétiteurs, on vit une saison exceptionnelle, alors bien sûr qu’on se dit : « pourquoi pas ». Chaque année, il y a toujours une surprise : avec la saison qu’on fait, pourquoi pas nous? On n’ira pas là-bas pour se prendre une raclée, mais sans complexes. Désormais, ce n’est que du bonus et la pression sera plus chez eux que chez nous.