Le directeur technique national, Manou Cardoni, lâche son poste auprès des U21 pour peaufiner encore plus la formation «à la luxembourgeoise».
Entre l’annonce du recrutement de Dan Huet au poste d’entraîneur des U21 qui situe à environ 25 (hors détection) le nombre de coaches diplômés à Mondercange, la sortie de Luc Holtz après le Mondial sur la préséance de la formation française sur l’allemande, le titre de champion de Bundesliga U19 d’Aiman Dardari ou encore le rapprochement avec le FC Metz et plein d’autres entités, il y a plein d’excellentes raisons, ces derniers temps, de s’intéresser de près au CFN.
La FLF vient d’annoncer le recrutement de Dan Huet comme coach des U21. Un poste que vous occupiez depuis longtemps. Quelle est l’idée ?
Manou Cardoni : Cela faisait dix ans que je m’occupais des espoirs, mais aussi des U19… Là, je fais encore les U15 et j’ai toute la direction de la détection aux espoirs. Cela fait beaucoup. Dan Huet, c’est la personne idéale. Il connaît la maison, il enseigne déjà à la formation chez nous. Il débarque alors qu’il aurait pu accepter des challenges en DN, aller vers quelque chose de plus glamour et c’est tout à son honneur de nous avoir rejoints.
Où va le CFN ? Quelles sont les orientations du moment ?
Il y a beaucoup de travail. À tel point qu’à un moment, on se perd. À l’heure actuelle, on doit aussi établir des connexions à l’étranger. Et sur ce point, on a énormément de retard, il y a beaucoup de travail de relationnel même si l’on sait d’avance qu’il y a une chose de certaine : on n’est pas décisionnaires. Les clubs pros le sont.
Il y a un pays qui est en train de s’ouvrir, c’est l’Italie
Partons de ce constat dressé par le sélectionneur national en début d’année, après le Mondial au Qatar : la France forme mieux ses joueurs que l’Allemagne, où sont pourtant expatriés la plupart des jeunes Luxembourgeois. Votre avis ?
Je pense qu’il a raison. Mais je pense aussi que changer d’orientation, ce n’est pas le genre de choses qui se fait du jour au lendemain. L’Allemagne, c’est 54 équipes professionnelles avec beaucoup d’équipes de jeunes qui ont des manquements et qui cherchent des profils très spécifiques que nous pouvons leur fournir. La France, ce n’est pas la même chose du tout. C’est un pays exportateur, un immense vivier. La France, c’est l’abondance. Vous savez quelle région du monde était la plus représentée au dernier Mondial ? L’Île de France. Et encore, il manquait Pogba, Kanté, des joueurs Algériens et Marocains…
Ce que je veux dire, c’est que la France, c’est un marché. Moi, je ne demanderais que ça, d’envoyer des joueurs à Lyon, Lorient… Mais on doit commencer doucement. Là, on a déjà un garçon de 14 ans qui va partir à l’essai à Lille. Il a été repéré lors de matches qu’on a pu faire. Un autre pourrait aussi bientôt aller à Lens. On a cette volonté d’ouverture, mais il faut bien reconnaître que les Français nous connaissent moins que les Allemands. En fait, ils ne nous connaissent pas. Logique : ils ont tant de talents… Et de notre côté, pendant des années, on avait un prisme allemand à la DTN (NDLR : Reinhold Breu est parti en 2021 après dix années à la direction technique).
La France, c’est l’Eldorado pour vous ?
Utrecht, aux Pays-Bas, commence à s’intéresser très fort à notre travail. Et là, je viens juste de recevoir un message d’un recruteur du Benfica Lisbonne que je connais depuis un an et demi. Ils sont très très intéressés par un de nos joueurs. Et il y a un autre pays qui est en train de s’ouvrir parce qu’il a un peu les mêmes manques qu’en Allemagne, c’est l’Italie.
Pourrez-vous combler beaucoup de manques de ce niveau dans les années à venir et un peu partout en Europe ?
Disons qu’on suit notre chemin. On ne peut pas faire du Leipzig, du Manchester City ou de l’Ajax. On doit trouver notre modèle. Et quand je vois nos résultats corrects, mais aussi la manière dont nous commençons à dominer certains centres de formation, nous sommes dans le bon. On travaille beaucoup le cognitif, la vitesse d’exécution, la répétition des gestes techniques. Depuis deux ans, on a un coach qui gère l’aspect physique parce que c’est très important, mais cela vient après le cognitif. Si un joueur n’est pas apte à trouver les solutions techniques, son physique n’a pas beaucoup d’intérêt.
Avec Metz, il y a eu la barrière de la langue pendant des années
La méthodologie du moment ?
Récemment, nos U14 ont joué contre le FC Bâle et nos coaches en sont revenus en disant que c’est la meilleure équipe contre laquelle ils aient joué. Devant les équipes allemandes. Et en Suisse, ils sont encore à neuf contre neuf en U14. On y viendra peut-être. Pour l’instant, on est sur du 3 contre 3 en U7, du 4 contre 4 en U9, du 7 contre 7 en U11, du 9 contre 9 jusqu’en U13. On a un fil rouge. Parce qu’on ne veut pas risquer d’avoir un trou de génération. Par exemple, on n’a pas de joueur de 1999 en ce moment en sélection A. On en a dans les autres années suivantes, mais pas de 1999. On ne peut pas risquer de ne devoir miser que sur trois ou quatre joueurs par génération, sachant que leur évolution est forcément aléatoire.
Entendons-nous bien, on veut continuer à faire de la qualité et pas de la quantité. Mais pour avoir plus de certitudes, on a pris le parti d’avoir plus de coaches pour avoir des groupes réduits, travailler le jeu de positions, le situationnel, la répétition technique… Avec ce modèle, nos U14 et U15, en ce moment, sont très bien! Mais c’est à douze ans que ça commence à se jouer. C’est à Ehlerange, à Schengen, à Munsbach… que cela se joue, que sont les futurs pros qu’on enverra à l’étranger. C’est aussi pour cela qu’on met nos programmes en libre-service et que tous les coaches du pays peuvent se servir et piocher ce qu’ils veulent. Mais attention : les clubs travaillent très bien et ça se voit.
Il y a aussi une génération dorée qui s’était qualifiée pour le tour final de l’Euro U17 et vient de faire le tour élite en U19…
Je me méfie de ce terme de génération dorée. En tout cas, je suis très prudent. Même si je vois comment ils se comportent contre des équipes comme l’Espagne ou le Danemark, des équipes qui comptent déjà des garçons qui ont rejoint des effectifs pros et, effectivement, que c’est très prometteur. Mais moi, ce qui m’intéresse, ce qui nous intéresse, pardon, c’est où ils en seront dans trois ou quatre ans. S’ils sont pros, on aura gagné. Comme pour Aiman Dardari, qui vient de devenir champion d’Allemagne. Je suis content pour lui et pour son club, mais je préférerais qu’il devienne pro plutôt que de gagner un titre en U19.
Où en êtes-vous de vos relations avec le FC Metz ?
Il y a eu la barrière de la langue pendant des années (NDLR : les années Breu), mais on a des contacts réguliers – et d’ailleurs, je connais très bien Francis De Taddeo, qui vient de revenir – et je crois savoir que la direction aimerait revoir vite des Luxembourgeois en équipe première. Pourquoi pas un Ryan Lohei dans deux ans en Ligue 1? Mais ça ne se décrète pas et le travail que l’on mène avec le club lorrain, c’est en coulisses que ça se passe.
C est clair qu il y a de plus en plus de joueurs a mélange de nationalité… et ça change tout !!
Allez Luxembourg 🇱🇺 !!!