Parti vivre à Dubaï cet été, l’ancien milieu offensif differdangeois Lucas Prudhomme (26 ans) revient sur son choix de quitter la Belgique pour rejoindre Al-Dhaid, en D2 émiratie.
Comment votre carrière a-t-elle pris ce tournant « exotique » ?
Ce n’était pas prévu. Mon but, en arrivant à Knokke (D3 belge) en 2023, était de tout mettre tout en œuvre pour trouver un club de D1B (D2), ce que je pense avoir fait. Vers la fin de mon contrat, en juin, j’ai eu des intérêts et une offre de D1B mais pour être transparent, ça ne matchait pas du tout du côté financier.
Depuis le covid, même en D1B, c’est devenu compliqué à ce niveau-là. Certains joueurs se retrouvent presque sans rien à la fin du mois, et je n’étais pas prêt à l’accepter, car le foot, c’est mon métier. Pour être le plus performant possible, il faut des conditions qui le permettent, sinon ça occupe ta tête et ce n’est pas bon.
Après mes deux saisons à Knokke (24 buts en 58 matches), j’estimais mériter mieux. Ce contact avec les Émirats arabes unis est venu un peu par hasard, d’un agent qui me suivait. N’ayant pas trouvé en Belgique et comme je ne ferme la porte à rien, je lui ai dit que ça pouvait m’intéresser si les conditions étaient bonnes.
Derrière, ça s’est fait assez vite, bien qu’au début, je ne me voyais pas partir, car je me sentais très bien à Bruxelles (où il vivait). Mais il y a des offres qui ne se refusent pas et en Belgique, l’étau se resserrait. Les clubs avaient déjà bien entamé leur mercato.
En parlant de ces conditions financières, on imagine qu’aux Émirats arabes unis, ce n’est pas un cliché de dire qu’elles sont excellentes.
Mais on n’a pas attendu que je signe là-bas pour le savoir. Je trouve ça dommage qu’on ne s’arrête qu’à ça. Pour être avec l’équipe depuis un mois, je suis très étonné du niveau, qui est comparable à la D1B. Ça me permet de continuer à me développer.
Les conditions financières sont très bonnes mais au niveau footballistique, c’est très intéressant aussi. Le club m’a invité fin juin et là encore, j’ai été agréablement surpris. Les installations sont très bien, le club est très bien structuré, l’encadrement est pro. Je ne voyais pas de raison de ne pas tenter l’expérience là-bas.
Je trouve ça dommage qu’on ne s’arrête qu’à l’argent
Al-Dhaid est bien installé en D2 émiratie, mais n’y a jamais joué les premiers rôles. Avez-vous reçu quelques garanties sportives ?
On en reçoit toujours, mais c’est le terrain qui parlera. Mais l’équipe est très compétitive et le club en constante évolution : en 2024, ils ont fini 12e et cette année, 7e. Cette saison, on aspire à jouer encore plus haut. Les trois quarts des joueurs ont évolué en D1, et des joueurs locaux d’expérience, ou étrangers comme moi, ont été recrutés pour jouer les premiers rôles. C’est un club qui veut se développer, avec notamment un projet de nouveau stade, et qui met les moyens pour y arriver.
Mais quid de l’engouement local pour le football ? Quand on tape « Al-Dhaid« sur les réseaux sociaux, on tombe surtout sur des vidéos de cricket.
On ne va pas se mentir, ce n’est pas le sport national (il sourit)! Ils ont d’autres occupations comme le cricket, les compétitions de faucon, qui attirent énormément de gens, ou les courses de chevaux. Mais c’est aussi intéressant de découvrir de nouvelles choses. Tu sors de ta bulle, de ton confort, et j’en avais besoin.
À Knokke, j’ai fait ce que j’avais à faire et j’étais peut-être arrivé à un plafond de verre car le club n’est pas encore prêt à passer un cap. Donc j’avais besoin d’un nouveau défi. C’est une expérience à part entière : je suis loin de tout, je découvre une autre culture.
Sans être ma ville préférée, Dubaï (où il réside) reste un lieu extraordinaire, avec énormément de choses à faire. C’est beaucoup plus gai que certains coins de Belgique, car il y a une belle météo, la plage, de beaux endroits, bref tout ce qu’il faut pour s’occuper.
J’ai toujours l’équipe nationale dans un coin de la tête
Le fait d’être le seul joueur européen de l’effectif vous met-il une forme de pression ?
Non, c’est une bonne chose, ça prouve la confiance que me porte le club, et c’est toujours valorisant. Et puis, ça reste du foot. C’est inutile de se mettre de la pression supplémentaire quand tu sais ce que tu sais faire. En Belgique ou au bout du monde, ça reste un terrain vert avec un ballon. Il faut voir le foot comme un jeu, en tirer de l’amusement.
Dans le portrait que nous vous avions consacré en février 2024, vous disiez qu’en général, les footballeurs atteignent leur maturité sportive à 28 ans. Que vous manque-t-il, à 26 ans, pour atteindre celle-ci ?
Un footballeur n’est jamais complet sur tous les points. Au fil du temps, tu prends conscience que tu ne gommeras pas certains points faibles et l’important, dès lors, c’est d’appuyer sur les points forts. L’aspect mental joue beaucoup dans le foot : quand on sait de quoi on est capable, on s’épanouit beaucoup plus sur le terrain.
Je pense avoir fait le switch à ce niveau-là. Je dois continuer d’avoir conscience de mes qualités et d’accentuer mes points forts : la qualité technique, le dribble, la passe, la vision du jeu.
Vous rappeliez aussi que certains joueurs ne deviennent internationaux qu’à 31 ou 32 ans. La sélection luxembourgeoise*, vous y pensez toujours ?
Oui, bien sûr. En tant que compétiteur, j’ai toujours l’équipe nationale dans un coin de la tête. Je ne vais pas dire que c’est ma priorité, car j’ai conscience de sortir des radars de la sélection en venant ici, mais je n’ai pas de crainte, car le football d’ici est tout aussi intense qu’en Europe. Si le sélectionneur faisait appel à moi, je répondrais présent, car je ne perds pas le rythme.
*Appelé en février 2019 par Luc Holtz pour deux matches amicaux contre Sarrebruck programmés en dehors des dates FIFA, le natif d’Arlon n’avait pas été libéré par Virton.