Reinhold Breu, l’ancien DTN allemand du Luxembourg, livre son analyse avant le choc de vendredi, en éliminatoires du Mondial-2026. Verdict : face à cette Mannschaft «qui n’est pas de top niveau mondial», il y aura de la place.
Le coach allemand de la Jeunesse Esch, directeur technique national de la FLF pendant une décennie entre 2011 et 2021, a entraîné tous les garçons qui seront sur la pelouse à Sinsheim, vendredi. Il est surtout un observateur attentif de ce qui se fait dans son pays d’origine et il l’assure : cette génération allemande n’est pas à l’abri d’une surprise contre son pays d’adoption.
C’est quoi, le niveau réel de la Mannschaft à l’heure actuelle ?
Reinhold Breu : Son niveau moyen n’est pas celui d’une équipe « world class« . La Mannschaft se débat actuellement – en fait depuis cinq ou six ans – avec des problèmes de joueurs de couloir, où il lui manque des garçons de niveau international, autant que sur un poste qui a historiquement toujours été très important pour elle, celui d’avant-centre. À ce niveau-là, ce n’est plus une équipe de premier plan.
La Mannschaft n’est plus une équipe de premier plan
Le serait-elle si elle avait à disposition des joueurs qui lui font cruellement défaut, tels que Musiala, Havertz, Rüdiger ou Ter Stegen ?
Je dirais oui en ce qui concerne Musiala et Havertz, mais pas pour Rüdiger, un joueur que je n’apprécie pas particulièrement parce qu’il commet ces dernières années beaucoup trop d’erreurs stupides. Le match contre la Slovaquie (NDLR : défaite 2-0, au mois de septembre) l’a encore montré.
Il faudra de toute façon aller chercher la qualification sans eux et cela me fait dire qu’il s’agit de l’Allemagne, qu’on ne devrait pas avoir à parler de ça aujourd’hui, qu’il devrait y avoir au moins une quarantaine de joueurs dans le réservoir pour qu’on n’ait pas à se poser ce genre de questions qualitatives, qu’on ne devrait d’ailleurs même pas se poser du tout la question de savoir qui jouera. Or voilà, on a, par exemple, tellement peu de solutions au poste de n° 9, qu’il arrive qu’on joue sans.
Füllkrug (NDLR : qui n’a pas été retenu par Nagelsmann) en est un, de 9, mais son niveau, c’est celui de top joueur en Bundesliga, pas de top joueur dans le monde. Et puis je voudrais rappeler, en ce qui concerne Musiala, que oui, c’est du haut niveau, mais n’oublions pas qu’il a effectué sa formation… en Angleterre.
À qui faudra-t-il tout particulièrement faire attention vendredi, sur le terrain ?
Je dirais Gnabry et Adeyemi pour leur vitesse. Ce sont eux qui seront à surveiller le plus. Et Wirtz bien sûr.
Malgré ses difficultés du moment avec Liverpool, où ses statistiques sont faméliques ?
Pour moi, il a pris la bonne décision en rejoignant l’Angleterre. Je pense qu’il a besoin de deux ou trois mois d’adaptation, dans un club intelligent qui va lui laisser le temps et travailler avec lui. Et surtout, je pense que le Wirtz sous le maillot de l’Allemagne ne sera pas le même que le Wirtz sous le maillot de Liverpool.
Il va arriver et le staff de Nagelsmann va le dorloter et le mettre dans les meilleures conditions, dans un environnement qu’il connaît. Pour l’empêcher d’avoir une influence sur le jeu, il sera alors crucial de l’empêcher de toucher le ballon et de prendre de la vitesse. Mais là, je suis sûr que Jeff Strasser va trouver la solution.
Vous parliez des problèmes de couloirs. Joshua Kimmich dans l’axe, pour vous, c’est une hérésie ?
Pour moi, Kimmich est un n° 2. Mais de lui non plus, je ne suis pas un grand fan. Il est costaud quand il est avec le Bayern, une équipe de renommée internationale, oui, mais c’est facile de l’être dans ces conditions. Le problème, c’est que cela devrait le désigner comme leader de la Mannschaft. Or c’est avec lui que nous avons connu tant d’éliminations précoces, de désillusions internationales ces dernières années. À l’ère du foot-business, un tel ratio, c’est une honte.
Il faudra jouer dur, gagner les duels. Et avec des gars comme Carlson et Korac, c’est possible
Quoi qu’il en soit, l’Allemagne, cela reste du très très haut niveau pour le Grand-Duché. Comment tenir la distance, défensivement notamment ?
La clef, c’est de faire exactement ce qu’a montré la Slovaquie le mois dernier : mettre énormément d’intensité physique, jouer dur et compact, gagner les duels. Et avec des joueurs comme Dirk Carlson ou Seid Korac, c’est possible. L’erreur à commettre serait de laisser l’Allemagne trouver la profondeur dans le dos de la défense. C’est pour cela qu’il faut mettre la pression au ballon. Et si Woltemade et son 1,98 m devaient jouer, alors je ne me fais pas de souci. Il a beau être fort de la tête et très bien se servir de ses bras, Korac et Carlson ont l’expérience. Ils ont été bien formés à ce niveau-là.
À l’inverse, vous imaginez les Rout Léiwen pouvoir titiller la défense allemande sans Danel Sinani ?
Oui, le Luxembourg peut mettre cette équipe en danger et c’est d’ailleurs aussi pour ça que Nagelsmann a rappelé Schlotterbeck, qui lui a le niveau international. Le fait que Sinani manque est dommageable, mais le Luxembourg aura ses chances en transition. S’ils sont bons, qu’ils y mettent de la vélocité…
Un Dardari, qui a explosé en septembre et a fait ses premiers pas en Bundesliga…
…Il est techniquement l’un des meilleurs joueurs de cette équipe et à certains égards, il me rappelle Danel Sinani. Pas très rapide, mais pas lent non plus, très bon dans le cognitif, doué techniquement… Et surtout, quand il approche de la surface, il est impossible de savoir ce qu’il va faire. Il peut faire son chemin en Bundesliga. En tout cas, je lui prédis une belle carrière.