Alors que la loi Wenger sur le hors-jeu pourrait révolutionner la vie des attaquants et défenseurs du monde entier, au Luxembourg, les joueurs ont la certitude… que ça ne changera rien pour eux.
Une nouvelle loi du hors-jeu sans la VAR ? Autant pisser dans un violon, semblent unanimement dire les acteurs du football luxembourgeois. Arsène Wenger l’a pourtant conçue dans un esprit libertaire total du genre «tout pour l’attaquant, tout pour le spectacle et quant aux défenseurs… débrouillez-vous!». Le concept consiste à ne signaler une position de hors-jeu que si le corps entier de l’attaquant dépasse celui du dernier défenseur.
L’ancien entraîneur des Gunners d’Arsenal porte le projet depuis bientôt cinq ans et même chez ceux qui devraient en être parfaitement instruits – puisqu’ils en seront les premiers bénéficiaires –, on trouve encore des retardataires. Comme Samir Hadji, pourtant meilleur buteur de DN en activité (un but et une passe décisive ce dimanche contre Wiltz, avec le F91) et qui devrait être au courant de ce coup de pouce que le board envisage de donner à sa «profession» : «Je n’étais même pas au courant».
En l’absence de vidéo, on aura plus le temps de s’adapter
Renseignements pris, Hadji, comme il le fait pour l’attaque dudelangeoise, va imprimer le tempo au reste de la division. Il est formel : «Au Luxembourg, sans la VAR, cela ne changera pas grand-chose parce qu’en DN, c’est difficile de voir les actions litigieuses à vitesse réelle. Et puis de toute façon, pour moi… Mon jeu, ce n’est pas la profondeur, c’est plutôt les courbes. Si je suis hors-jeu, c’est rare et c’est de 1 ou 2 centimètres».
L’argument de la VAR, tout le monde le brandit. À croire que personne ne veut admettre que le fait de devoir être ostensiblement et visiblement hors-jeu pour l’être déclaré, ne change rien à l’affaire. Et c’est un ancien attaquant, désormais coach, Stefano Bensi (Strassen), qui nuance : «C’est effectivement souvent le doute qui les fait lever le drapeau plus qu’une certitude. Du coup, cette règle, chez nous, je ne sais pas si cela facilitera la tâche des arbitres : il faudra vraiment que ce soit flagrant. Après, l’intérêt, c’est pour les attaquants. Si ça ne se joue plus au centimètre et qu’ils peuvent en avoir cinquante d’avance au départ du ballon…».
C’est cette poignée de centimètres supplémentaires qui commence à faire hyperventiler les défenseurs. Même si certains, comme Vincent Decker (F91), ne sont pas hostiles au principe : «Moi, je suis pour un football offensif. Alors plutôt que de râler pour un doigt qui dépasse… Si cela arrive, il va falloir s’adapter et être beaucoup plus pointu sur la couverture. Cela va changer les choses pour le placement. Mais disons que nous, au Grand-Duché, en l’absence de la vidéo, on aura plus le temps de s’adapter. Sauf pour les clubs qui jouent l’Europe…».
Julien Klein et son Fola n’ont pas besoin, eux, de savoir qu’ils lutteront pour le maintien et pas pour le podium pour que l’expérimenté défenseur central accepte l’idée qu’à 36 ans, il ne «verra peut-être jamais ça». «Mais ce n’est pas si mal pour le spectacle parce qu’en foot, il n’y a pas beaucoup de buts. Mais par contre, cela ne solutionnera pas le problème. Avant, il suffisait de tendre le bras ou la jambe. Maintenant, ce sera l’inverse. Et il y aura toujours quelqu’un qui ne sera pas content, et toujours des arbitres qui préféreront éviter de prendre le risque de se tromper et qu’il y ait but. C’est humain.»
Ici, les arbitres sont plus pour les petits que pour les gros
«En plus, les arbitres, ici, ils sont plus pour les petits que pour les gros», prolonge Samir Hadji, qui fait de la problématique Wenger un souci plus psychologique qu’autre chose, confirmant le ressenti du défenseur eschois : «Quand il y a un doute qui pourrait profiter à l’attaquant, ici, surtout celui de la grosse équipe, ils préféreront lever pour empêcher un but potentiel que d’avoir à en valider un entaché d’un hors-jeu. Ils ne veulent pas se mouiller».
C’est bien pour toutes ces raisons que le sujet ne passionne pas encore un Jeff Strasser («pour pondre un texte comme ça, bon courage»). Il préférerait amplement que les clubs et la FLF se concentrent sur «l’uniformisation des vieilles règles qui ont cours au Luxembourg avec ce qui se fait à l’étranger». Wenger sera-t-il plus rapide ?
Er Rafik pas fou de la future nouvelle règle : «De toute façon, la magie est perdue»
Omar Er Rafik (FCD03, F91, Jeunesse, Swift…) a été l’un des grands spécialistes du départ à la limite du hors-jeu, pendant des années. Mais cette évolution à venir ne l’emballe pas plus que ça.
On est d’accord : en matière de joueur qui flirte avec le hors-jeu, vous étiez un spécialiste ?
Omar Er Rafik : Moi, ça dépendait des matches… Vous savez, il y en avait de plus vicieux que moi. Surtout chez les défenseurs. C’était ceux qui faisaient un pas à contre-temps pour monter d’un mètre et qui levaient le bras pour signaler que l’attaquant était hors-jeu, même quand il ne l’était pas.
Et l’arbitre levait le drapeau…
Ah ben tant qu’il n’y a pas la VAR (assistance vidéo à l’arbitrage), au moins on peut jouer avec ça. C’est un jeu d’influence. On était toujours en train de jouer avec cette règle. C’est ce que la VAR est en train de tuer. Mais dès qu’il y avait un ancien ou un petit jeune au drapeau, sur la ligne de touche, quand on voyait que c’était compliqué pour eux de suivre le rythme, il suffisait parfois que quelqu’un dans leur dos réclame un hors-jeu pour l’obtenir.
La VAR, ce serait la fin de ce côté un peu aléatoire propre aux stades de la taille du Grand-Duché…
J’avoue qu’avec toutes ces règles, on a commencé à tuer le football. Là, maintenant, il faut commencer à évaluer si une partie du corps est devant le défenseur ou pas… Et après, il faudra déterminer si elle est derrière ou pas. Moi, tout ce que je vois, c’est que des Pippo Inzaghi ou « la main de Dieu » de Maradona, ce n’est plus possible à notre époque et c’est bien dommage.
Jouer avec les limites du hors-jeu, c’est un art? Cette nouvelle règle pourrait-elle fabriquer des attaquants moins intelligents ?
Disons qu’il faut un minimum de sens du placement et d’intelligence. Il faut aussi avoir le timing pour partir au bon moment et savoir observer ce qui se passe autour de soi. Combien j’en ai vu, des joueurs super rapides, qui ne savaient jamais partir au bon moment et se retrouvaient hors-jeu, des gars à qui le coach disait « mais prends un mètre de retard sur le défenseur, tu le rattraperas pendant ta course, plus tard… » Moi, de mon côté, j’ai toujours marché à l’instinct et beaucoup d’attaquants fonctionnent comme ça. Le concept, c’est juste se faire prendre, ou ne pas se faire prendre. Mais ça se fait à l’instinct. Les attaquants ne vont pas commencer à réfléchir plus ou moins à cause d’un changement de règles.
Ce n’est pas si mal, après tout, cette idée de favoriser l’attaquant sur le défenseur, non ?
Bah, pour moi, on pourrait s’en passer. De toute façon, la magie est perdue. Au niveau international, le juge final, de toute façon, ce sera la VAR et ça ne finira que par éviter les conflits. Il y aura moins de doutes, mais ce sera triste.