Jonathan Joubert, le portier du Swift Hesperange, fêtera ses 41 ans dans trois semaines. Il vient déjà de célébrer, en attendant, son 500e match de Division nationale contre Differdange, samedi. Pour atteindre ce chiffre monstrueux, il faut avoir un corps qui tient le choc…
Edwin van der Sar s’est arrêté à 40 ans. Gordon Banks, Dino Zoff, Jens Lehmann, à 41. Jonathan Joubert, qui dépassera ce cap le 12 septembre, envisage de faire encore au moins deux ans. On ne pouvait plus trop traîner, il nous fallait partir à la découverte du corps de ce monstre arrivé au pays à l’âge de 19 ans et qui explose tous les records de longévité en Division nationale.
Comment fait-il, lui qui compte déjà 76 matches de plus au compteur que Denis Scuto, le deuxième joueur le plus capé de l’histoire ? À son arrivée à Grevenmacher, à l’été 1999, son poids de forme oscillait aux alentours de 84 kg. Aujourd’hui, c’est plutôt 90 mais il ne cesse de bouger et il doit mettre un frein sur sa gourmandise. Pour le reste, rien de fou : pas tant d’étirements que ça, pas beaucoup d’endurance non plus, une tolérance très relative à la nouveauté et une fidélité totale à l’ancien médecin de la sélection, «Doc Huberty», qui «avait souvent raison contre tous les autres médecins», quand «Jona» vient demander un second avis. «Mon corps est fiable, mais il faut dire que je m’en suis bien occupé.»
Vous vous demandez comment on peut jouer 500 matches de DN ? Voilà comment…
Vous n’allez pas me croire, mais je ne fais jamais de muscu
«Je suis assez souple. En tout cas, je sais me baisser jusqu’à terre et mettre les mains à plat. Je ne suis pas raide, je ne l’ai jamais été. Les étirements m’aident à la conserver alors j’en fais un peu par-ci par-là, pas énormément non plus, mais raisonnablement. Je n’en fais pas une fixation. Mais je tire un peu plus sur les adducteurs. J’ai souvent eu des problèmes avec ça, mes adducteurs. Alors travailler la sangle abdominale, surtout quand tu prends de l’âge, ça aide. Moi, j’ai clairement une déficience mais même en sachant cela, quand on me dit de faire de la muscu… je dis toujours oui, mais je fais toujours le strict minimum. La muscu, je n’aime vraiment pas ça. Pourtant, il faut être musclé à notre époque sinon dès que tu vas dans les airs, tu te fais envoyer à droite et à gauche. Et pourtant, vous n’allez sûrement pas me croire, mais je ne fais presque jamais de muscu. Le gainage et les pompes de début de saison, oui, mais c’est presque tout. On me dit d’y aller, mais je m’en sors pas mal, je n’y vais que si on m’y pousse vraiment.»
Si on me demande une heure, je fais maximum 45 minutes
«Niveau endurance, je tiens bien. En tout cas, tant que c’est de l’endurance et seulement ça. Dès qu’on commence à aller dans la puissance, c’est mort. Je bosse quand même pas mal hors période foot parce que j’aime bien ne pas être directement dans le rouge en début de préparation, quand on recommence le spécifique. Les « debout-couché-debout-couché », ça fatigue vite. Alors même au boulot (NDLR : il travaille à la Coque), à ma pause de midi, je vais faire du tapis avec des collègues. Bon après, je fais le programme qu’on me donne à ma sauce. J’adapte, je me connais. Maximum trois quarts d’heure de course, même si on me demande de faire une heure.»
Je rase les mardis et vendredis
«Oui, je sais que je suis identifiable au fait d’être chauve. Au bout d’un moment, quand tu commences à avoir une calvitie et des trous devant, c’est mieux de faire sans. C’est comme ça. Je rase les mardis et les vendredis. Ça ne me fait plus rien, je suis habitué.»
Je me suis habitué au plastique même quand il pleut
«J’aime bien choisir mes couleurs. Ces derniers temps, elles sont beaucoup fluo mais j’aime bien mettre du blanc en été et du noir en hiver. C’est pour pouvoir mettre des collants. Depuis peu, il faut envoyer les tenues à la fédération pour qu’elle contrôle et afin d’éviter les problèmes le jour du match. Pour les chaussures, je suis plutôt pour les moulés que pour les vissés. Je sais que pour les gardiens de but, c’est important d’avoir de très bons appuis et aussi que beaucoup d’entre nous jouent en vissés, mais j’ai eu tellement de soucis aux adducteurs que je me suis habitué au plastique même quand il pleut. J’ai longtemps eu un contrat avec Puma, c’était parfait.»
Jamais de straps sur les doigts
«Déjà, il y a les bras, c’est primordial et pourtant, là non plus, je n’ai jamais trop fait de musculation. Enfin, suffisamment pour mettre Aurélien Joachim K.-O., samedi (NDLR : lors du match du Swift contre Differdange). On a donné chacun un coup au ballon. Moi du poing, lui de la tête. Je lui ai dit à la fin du match que je préférais que ce soit lui plutôt qu’un autre.
Sinon, la main… Je vois souvent des gardiens de but avec des straps plein les doigts. Je veux bien que des fois, les doigts se tordent mais je ne comprends pas et je n’en mets jamais. Ou alors vraiment quand j’ai une grosse douleur articulaire. Mais vous vous rendez compte du temps qu’il faut y passer? Et il faut sûrement recommencer après l’échauffement s’il y en a qui sont tombés…
Après, la technique… Quand je vais voir des potes gardiens de but qui jouent à un plus petit niveau, je me rends compte aux prises de balle, aux relances, qu’ils ne maîtrisent pas. À Metz, l’apprentissage avait été très lent. On nous faisait toujours débuter les séances sans gants. Pourquoi? Aucune idée. Mais je sais que quand on la prenait mal, la balle, ça claquait, ça faisait mal. C’est peut-être pour ça. Mais maintenant, c’est en moi, c’est gravé, je n’y pense même plus tant j’en attrape tous les jours des ballons…»
Quand Frising me dit que sans lentilles, il ne voit rien…
«J’ai 10 sur 10 dans chaque œil. Quand j’entends Joé Frising me dire que s’il n’a pas ses lentilles, il ne voit rien… Pourtant, une bonne vue, c’est crucial, surtout quand tu joues en nocturne et que l’éclairage n’est pas super. L’œil, c’est important pour le jeu aérien, pour les ballons en profondeur, juger les trajectoires. Il faut bien y voir, percevoir chaque détail. Je n’ai jamais essayé aucun gadget pour améliorer ça mais si un coach arrive un jour avec ça et veut m’y mettre, pas de problème, j’essaierai… Mais bon…»
Même si j’ai tort, j’ai raison
«Quand les préparateurs mentaux ont commencé à arriver au pays, on a vu quelques trucs mais franchement, personnellement, ça ne m’intéresse pas. Je n’ai pas besoin de ça. Je ne sais pas d’où me vient ce côté zen. Même quand il m’arrive d’être plus nerveux, je ne le montre pas extérieurement et c’est bien parce que ça aide ta défense que ton gardien ne soit pas nerveux ou qu’il ne le montre pas.
Après, un gardien qui ne parle pas, c’est mal vu. Sur le terrain, je suis différent de celui que je suis en dehors. Alors je pousse des gueulantes quand on subit mais jamais méchamment. Et après le match, si j’estime que j’ai dit un mot qu’il ne fallait pas, que c’est allé trop loin, je vais voir le gars. Il faut toujours que ça finisse bien ! Même je ne pense jamais avoir tort sur un terrain. Et si j’ai tort…. eh bien j’essaye d’avoir raison ! Il y a un truc que je demande tout le temps à mes défenseurs, c’est de sortir sur un tireur, de ne jamais l’attendre. Et je leur dis. Demandez à Tom Schnell ! Maintenant, il est bien placé pour le savoir.»
Un pied gauche travaillé au centre aéré, avec un moniteur qui a du bidon
«J’ai toujours apprécié le fait d’être gaucher. En général, les gauchers aiment à dire qu’ils sont différents et cela ne s’explique pas. C’est comme ça. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de joueurs qui ont les deux pieds mais bon, voilà, moi, je suis fier de mon gauche. Dès qu’il y a un nouveau joueur dans l’équipe, il ne faut surtout pas oublier de lui rabâcher, encore et encore « si tu mets une balle en retrait, n’oublie pas : pied gauche ! Pied gauche ! ».
Ce pied gauche, je l’ai beaucoup travaillé au quartier, étant jeune. C’était à Woippy. On avait un terrain en herbe – enfin, ce qu’il en restait – et un autre en béton. On faisait des tournois inter-quartiers. Je pense que dans le jeu, j’étais au-dessus de la moyenne. Et je me rappelle qu’au centre aéré, on me faisait toujours jouer côté droit. C’était un vrai centre aéré avec un moniteur à lunettes et avec un bidon.»
Mes gants ? C’est le gardien de Qarabag qui me sponsorise !
«C’est important les gants pour un gardien. Moi, j’ai joué pendant six ans sous la marque Sells, qui m’avait sous contrat jusqu’à cette année. Je n’ai jamais fait attention au nombre de paires que j’utilise d’ailleurs. Mais là, maintenant, je suis avec l’ancien gardien de Qarabag, (NDLR : le Bosnien désormais au Milan AC) Asmir Begovic.
On l’avait affronté avec Dudelange et il n’avait personne pour représenter sa marque au Luxembourg. Il vient de la lancer. Elle s’appelle AB1. Ils m’ont plu, je me sens bien dedans. Mon critère, c’est que j’aime bien quand les gants sont bien souples.
Il existe des gants pour terrain sec ou des « aqua », pour quand les gazons sont arrosés ou qu’il pleut. Moi, je prends toujours les « normaux » et je n’en change jamais. Les « aqua », c’est quand tu es pro et que le gazon est tout le temps arrosé! Bon, à Hesperange, ils arrosent tout le temps mais ça n’est pas bien grave, mes gants vont quand même bien sur ce terrain.
Après, il faut bien dire que les ballons d’aujourd’hui sont de vraies savonnettes. Ils sont plus rapides ou ils bougent et ils flottent, comme le Jabulani (NDLR : créé pour le Mondial sud-africain en 2010), vous vous en souvenez, de celui-là? C’est pour ça aussi que c’est bien qu’en DN, on ait uniformisé le ballon, qui d’ailleurs est plutôt bon. Je me rappelle, avant, quand on allait visiter des petits clubs dont je tairai le nom, on avait un ballon d’une marque X, il partait derrière, dans un champ, et on se retrouvait avec un ballon d’une marque Y. L’horreur.»
Julien Mollereau