[Arbitrage] Ivo Torres, recalé à ses examens physiques l’été dernier, espère sortir du tunnel début 2026 et retrouver la BGL Ligue. Mais l’international, c’est fini pour lui.
Il a jusqu’à présent 121 matches de BGL Ligue à son actif, saupoudrés de 45 rencontres de Promotion d’honneur et de 21 de Coupe avec en point d’orgue la dernière finale.
Cela n’a pas pesé bien lourd face à un premier test physique passé à la trappe en raison d’une blessure et d’un second sur lequel il était trop court. Voilà comment la DN s’est retrouvée privée d’un de ses meilleurs sifflets pour toute la phase aller.
Quand aura-t-il lieu, le test physique qui pourrait vous réhabiliter en Division nationale?
Ivo Torres : C’est le dernier samedi de janvier. Mais je vais faire attention à ce que je mange pendant les fêtes parce qu’on a aussi un stage de quatre jours en Algarve, mi-janvier, avec les autres arbitres, avec trois séances journalières.
Mais d’ici là, je fais les entraînements prévus durant la trêve, qui sont contrôlés à distance par nos deux coaches, avec les données de nos montres Polar.
Qu’est-ce qu’il s’est passé, pour vous, lors de ce test de 2025?
Je l’ai raté. Juste après la finale de Coupe entre Differdange et le F91. Lors de la première session, j’avais eu une petite blessure qui a fait que je ne pouvais pas le passer. Malheureusement, en repêchage, je n’étais pas à 100%.
Si je l’avais été, normalement, je dis bien normalement, j’aurais dû le réussir, même si je n’ai aucune garantie. Disons en tout cas que la probabilité aurait été plus élevée. Pourtant, il ne me manquait pas grand-chose.
C’était très frustrant, après neuf années consécutives en BGL Ligue (NDLR : en fait huit). Mais la règle est la même pour tous les arbitres et si tu ne réussis pas, tu es rétrogradé d’une division, même si je suis resté dans le cadre A.
Donc, depuis le début de la saison…
J’ai été parfois quatrième arbitre en DN, mais j’ai eu seulement des matches de PH.
Au ton de votre voix, cela ressemble à six mois de perdus?
Je peux le dire, parce que beaucoup d’autres personnes le disent aussi : même s’il y a plus d’expérience chez les joueurs et plus de pression, le niveau de la DN est en train de baisser, alors que celui de la PH est en train d’augmenter.
Donc, je n’ai pas trop à me plaindre. Et puis, j’estime que le niveau d’un arbitre doit le préparer à pouvoir siffler à n’impote quel niveau. Mais… oui, j’ai perdu six mois. J’ai été victime de ma façon de penser et il y avait trop de pression.
Comment cela?
Je suis toujours parti du principe que si tu n’es pas présent, tu es vite oublié et que tu perds ta place par le jeu de la concurrence. J’ai pensé de travers et j’ai été à la limite. Et puis, ça a cassé.
Au niveau des saisons passées, j’ai beaucoup forcé au niveau des blessures. Et au printemps dernier, comme mon objectif, c’était de faire la finale de la Coupe, j’ai dépassé la ligne rouge.
Ah cela peut aussi aller trop loin pour être sur le terrain, un arbitre?
Bien sûr! Le rêve de tout arbitre, c’est de devenir un jour arbitre FIFA. J’ai réussi à le faire. Mais pour être disponible pour ce genre d’expériences, il faut être toujours à la limite, être toujours disponible. Et oui, dans ce genre de situations, on force!
J’ai pu participer à quelques tournois internationaux dans ma carrière et échangé des expériences avec des confrères d’autres pays et on ne doit pas oublier qu’au Luxembourg, les arbitres, aussi, restent amateurs.
Moi, tous les jours, je me lève à 5 h 30 du matin et j’ai beau avoir un employeur arrangeant qui m’offre de la flexibilité, j’ai aussi une famille, trois enfants, dont le petit dernier présente un syndrome rare qui nous prend beaucoup de temps. C’est dur de tout concilier. C’est aussi pour ça que j’ai renoncé définitivement à faire arbitre FIFA.
Cela doit être une démarche extrêmement difficile…
C’est moi qui ai soumis la question à Alex Krüger (NDLR : le patron de l’arbitrage au Grand-Duché). Je lui ai dit que c’était fini, qu’il valait mieux laisser la place à un plus jeune.
Loïc Thomas, qui m’a remplacé, a le potentiel et la marge de progression nécessaire. Moi, de mon côté, à 39 ans, je vais tourner la page et essayer surtout de rester le plus longtemps possible en BGL Ligue.
Faut-il changer les règles? Peut-être. En tout cas, après mon expérience malheureuse, il faut penser à des ajustements pour ceux qui sont blessés
Pensez-vous que cette histoire qui vous est arrivée devrait surtout entraîner une refonte des règlements pour qu’un arbitre blessé puisse disposer de deux vraies chances de réussir cet examen physique?
C’est vrai que c’est dommage, cette règle. Même si elle est claire et qu’on reçoit ces dates en avance. La première fois, j’étais blessé, mais la deuxième fois, c’était de ma faute.
Alors faut-il changer les règles? Peut-être. En tout cas, après mon expérience malheureuse, penser à des ajustements pour ceux qui sont blessés.
Cela vous a manqué, la BGL Ligue?
Oui, quand même. Même si je n’ai jamais eu le sentiment d’être seul ou oublié. Et puis, j’ai reçu un Differdange – Pétange en Coupe, qui était une bonne possibilité de garder le contact et la motivation.
Un arbitre qui passe au frigo pour six mois, cela reçoit beaucoup de messages de joueurs, entraîneurs, directeurs sportifs, présidents…?
Oui, j’ai reçu quelques messages. Des joueurs, des coaches, des présidents, qui me disent « mais qu’est-ce que tu deviens, cela fait longtemps qu’on ne t’a pas vu »… Alors oui, je m’entends bien avec tout le monde, non je n’ai jamais reçu de menaces, et oui, ça fait quand même du bien de lire ça, parce que je suis un être humain, mais… j’essaye de mettre de la distance.
Pourquoi bouder son plaisir de « manquer » aux autres acteurs? Les arbitres sont si souvent pointés du doigt que quand c’est l’inverse, il faudrait savoir en profiter.
Cela fait vingt ans que je suis arbitre et j’ai appris à séparer la vie privée du terrain, justement parce que c’est compliqué d’avoir des relations avec des joueurs ou coaches. Justement parce que certains ont du mal à séparer le terrain du reste. Dans le passé, j’ai déjà dû faire un petit nettoyage de mon Facebook, parce qu’on y trouvait certains messages de trop (sic).
Je suis quelqu’un qui arrive à faire son mea-culpa quand il a commis une erreur. Je sais de moi-même que c’est frustrant pour une équipe de travailler toute la semaine et d’être privée du fruit de ses efforts par une décision arbitrale. Mais on n’est pas des machines. C’est pour ça que j’ai coupé certaines relations.
Parce que vous tendez la main et ils vous prennent tout le bras. On ne peut pas se prétendre l’ami de quelqu’un et lui dire « tu as puni toute mon équipe avec ta décision ».
Des décisions, on en prend 200 par matches et pour une seule pas bonne, à cause d’un mauvais angle ou d’un joueur passé devant notre champ de vision, on se retrouve à lire ça? On n’a pas la VAR. On peut se tromper.
Cela a encore fini en agression, lors d’un match de jeunes, il y a deux semaines, avec un de vos confrères qui a failli perdre un œil après le jet d’une bûche en plein visage à l’issue de la rencontre, dans son vestiaire…
En vingt ans, je n’ai jamais été agressé et je ne sais pas comment je réagirais si cela devait être le cas. Je constate juste que la sécurité des arbitres est un peu défaillante.
À la fin des matches, tout le monde rentre sur le terrain. On peut être agressé assez facilement. Je ne dis pas que nous sommes en danger, mais que ce serait facile de nous y mettre.
Réussira-t-il le test physique, fin janvier? Si on a le droit de le souhaiter à cet arbitre qui reste une valeur sûre de l’élite luxembourgeoise, ses dirigeants n’avaient bien entendu pas le droit d’anticiper un succès.
Et Ivo Torres a déjà un rendez-vous sur son agenda, le 8 févier, date à laquelle la Promotion d’honneur était encore censée faire relâche : un Etzella – Bettembourg qui sera l’un des deux matches en retard à disputer (il y aura aussi un Mersch – Wiltz).
«Alors j’espère recevoir un match de DN le 15 févier», rigole-t-il. De toute façon, il attend depuis tellement longtemps qu’une semaine de plus ou de moins… «Le président Krüger m’a dit de me reposer, de revenir frais mentalement et physiquement. Alors j’ai vraiment coupé deux mois. Cela m’a fait du bien.» Alors vivement le 15 février?