ÉLIMINATOIRES EURO-2024 Gerson Rodrigues a récupéré son n° 10 contre la Bosnie jeudi, et il a été excellent. L’effet psychologique d’un numéro mythique ?
Le 10, c’est un sacré numéro. Un numéro comme aucun autre dans le microcosme du football. Un numéro qui compte. Et depuis deux mois, au pays, il était devenu un bâton crotté assez étonnant pour Luc Holtz et son staff, qui avaient profité de la mise à l’écart de Gerson Rodrigues pour lui infliger cette petite humiliation supplémentaire, en septembre : refiler son maillot chéri à Danel Sinani. L’attaquant, ex-n° 9 et futur-ex n° 9, s’est retrouvé assez mal à l’aise mercredi, en conférence de presse, quand il lui a été demandé ce que cela faisait de porter le 10, l’espace de quelques matches. Surtout en octobre, alors que le retour aux affaires de Gerson était acté. Ces matches étaient gênants. La conférence de presse l’était aussi.
Mais finalement, contre la Bosnie, c’est le rasta qui a pénétré sur la pelouse avec le 10 après avoir parlé avec le sélectionneur pendant le rassemblement. Et il lui a fait honneur : un doublé, une passe quasi décisive pour Olesen, des gestes de classe et même, à l’occasion, de la sobriété. «C’est ça, un 10, analyse Artur Abreu, qui porte le numéro à Pétange. Un 10, c’est le meilleur techniquement, c’est celui qui te débloque un match.» C’est aussi l’analyse que pousse Guillaume Trani, lui qui s’est emparé du mythique numéro à Differdange au départ d’Amine Naïfi : «Devenir n° 10, c’est s’affirmer. Moi, j’ai fini par appeler la personne chez nous qui s’occupe des maillots quand Naïfi est parti. Je ne voyais pas qui d’autre pouvait l’avoir…. Gerson avec la sélection, par rapport au personnage, je dis qu’il a le caractère pour le porter, ce maillot. C’est lui le plus légitime!»
«Aujourd’hui, c’est surtout symbolique»
Numéro 10 en sélection, c’est un rôle qui a échu pendant de très longues années à Manou Cardoni. Mais l’actuel DTN vient d’une autre époque, quand le meneur de jeu était une race à part, sublimée par le Brésilien Zico, le Français Platini ou l’Argentin Maradona. Les «10», est-ce que ça existe encore, de toute façon? Dans ce XXIe siècle dans lequel les gardiens jouent les libéros, les défenseurs centraux relancent, les milieux défensifs organisent le jeu, les latéraux se transforment en ailiers, les avant-centres décrochent… la définition a sans doute évolué. «Le 10, aujourd’hui, c’est surtout symbolique, admet ainsi Cardoni. Disons que c’est soit un gars qui fait mieux jouer l’équipe parce qu’il voit tout deux secondes avant tout le monde, soit un joueur qui met beaucoup de buts.»
Gerson, c’est les buts son truc. Jeudi, il a ajouté à cette qualité rare des phases de construction assez épatantes, notamment un double une-deux de classe mondiale en tout petit périmètre, côté gauche, avec Sinani, l’éphémère n° 10 de fin d’été. Mais le fait est qu’il a surtout inscrit ses 18e et 19e buts. Il marque une fois tous les trois matches en moyenne depuis ses débuts en sélection, en 2017. Mais depuis qu’il est devenu titulaire indiscutable, en 2019, il tourne à un but tous les deux matches et demi. Ça vaut bien un maillot avec le numéro préféré de Gerson, lui qui l’assume mieux que n’importe qui.
L’Argentine a Messi, la France à Mbappé, l’Angleterre a Bellingham, la Croatie a Modric, la Belgique a Lukaku… Le Luxembourg a retrouvé son Gerson Rodrigues.