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[Football] Dan Theis, mort d’un passionné absolu et d’un serviteur de la Jeunesse


Les dernières images de coach de Dan Theis, sous le blason du Swift, entre octobre 2018 et juin 2020. Photo : gerry schmit

L’ancien international, joueur intransigeant de la Jeunesse Esch mais aussi coach à succès, était dans le coma depuis de longues semaines suite à un problème cardiaque lors d’une sortie à vélo. Il s’est éteint cette semaine.

Âgé de 55 ans, l’ancien Roude Léiw avait une carrière longue comme le bras derrière lui et il était l’un de ceux qui avait réussi à faire presque aussi bien comme coach que comme joueur. En avril 2015, nous lui avions consacré un portrait qui commençait comme ça, parce que cela nous semblait à l’époque le raccourci le plus évident pour le décrire : «Il y a ceux qui le trouvent passionné, exalté et exaltant. Et ceux qui le trouvent borné, frustré et pas avenant. Mais il y a aussi ceux qui savent : en fait, Dan Theis est tout ça à la fois ! Il n’y peut rien, il a été élevé comme ça à l’école de la Grenz et il le revendique.»

Né le 11 septembre 1967 à Esch-sur-Alzette, il avait joué ses premiers matches à 19 ans seulement avec la Vieille dame, avec laquelle il allait conquérir six titres de champion et trois Coupes, jouant encore pour l’Avenir Beggen et le Progrès Niederkorn. Theis, c’est 326 matches de Division nationale entre 1986 et 2002 (seuls 29 joueurs dans l’histoire en ont cumulé plus que lui) pour 127 buts (16e meilleur total). Mais c’est aussi 17 matches européens et trois buts dont le seul de la victoire eschois sur Aarhus en 1987 (1-0) et 35 sélections nationales. De l’une d’elle, il avait retiré l’un des histoires qu’il se plaisait à raconter plus que toutes autres, quand il avait raté un pénalty contre l’Angleterre de David Seaman, enlevant trop son tir : «Certains me disaient qu’on avait retrouvé le ballon à la Schueberfouer. Moi, je leur répondais qu’au moins, moi, ce pénalty, j’étais là, sur le terrain pour le tirer. Pas eux!».

On ne plaisantait pas avec Dan Theis quand on parlait de football et les joueurs qu’il a ensuite eus sous ses ordres peuvent en témoigner. Juste et ferme, il aura dirigé la plupart des grands clubs du pays, terminant sa carrière de coach au Swift, qu’il fera remonter en DN, après avoir aussi dirigéle Swift, mais surtout Differdange l’espace de 54 rencontres et la Jeunesse Esch (70 matches), qui lui doit son dernier titre officiel, la Coupe de Luxembourg, en 2013. Également en charge de Rosport, Käerjeng ou des U19 luxembourgeois. Il va laisser un vide immense.

«Il avait du mal à comprendre que les gens n’aiment pas autant ce sport que lui»

Pour s’en convaincre, il suffit d’aller glaner les réactions chez ceux qui l’ont côtoyé, comme l’actuel président de la FLF, Paul Philipp, qui fut son coach durant toute sa carrière internationale et que l’on a trouvé extrêmement attristé : «C’était un homme qui vivait littéralement le foot. Il avait les yeux qui brillaient même à l’entraînement. Il n’aimait pas beaucoup l’école mais le foot, ça… quand on expliquait la séance, dans le vestiaire, il était heureux. Il a bossé chez nous à l’école de foot pendant trois ans et si on lui avait dit que les horaires de travail, c’était 6 h du matin jusqu’à minuit, il l’aurait fait. Parfois, il avait du mal à comprendre que les gens ne s’investissent pas autant que lui, que l’on ne puisse pas aimer ce sport autant que lui l’aimait. C’était tout bonnement un gars sensationnel et je mesure comme cela a dû être terrible pour sa famille…».

Le directeur sportif de la Jeunesse Esch, Jacques Muller, qui est lui le dernier coach à avoir remporté le titre de champion avec la Jeunesse, admet, lui, que Theis a marqué l’histoire du club. Et lui qui a vu débarquer ce petit jeune enthousiaste aux séances de la Vieille dame, en 1986, se désole aujourd’hui que le sort se soit acharné sur son ancien coéquipier : «C’était un gars tellement sérieux, avec une telle discipline de vie! C’est d’ailleurs pour ça que c’est choquant : il continuait à faire du sport, il faisait du vélo quand ça lui est arrivé… C’est fou parce que même en tant que coach, il ne comprenait pas que les gens ne cherchent pas à vivre comme lui, de façon aussi saine… Ce n’était pas méchant, c’était juste un passionné. Ça me rend tellement triste…»

«Après Pelé (NDLR : mort le 29 décembre), voilà que c’est le tour de Dan, a quand même tenté de sourire Paul Philipp. Si on lui avait dit ça, il y a dix ans, il aurait sans doute bien rigolé et aurait dit « c’est quand même dommage pour Pelé, on ne va pas beaucoup parler de lui »». À sa famille, nous adressons nos plus sincères condoléances.

Julien Mollereau