Dans une interview à nos confrères du Wort et de RTL, Paul Philipp a réaffirmé jeudi ce qu’il nous avait dit la semaine dernière déjà : pour lui, la saison est finie. Xavier Bettel a enfoncé le clou.
Paul Philipp, dans l’interview qu’il nous avait accordée jeudi dernier, avait délivré un message sans ambiguïté sur sa vision de la situation : « Je suis sceptique sur le fait qu’on puisse reprendre. » S’il n’avait alors pas encore totalement enterré l’idée de finir la saison 2019/2020, c’est surtout parce que l’UEFA continue officiellement de pousser toutes les fédérations européennes à boucler leur exercice en cours.
Mais Philipp, visiblement, n’y croyait objectivement plus et justifiait son acharnement à ne pas trancher dans le vif par un très tactique « ce n’est pas à nous d’être la locomotive de l’Europe sur ce sujet (NDLR : d’une demande d’exemption pour ne pas finir le championnat) ou notre football risque de le payer très cher. (…) On ne veut pas se mettre en porte-à-faux avec l’UEFA. » Logique et responsable.
Ne manquait finalement plus qu’au président de la FLF la confirmation, même non explicite, du Premier ministre, que son sentiment était le bon. Et elle a fini par arriver mercredi de la bouche de Xavier Bettel : le gouvernement continuera d’interdire tous les grands rassemblements jusqu’au 31 juillet. On aurait sans doute du mal à affirmer qu’un match de DN, qui attire en moyenne entre 500 et 600 spectateurs, est un «grand rassemblement», mais tout autant de mal à justifier la tenue de rencontres de football dans ce contexte de lent déconfinement. Impossible.
Le huis clos ? Une perte de plus de 40 000 euros
Les acharnés pourraient encore se dire qu’il serait envisageable de poursuivre la saison dans le cadre de huis clos généralisés. Les réalistes leur répondront que non, qu’il s’agit d’un doux rêve.
Comme ils leur disaient il y a quelques semaines que la saison ne reprendrait jamais, ne serait-ce que parce que l’âge moyen du bénévole de club de foot est très largement corrélé à celui des personnes les plus à risque et qu’organiser un match de championnat sans bénévoles reviendrait quasiment à jouer… sans joueurs.
Le huis clos, donc ? La raison sanitaire devrait suffire à invalider l’hypothèse, mais plusieurs présidents y ajoutent désormais une dimension économique non négociable : déjà que les sponsors fuient le navire, si en plus il fallait finir sans spectateurs, le calcul serait vite fait. À raison de 500 spectateurs de moyenne et à dix euros la place, avec un panier de consommation équivalent au prix de la place, ce sont 10 000 euros par match, 20 000 euros du mois qui disparaissent des caisses des clubs. Soit 40 000 à 50 000 euros d’ici à la fin de la saison, selon qu’il reste quatre ou cinq matches à la maison à jouer. Déjà que les clubs sont étranglés financièrement… Non, finir la saison n’est pas viable et désormais ce n’est plus qu’une question de jours, dirait-on. Et c’est le sentiment que laisse entrevoir Paul Philipp dans sa dernière interview : « Je dirais que ça suffit. »
«Je ne crois pas que l’UEFA nous forcera»
C’est en début de semaine prochaine, mardi plus précisément, que la fin de la récréation pourrait être sifflée, alors que tous les autres sports collectifs ont mis la clef sous le paillasson. L’UEFA a promis une visioconférence pour discuter de la suite et il n’est pas exclu que cette dernière ait enfin pris la mesure de l’infaisabilité de la chose, surtout pour des pays comme le Luxembourg.
« Je ne crois pas que l’UEFA ira jusqu’à nous forcer, avait déjà indiqué Philipp la semaine passée. Je crois qu’elle veut surtout gagner du temps. Ils n’iront pas à la guerre avec des fédérations qui pourraient avoir des problèmes avec leurs clubs. » Une semaine plus tard, il le dit un tout petit peu plus clairement : « Un arrêt de la saison est approprié. Je peux m’imaginer que l’UEFA n’insistera pas et j’espère qu’elle fera une distinction entre petites et grandes nations. » Cela fait encore beaucoup de «si», mais maintenant qu’il est sorti du bois, le président de la FLF assume de plus en plus clairement l’évidence : la saison 2019/2020 semble bel et bien finie.
Il va falloir trancher : le Fola champion ?
Claude Meisch, ministre de l’Éducation nationale, a d’ailleurs donné encore un peu plus de grain à moudre à tous ceux qui en sont convaincus. En explicitant le plan de reprise de l’école, en précisant que les cours de sport restaient suspendus jusqu’à la fin de l’année scolaire, aucun comité ne se sent de rappeler ses joueurs pour reprendre les entraînements collectifs. « On ne saura pas les protéger », expliquait jeudi Jacques Wolter, le président de Hostert.
C’est une sortie de crise par le haut qu’il faut maintenant envisager. En trouvant le courage de mettre, justement, le Grand-Duché en porte-à-faux si l’UEFA ne prend pas ses responsabilités en donnant aux fédérations le droit de choisir pour elles-mêmes. Mardi soir, on aura déjà une tendance lourde de la marge de manœuvre dont disposera le football luxembourgeois. Et jeudi, un comité exécutif de l’instance faîtière du foot européen entérinera des décisions qui pourraient enfin permettre de se pencher sur des sujets importants. Déterminer, si l’on s’arrête pour de bon, les implications sportives, penser aux budgets, courtiser les sponsors, construire les effectifs…
« On ne va pas inventer des règlements », nous avait signifié Paul Philipp la semaine passée, en parlant des choix cornéliens que son conseil d’administration devra faire. Pas de DN à 16 clubs, avait-il indiqué, par exemple, pour répondre à ceux qui espéraient ne faire que des heureux. Et un respect supposé des vérités sportives au moment où les championnats se sont arrêtés : les derniers descendent, les premiers montent. Et le Fola, donc, pourrait être déclaré champion la semaine prochaine ? Ce n’est plus à exclure désormais. À moins que la FLF décide qu’il n’y en aura pas. À moins aussi que l’UEFA ne reste bloquée et demande à reprendre la saison 2019/2020 en août. Quand l’argent mène le bal, il ne faut rien exclure…
Julien Mollereau