HORS STADE Le nouveau directeur de l’académie du Racing est une directrice. Aline Zeler, l’ancienne internationale belge. Qui a plein de choses à dire sur la formation… et le foot féminin.
La Belge de 40 ans, qui a joué 111 matches pour la sélection nationale belge (29 buts), mais aussi conquis neuf titres de championne avec le Standard, Anderlecht ou Saint-Trond, est une légende dans son pays.
Vous prenez la succession de Vivian Reydel, un formateur français, à la tête de l’académie. Y a-t-il forcément une différence de méthode en Belgique? Où est la différence?
Aline Zeler : L’un des plus grands éléments à intégrer et améliorer, c’est la communication entre les staffs, expliquer la vision, apprendre à dire les choses. Quant à la philosophie, j’en suis encore à décortiquer les choses pour voir ce que l’on garde ou pas. Mais je pense que l’on va sans doute faire encore un peu plus de travail individualisé, personnel. Ainsi que travailler la polyvalence. Il y a aussi que le football, c’est l’école de la vie et comme je suis quelqu’un de très discipliné, je veux entretenir cet aspect chez nos jeunes.
L’équipe dames du RFCU a des résultats assez saisissants depuis quelques années, tandis que les hommes, qui ont gagné deux Coupes, n’ont pas su élever suffisamment leur niveau pour franchir un vrai cap. Cette réalité doit-elle aussi avoir un impact concret dans la structuration de l’école de foot, avec une part un peu plus importante qu’actuellement laissée aux filles?
On a plus ou moins 400 à 500 jeunes, dont trois équipes de filles pour un total de 80 à 100 demoiselles. Cela fait environ un cinquième des effectifs. Mais le but n’est surtout pas de passer à un club féminin, ni même à une forme d’égalité des effectifs. Avoir une centaine de jeunes joueuses, c’est déjà beaucoup vu la taille de ce pays et le fait qu’il y a beaucoup plus d’activités sportives proposées dans la société que quand moi, par exemple, j’ai commencé à faire du sport. On ne peut pas en accueillir plus, il faudrait des terrains pour ça. On veut rester un club formateur pour garçons et pour filles, sachant qu’on reçoit en ce moment 50 demandes par semaine, que chacune est traitée et que chaque enfant participe à une journée de tests.
Le but n’est pas de passer à un club féminin
Quel est votre point de vue sur la création de compétitions féminines dans des catégories de plus en plus jeunes, sachant que dans certains pays, comme les Pays-Bas – où vous avez joué –, on laisse plutôt les jeunes filles le plus longtemps possible au contact d’équipes mixtes?
Personnellement, j’ai joué avec des garçons jusqu’à l’âge de 16 ans. En fait, je comprends les deux logiques. La création de catégories féminines, c’est très bon. Mais je ne suis pas contre le fait de laisser les filles au contact des garçons quand le talent footballistique le permet. Parce qu’il n’y en a pas mille, non plus, des filles qui pourraient tenir sur un terrain avec les garçons. L’avantage de créer des équipes filles, c’est aussi de faire en sorte qu’elles ne soient pas observées, comparées, critiquées. Cela favorise donc leur épanouissement. Mais ce n’est pas pour ça qu’il faut s’interdire de mixer quand c’est possible.
Puisqu’on est bien lancés sur le sujet de l’académie : auriez-vous marqué votre accord pour devenir directrice de l’école de foot du Racing si toute la philosophie autour de l’équipe A n’avait pas été changée de fond en comble, avec un exode massif des joueurs les plus expérimentés?
Cela a beaucoup joué. Parce que je suis persuadée qu’on peut atteindre un bon niveau sans avoir à payer les joueurs comme des rois. Quand tout n’est pas basé sur l’argent, tu prestes mieux. Là, il a été choisi de faire des économies parce qu’il y avait un manque évident de grinta dans l’équipe. Et sachant que nous possédons le plus grand réservoir de jeunes joueurs du pays…
Mais cela vous met d’autant plus de pression : dans les conditions actuelles, il faut que ces jeunes soient directement performants au sortir de leur formation…
Cette question, je l’entends tous les jours. La base de notre travail, ce sera la discipline et le respect. Pour faire du football un métier, il faut être au top physiquement et mentalement, ne pas subir de mauvaises influences extérieures. Et cela sous-entend souvent ne pas faire ses choix en fonction de l’argent. C’est là où on prend de l’importance, dans l’éducation, dans l’explication aussi de ce qu’est un bon manager.
J’ai travaillé sur la question des quotas
Le football luxembourgeois se lance mollement dans sa féminisation, Karine Reuter, présidente du RFCU et de la Ligue, faisant partie des pionnières en la matière. Avez-vous l’impression que vous avez été recrutée, en plus de vos compétences, aussi parce que vous êtes une femme?
Et je suis ravie de travailler dans un club dirigé par une femme réputée comme l’est Karine Reuter. Dans ma carrière, j’ai aussi travaillé avec la première femme ministre des Sports en Belgique sur la question des quotas pour qu’il y ait plus de femmes dans les organigrammes. Parce que je reste persuadée et j’en suis un exemple, que ces jobs n’ont pas des étiquettes masculines et que moi, j’ai beaucoup de fierté à l’exercer. Vous savez ce qu’on dit, en général : une femme doit prouver dix fois plus qu’un homme. Mais je me conçois comme une ambassadrice. Eh bien, après avoir été ambassadrice sur les terrains, je pense bien continuer ce rôle via d’autres casquettes. Comme ça les femmes voient qu’elles peuvent, que c’est faisable. Et le RFCU est une belle opportunité.
Prendre en main une équipe masculine, c’est pour bientôt?
Ah, cela peut toujours s’envisager. Je bouge beaucoup, je suis attirée par plein de projets. J’ai déjà été coacher nos équipes féminines nationales U16 à U19 (NDLR : belges), mais aussi à Charleroi en Superleague et au PSV avec les espoirs. À chaque fois, cela a été super. De belles expériences féminines jusque-là. Je me vois bien coacher chez les hommes parce que j’en ai la capacité de par mon vécu mais aussi de par mes formations. Que l’on soit une femme ou un homme, on parle tous du même sport. Il faudrait qu’on m’explique, en fait, pourquoi ce ne serait pas possible.