L’ancien arbitre international Alain Hamer a déposé sa candidature pour le CA de la FLF, pour les prochaines élections, en novembre. Une condition sine qua non pour prendre la tête des arbitres…
C’était mercredi matin et il s’est déplacé en personne jusqu’à Mondercange pour le faire. Si c’est important, c’est bien parce que derrière, l’homme qui a écumé les pelouses de toute l’Europe, jusqu’en Ligue des champions, veut s’attaquer à la présidence du comité des arbitres, entre les mains de Charles Schaack depuis plus de deux décennies. Ce qui serait un bouleversement pas anecdotique du tout.
Avez-vous parlé avec Paul Philipp avant de déposer votre dossier ?
Alain Hamer : Non. Je ne sais pas si c’est une pratique courante que de le faire. Je pense que certains doivent venir en discuter. Moi-même j’y ai songé et, finalement, non. Je ne voulais pas que quelqu’un puisse mal prendre une telle démarche et j’ai fini par me demander « mais pourquoi est-ce que je le ferais? ». Je préfère y arriver « neutre ». Et puis, de toute façon, les gens me connaissent…
Pourquoi postuler ?
La première raison est la principale : je suis en retraite le 1er décembre et je vais enfin avoir plus de temps. La deuxième, c’est que j’ai réfléchi et qu’il faut un renouveau dans le monde de l’arbitrage.
Je pense que si j’accède au conseil et que Charles Schaack est réélu, Paul Philipp aura l’option de nommer celui qui a reçu le plus de voix. À lui de voir s’il veut un changement
Ah, vous visez surtout la présidence du comité de l’arbitrage ?
Pour postuler, il faut faire partie du conseil d’administration de la FLF. Ce qui est très étrange. Je ne dis pas que ce n’était pas courant dans les années 80, 90 ou 2000, mais désormais en France, en Belgique ou en Allemagne, on trouve des gens à la tête des arbitres qui n’ont pas été élus par les clubs. Moi, en tout cas, pour répondre à votre question, la grande idée que j’ai en tête, c’est l’arbitrage. C’est toute ma vie.
C’est un poste qu’occupe Charles Schaack depuis plus de vingt ans…
C’est une très longue durée, surtout quand on voit à quel point l’arbitrage évolue vite ces dernières années. Et là aussi, on voit à quel point dans tous les pays frontaliers, ça change : on y fait deux ou trois mandats, pas plus. Et c’est normal : au bout d’un moment, il faut d’autres idées. Mais attention, quand on reste vingt ans, c’est qu’on a bien travaillé. Après, c’est toujours un ancien arbitre qui termine à ce poste. Les autres personnes ne s’y intéressent pas. C’est trop une inconnue pour ça.
Récemment, dans notre édition du 23 août, nous vous indiquions qu’une rumeur tenace laissait entendre que l’ancien attaquant international allait postuler au conseil d’administration de la FLF, cet automne. Confronté à cette éventualité d’une concurrence ambitieuse, Alain Hamer montre, en un souvenir, que cela ne le dérange pas et même qu’il apprécierait… de siéger avec lui à Mondercange : «Il m’a vu arbitrer pour la toute première fois en France. C’était un match à Cannes. Il était dans les parages. Il vient au match sans même savoir que c’est un arbitre luxembourgeois qui officie et quand il le découvre, il est ravi. Notre complicité date de cette époque. On a une très bonne relation.»
Cela n’intéresserait pas Tun Mestre, autre ancien arbitre membre du conseil d’administration ?
Je ne pense pas, non. Mais je pense qu’il serait prêt à travailler avec moi. Bon après, c’est juste une hypothèse. Non, je pense que si j’accède au conseil et que Charles Schaack est réélu, Paul Philipp aura l’option de nommer celui qui a reçu le plus de voix. À lui de voir s’il veut un changement.
Mais quel est votre diagnostic sur l’arbitrage luxembourgeois ?
Quand je regarde actuellement des matches de foot à la télévision, je n’y vois jamais d’arbitres luxembourgeois. Ils font généralement un ou deux tours de Conference League, tout au début, puis on les renvoie sur les compétitions de jeunes. Ce que je remarque aussi, c’est que certains arbitres comme Alain Durieux et Laurent Kopriwa – qui m’a déjà marqué son accord pour revenir – disparaissent alors que ce sont des arbitres qui étaient montés haut. Ce sont des valeurs sûres qui ne sont ni mentors ni observateurs et c’est le genre d’hommes qu’il faudrait pour rebooster l’arbitrage. On a perdu beaucoup trop de bons arbitres ces dernières années. Pourquoi? Je me refuse à spéculer. Mais il y a urgence, car en DN, beaucoup d’arbitres ont la quarantaine et les jeunes tardent à arriver. Quand je vais au congrès et que j’entends dire que nos effectifs sont « solides » alors que certains arbitres doivent siffler le samedi et le dimanche alors qu’ils auraient besoin de repos, quand je sais que certains ont eu des problèmes aux tests physiques et que si cela en écarte ne serait-ce que deux ou trois, c’est déjà énorme à notre niveau, je me dis qu’il y a du travail.
En Lituanie, ils ont commencé avec la VAR il y a trois ans déjà
Pour redynamiser, certains postulaient qu’il faudrait une revalorisation des émoluments des arbitres…
Je pense que ceux de DN gagnent bien. Mais c’est dans mon cahier des charges que de parler de ceux des divisions inférieures, mais aussi des observateurs.
Parlons de la VAR ?
C’est l’une de mes priorités, mais ce n’est pas quelque chose qu’on peut établir en un an. Beaucoup de petits pays l’ont fait. Ce qu’il nous faudrait, en DN, c’est commencer par un ou deux matches chaque week-end pour donner de l’expérience à nos arbitres. Là, nos arbitres d’élite sont invités à aller à Madrid avec des arbitres suisses pour une formation VAR, mais ils n’en tireront aucun bénéfice si, derrière, ils ne peuvent pas se tester régulièrement en compétition. Sans ça, on continuera à rester à l’écart. Malte, par exemple, a déjà commencé à faire ce dont je vous parle. La Lituanie aussi…
Pourquoi pas au Grand-Duché ?
Ici, on refuse de le mettre pour des raisons financières et par manque de personnel. Mais vous vous rendez compte que même à l’UEFA, on va rechercher d’anciens arbitres pour s’asseoir derrière les écrans? Il faudra bien que le Luxembourg fasse pareil, pour ne pas toucher aux effectifs d’arbitres actifs. Je suis mentor d’un jeune arbitre lituanien. Je suis allé le voir évoluer en D1 locale et je peux vous garantir que le niveau n’est pas meilleur que la DN. Même sans doute moins élevé. Mais eux, ils ont commencé avec la VAR il y a trois ans déjà. La semaine dernière, je l’ai retrouvé sur un match de Coupe d’Europe en Turquie. Cela prouve que, désormais, même un arbitre d’un petit pays peut évoluer suffisamment pour atteindre ce niveau. De mon temps, cela n’était pas possible. J’y suis arrivé parce que j’ai eu un grand coup de main de la fédération française. Mais d’ailleurs, on n’a plus de relations avec la fédération française. Ni avec la belge. Seulement avec l’allemande. Je ne sais pas pourquoi.
Alain Hamer n’est plus licencié du club du Titus Pétange, comme il l’est depuis ses grands débuts dans le football, dans la ville où ses parents étaient restaurateurs. C’est que pour candidater au CA de la FLF, il ne pouvait rester associé à ce club et il a dû aller l’expliquer à ses dirigeants. Deux membres d’un même club ne pouvant pas siéger à Mondercange, il était confronté à cette évidence que Tun Mestre, licencié lui aussi au Titus, occupera encore un poste pour au moins deux ans. Hamer a donc effectué la démarche il y a un mois, migrant un peu plus loin dans la commune, pour s’affilier chez les «ennemis» de Rodange.