Une défaillance dans le système de remboursement international de la CNS a permis à un agent de détourner 2 millions d’euros. Le second s’est contenté de 50 000 euros. Le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider, et le président de la Caisse nationale de santé, Christian Oberlé, sont venus s’expliquer mardi matin devant les députés.
La fraude révélée par la Caisse nationale de santé (CNS) lundi en fin d’après-midi a été évoquée mardi matin par le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider, devant les députés réunis en commission et certains craignent aujourd’hui que d’autres détournements de fonds soient découverts au fil de l’enquête.
C’est le ministère qui a communiqué sur les agissements de deux agents de la CNS (qui emploie plus de 450 personnes) indiquant que la fraude avait été découverte la semaine dernière et que la justice avait été aussitôt saisie. Si aucun montant n’a été avancé, le journal gratuit L’essentiel parle de 2 millions, chiffre non confirmé par le ministre alors qu’il pourrait être plus élevé. Vendredi dernier, le détournement était encore estimé à 400 000 euros avant de grimper à 2 millions une fois l’ordinateur de la principale concernée épluché dans les règles, selon nos informations.
Des prestations remboursées deux fois
C’est un collaborateur de la CNS qui a dénoncé les faits à la direction après avoir été intrigué par une feuille corrigée au Tipp-Ex et oubliée sur une photocopieuse. Il s’agit de deux femmes à l’origine de ces détournements mais celle qui a oublié la feuille sur la photocopieuse est soupçonnée d’avoir détourné 50 000 euros, tandis que sa collègue a fait le reste, soit près de 2 millions, selon une source qui, elle, confirme ce montant. La principale fraudeuse travaillait depuis 25 ans pour les assurances sociales et depuis 10 ans au département international qui gère les remboursements selon les termes des conventions bilatérales signées entre le Luxembourg et une quarantaine de pays. Il ne s’agit pas des remboursements transfrontaliers, nous indique-t-on.
Les deux agents ont été immédiatement suspendus et le conseil d’administration a été averti dès lundi en fin de journée. Le nouveau président de la CNS, Christian Oberlé, qui a pris ses fonctions en novembre dernier, a indiqué mardi aux députés que la défaillance se situait dans le système de remboursement international de la CNS et que les deux personnes ont falsifié des documents afin que les prestations soient remboursées deux fois par la CNS, une fois à l’assuré et une deuxième fois sur un compte appartenant à des proches des agents incriminés. Toujours selon Christian Oberlé, les deux criminels ont trouvé une faille dans le système de remboursement en ce qui concerne le volet international qui s’est développé rapidement ces dernières années et serait devenu très complexe.
«C’est une bonne chose que les députés aient pu être informés, mais ce qui est catastrophique c’est de dire qu’on a un contrôle et de constater que l’on puisse passer au travers», a déclaré au Quotidien Jean-Marie Halsdorf (CSV). Selon lui, si la plupart des faits relèvent effectivement du volet international, certains autres non. «Il ne s’agit pas d’un banal fait divers», a encore insisté le député de l’opposition. Mardi, les responsables de la CNS et le ministre ont évoqué la commande d’un audit. Selon nos informations, c’est PWC qui s’en chargera.
Selon les députés, comme le relate la Chambre, ils auraient droit, dans leur fonction de contrôleur financier de l’État, à des informations détaillées en ce qui concerne l’enquête administrative. Ils ont notamment demandé une deuxième réunion afin de faire le suivi dans ce dossier et d’avoir des explications plus détaillées au sujet du système de remboursement, aux niveaux national et international par exemple lors d’une consultation à l’étranger.
Une plainte pour vol déposée
Quant au volet pénal, une plainte pour vol a donc été déposée au commissariat de Bonnevoie, nous apprend-on. Ce qui n’était pas la meilleure voie car il eut été plus judicieux de déposer plainte directement au parquet pour une meilleure efficacité afin de pouvoir bloquer les comptes des deux agents le plus rapidement.
La CNS, elle, a fait placer un agent de sécurité devant les archives… «Ils ont lancé une enquête, on risque d’en trouver d’autres des comme ça. Ils cherchent, c’est sûr, et ils vont trouver d’autres irrégularités», craint un proche du conseil d’administration. «C’est salutaire, cela devrait aider l’équipe en place et notamment le nouveau président à mener des réformes nécessaires. La CNS, en 15 ans, a connu une forte croissance et les organes de contrôles ont eu du mal à suivre», conclut-il.
«Aucun assuré n’a été lésé par le comportement frauduleux des deux agents de la Caisse nationale de santé», a déclaré le ministre Romain Schneider mardi devant les députés.
Geneviève Montaigu