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Fondation Caritas : Marc Crochet en veut à Luc Frieden


L'ancien directeur de la Caritas, Marc Crochet (à g.), avec son avocat Me François Prum. Caritas aurait pu être sauvée selon lui.  (Photo LQ/Hervé Montaigu)

Audition, hier, de l’ancien directeur de la fondation Caritas, Marc Crochet, qui a déclaré aux députés qu’il y avait eu un moyen de sauver l’ONG. Mais la volonté de Luc Frieden était tout autre.

Depuis le début, les députés de l’opposition ont insisté auprès du Premier ministre, Luc Frieden, pour connaître les raisons qui l’ont poussé à décréter que «plus un euro ne parviendrait à Caritas». En disant cela, il avait acté la mort de la fondation. Le Premier ministre a toujours martelé qu’aucune possibilité de survie ne pouvait être envisagée et annonçait en septembre dernier la création d’une nouvelle structure, HUT, sans concertation avec l’ancienne direction de Caritas, mise à l’écart immédiatement après la découverte de la fraude.

Hier, l’ancien directeur de la fondation, Marc Crochet, en arrêt maladie depuis les faits, s’est déplacé avec son avocat pour son audition en commission spéciale. Pour la première fois, les députés ont pu entendre qu’une solution de sauvetage de la Caritas aurait pu être trouvée. De quoi satisfaire ceux, parmi les députés de l’opposition, qui ont toujours défendu cette position. Cependant, Taina Bofferding tempère : «C’est la version de Marc Crochet, mais c’était intéressant d’avoir un autre son de cloche», déclare la députée LSAP et rapportrice.

Si l’État avait bien voulu poursuivre son financement, ces fonds supplémentaires auraient pu être versés aux autres entités de la fondation, non touchées par le détournement. C’est ainsi que Caritas aurait pu survivre, selon Marc Crochet. Mais le gouvernement, qui craignait que les subventions ne soient automatiquement  récupérées par les banques et le directeur lui-même, avait appelé les donateurs à cesser d’alimenter les caisses de la fondation. Le directeur général était accompagné de son avocat, Me François Prum, pour éviter toute interférence avec la procédure en cours et ne pas violer le secret de l’instruction.

Il a pu néanmoins répondre à une série de questions concernant la gouvernance de la fondation et la manière dont ce détournement de 61 millions d’euros avait pu avoir lieu. La directrice financière, qui se dit victime d’une «fraude au président», thèse retenue par le parquet, connaissait des problèmes avec ses collaborateurs. «Marc Crochet n’avait pas de reproches à formuler au sujet de ses compétences professionnelles, mais sur sa façon de diriger son service», informe Taina Bofferding. Il avait donc confiance en sa directrice financière, mais se demandait si, malgré tout, il ne fallait pas s’en séparer.

Finalement, un coaching a été mis en place pour apaiser la situation et un audit réalisé pour analyser le fonctionnement du service financier. Il est apparu dans les conclusions de cet audit rendu en mars dernier, que des virements pour un montant total de 5 millions d’euros présentaient des anomalies qui se traduisaient pas des manques de justificatifs. «Quand les auditeurs ont demandé des explications, c’est la directrice financière qui les a fournies», rapporte Taina Bofferding.

Elle était la seule en contact avec les réviseurs, les autres membres de la direction n’avaient pas les éléments de réponse, encore moins les membres du Conseil d’administration. Quant aux banques qui ont accordé des lignes de crédit à hauteur de 30 millions d’euros, seule l’une d’elles a contacté Caritas pour obtenir des explications. Encore une fois, c’est la directrice financière qui lui a fourni les réponses. Pour la banque, c’était suffisant.

Paiements tardifs de l’État

«Nous avons surtout remarqué que Marc Crochet était terriblement déçu par le Premier ministre, Luc Frieden», relève la rapportrice. L’ancien directeur a pris personnellement pour lui le reproche de manque de confiance formulé par Frieden au moment où le scandale a éclaté. «Il l’a ressenti comme une attaque envers le travail qu’il a accompli au sein de la fondation Caritas», poursuit Taina Bofferding.

Marc Crochet s’est tout de même permis d’informer les députés que le CSV l’avait approché pour être sur la liste des élections législatives. L’anecdote est assez cocasse. «Pour nous, le message le plus fort c’est qu’il y avait d’autres options, il ne fallait pas nécessairement créer HUT et nous ne savons toujours pas quelles valeurs défend cette nouvelle structure alors qu’avec Caritas c’était plus clair, ses valeurs étaient celles de la solidarité, des valeurs chrétiennes», déclare encore la rapportrice.

Marc Crochet a affirmé ne pas se sentir en position d’avoir fraudé dans cette affaire, tout en reconnaissant que si quelqu’un avait dû surveiller ce que faisait la directrice financière, c’était bien lui. Concernant plus particulièrement le détournement et ce qui l’avait rendu possible, Marc Crochet a expliqué que l’État était souvent en retard dans le transfert d’argent aux entités qui prennent en charge des missions comme celles assurées par la Caritas.

Mais il a dit aussi que son expérience lui avait appris au fil des années que les périodes de transition budgétaire suivant des élections, comme celles de 2023, seraient propices à ces retards. Elles obligeraient souvent les entités comme la Caritas à recourir à des emprunts pour combler les vides dans les caisses, et dès lors, l’absence des fonds n’aurait pas été alarmante.