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Fonction publique : la valse des primes et indemnités


Le ministre Marc Hansen (DP) essaie d’obtenir une meilleure visibilité des indemnités et primes qui varient beaucoup selon les carrières et les ministères.

Une étude menée par le ministère de la Fonction publique essaie de faire un recensement des primes et autres indemnités qui complètent le traitement des agents qui s’élèvent à 149 millions d’euros.

Lire notre édito du jour à ce sujet

Crise de jalousie

Il n’existait aucune vue d’ensemble de la multitude de primes accordées aux agents de l’État, d’où la volonté exprimée en 2011 de mener cette étude. Il s’agit de recenser tous les éléments constitutifs de leur rémunération, autres que le traitement, l’indemnité ou le salaire de base, existant sous quelque dénomination que ce soit (allocations, primes, suppléments et indemnités spéciales), ainsi que la base légale qui justifie chaque avantage financier.

Le but poursuivi est de pouvoir intégrer dans un même système de paiement, tous les éléments de la rémunération des agents de l’État, qui sont actuellement payés via deux systèmes de gestion différents. Ils seront regroupés au sein du Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’État (CGPO). De quoi permettre également à l’employeur d’établir un seul certificat de rémunération pour le fisc.

Disparité des régimes

«Une centralisation de l’ensemble des rémunérations est primordiale dans un contexte de cohérence, de transparence et d’exhaustivité des données liées à la paie», estiment les auteurs de l’étude qui mettent en évidence «une situation très complexe et aucunement transparente en matière d’indemnités allouées». D’ailleurs, des investigations complémentaires sont nécessaires pour obtenir un panorama complet des accessoires de la rémunération des fonctionnaires.

L’étude relève que ces primes et indemnités, dont la part relative dans la rémunération globale peut varier considérablement d’une carrière ou d’une administration à l’autre, entraîne une situation de déformation des rémunérations par rapport aux tableaux indiciaires.

La disparité des régimes est aussi «un frein majeur à la mobilité des agents étatiques, peu enclins à changer d’affectation si c’est au prix d’une perte d’une partie non négligeable de leurs avantages indemnitaires», observe l’étude.

149 millions d’euros

Pour l’heure, il existe donc deux systèmes de paiement distincts. Pour le premier, le Sigep, l’étude recense 89 indemnités distinctes en vigueur au 31 décembre 2021 (hors allocations et suppléments personnels) et pour la seconde, le Sifin, 143 indemnités différentes ont été identifiées concernant les paiements de l’année 2021.

Le montant total des dépenses liées aux rémunérations accessoires des agents de l’État s’élève à 149 millions d’euros pour 2021, toutes primes et indemnités confondues.

Les enseignants surtout

En tout, 62 % des agents, tous statuts confondus, ont perçu en 2021 au moins une indemnité, 38 % des agents n’ont bénéficié d’aucun complément d’aucune sorte à leur rémunération de base, 46 % des bénéficiaires d’indemnités travaillent dans l’éducation, secteur qui regroupe 52 % des effectifs de l’État, 18 % travaillent dans la force publique, alors que ce secteur représente 11,6 % des effectifs de l’État.

L’étude a débordé du cadre en livrant les traitements sur lesquels se greffent les «accessoires». Il en sort que le traitement de base brut d’un fonctionnaire représente actuellement un montant moyen de 8 688 euros par mois, allocation de fin d’année comprise.

S’y ajoutent pour l’ensemble des concernés une allocation de repas de 204 euros net par mois et, pour plus de la moitié des fonctionnaires, une allocation de famille brute de 599,81 euros.

Pour les employés de l’État, ce montant de base moyen est de 6 742 euros, plus l’allocation de repas et, pour presque la moitié d’entre eux, l’allocation de famille. Les salariés ont un salaire de base brut de 3 987 euros par mois.

La CGFP droite dans ses bottes

La puissante Confédération générale de la fonction publique (CGFP) n’a que très modérément apprécié la sortie de cette étude qui, selon elle, devait se limiter à faire le recensement de toutes les indemnités et primes existantes, sans déborder sur la rémunération des fonctionnaires, qui n’était pas l’objet de l’accord conclu en 2011.

C’est en effet à cette date que le syndicat et le gouvernement ont estimé nécessaire de mener une telle étude, livrée onze ans plus tard par le ministre Marc Hansen. Le calendrier ne convient pas davantage à la CGFP, alors qu’approchent les prochaines négociations salariales dans le secteur public.

L’étude serait disponible depuis longtemps, selon le syndicat, qui se demande pourquoi elle a été sortie du tiroir juste maintenant. Aucun élément de cette étude n’a apporté un éclairage nouveau pour le syndicat, qui rappelle que tout est transparent dans les rémunérations des agents de l’État, «ce qui n’est pas le cas pour le secteur privé», souligne la confédération.

La CGFP se demande si le ministre de tutelle n’essaie pas de mettre la pression sur les fonctionnaires, qui revendiquent une augmentation de la valeur du point indiciaire après avoir passé deux fois leur tour. Ce que retient surtout la CGFP de cette étude, c’est la part importante que représentent les heures supplémentaires dans les indemnités versées aux fonctionnaires.

Selon elle, ils «reflètent plutôt de sérieux goulots d’étranglement au niveau du personnel». Sans ces heures supplémentaires, certaines administrations ne pourraient tout simplement plus fournir les services que les citoyens sont en droit d’attendre, selon la CGFP. Elle ne veut surtout pas entendre de reproches sur les dépenses qu’elles engendrent et qui ne font que souligner l’échec de la politique face aux pénuries de personnel.

«Les fonctionnaires ne sont pas responsables de cette situation», rappelle la CGFP. Autre point positif de cette étude qui publie les traitements des fonctionnaires : elle donne un bon motif au syndicat pour «exiger des augmentations de salaire substantielles pour tous ceux dont le revenu est inférieur au salaire moyen !».

La confédération conclut enfin en avertissant le gouvernement que cette étude n’affecte en rien la liste des exigences de la CGFP. Elle maintient sa demande d’augmentation linéaire de la valeur du point.