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Fièvre catarrhale ovine : «Il y a encore beaucoup de cas positifs»


En près d’un mois, le nombre d’animaux positifs au Luxembourg a quasiment été multiplié par 17, passant de 39 à 658. (Photo : tania feller)

Inspecteur vétérinaire pour l’ALVA, le Dr Tom Petit revient sur plus d’un mois de lutte contre la propagation de la fièvre catarrhale ovine au Luxembourg et tente d’en estimer le ralentissement.

Alors que les vacances sont censées battre leur plein début août, ce n’était pas le cas pour l’administration luxembourgeoise Vétérinaire et Alimentaire (ALVA) qui a vu l’arrivée de la fièvre catarrhale ovine (FCO) au Grand-Duché. Depuis sa détection le 2 août dernier, le personnel de l’ALVA est sur le pont afin de gérer au mieux ce nouveau sérotype de la maladie de la langue bleue. Inspecteur vétérinaire pour l’ALVA, le Dr Tom Petit raconte la gestion de ce virus potentiellement mortel qui, à ce jour, a touché 658 animaux du pays.

Le Dr Tom Petit, inspecteur vétérinaire pour l’ALVA. (Photo : dr)

Comment avez-vous réagi le 2 août dernier lorsque la fièvre catarrhale ovine a été détectée au Luxembourg ?

Dr Tom Petit : Honnêtement, nous n’étions pas vraiment surpris, car on surveille aussi la situation en général en Europe. Nous avions eu des informations inofficielles que la langue bleue s’était rapprochée de notre frontière et le lendemain, on était contactés par notre laboratoire qui avait détecté un cas positif. Ce n’était pas une surprise, tout comme pour l’évolution à travers le pays.

Comme demandé par la législation européenne, nous avons immédiatement contacté la Commission européenne et nos pays voisins pour les informer. Nous avons également décidé de bloquer tous les transports d’animaux prévus dans les États voisins. Nous avons eu l’information le jeudi soir donc cela concernait le week-end des 3 et 4 août. Puis la semaine suivante, les exportations ont pu reprendre, car c’était juste pour évaluer la situation.

Pas de langue bleue cette année

Cette année, ladite «maladie de la langue bleue» n’a rien de bleu, selon le Dr Tom Petit. En poste en 2007 lorsque le sérotype 8 s’était propagé au Luxembourg, l’inspecteur vétérinaire de l’ALVA avait constaté le fameux symptôme de la langue bleue, notamment sur les moutons. Dix-sept ans plus tard, les vétérinaires n’ont pas constaté de tels symptômes avec le sérotype 3. Pour ce dernier, il s’agit plutôt d’un gonflement autour de la bouche, d’une salivation augmentée, d’une pneumonie ou de lésions au niveau du pis. Selon le Dr Tom Petit, la différence entre les deux sérotypes se voit également dans la mortalité plus élevée en 2024 qu’en 2007, d’après les chiffres provisoires.

Comment jugez-vous la situation actuelle ?

La situation est sérieuse. De tout ce que l’on entend du secteur et aussi via les données que nous avons, on sait que chez les ovins, surtout les moutons, il y a une mortalité qui est vraiment élevée. Le nombre de collectes de cadavres a vraiment augmenté pour les ovins. Heureusement, la mortalité n’est pas tellement élevée chez les bovins, mais on remarque quand même qu’il y a une chute de la production chez les vaches laitières.

Sinon, il y a encore beaucoup de cas positifs, nous en recevons chaque jour et les animaux malades ont des symptômes cliniques qui ne sont pas négligeables.

Le nombre de collectes de cadavres a vraiment augmenté

Au bout de combien de temps les symptômes apparaissent puis disparaissent ?

Après l’infection, on ne peut pas dire quand les symptômes apparaissent puisqu’on ne voit pas quand les animaux s’infectent. La maladie est transmise par des vecteurs principalement, donc il n’y a pas d’infection par contact direct entre animaux. Ce sont les culicoïdes, les mouches, qui piquent un animal infecté puis un animal sain pour transmettre la maladie. Nous pouvons quand même dire que les animaux qui survivent sont touchés par la maladie pendant plusieurs jours, voire deux semaines.

Y a-t-il eu des facteurs favorisant la propagation de la maladie au Luxembourg ?

Oui, cette année nous avons eu un temps avec beaucoup de pluie, beaucoup d’humidité et des températures assez élevées malgré tout et ce sont des conditions favorables pour que les culicoïdes se reproduisent et circulent.

D’autre part, nous avons des animaux un peu partout à travers le pays, donc les mouches n’ont pas eu besoin de parcourir tellement de distance pour trouver d’autres individus.

L’autre grand problème que nous avons, c’est que le sérotype est un sérotype de type 3 apparu pour la première fois en Europe l’année dernière. Bon, il était déjà présent en Sardaigne (lire ci-contre), mais pas dans le reste de l’Europe donc il n’y a pas d’immunité naturelle contre ce sérotype.

Illustration : flourish

Comment se passe la vaccination, débutée le 9 août, face à ce nouveau sérotype ?

Comme ce sérotype n’était pas présent en Europe, il n’y avait pas de vaccin disponible parce que les grandes firmes qui développent les vaccins n’avaient pas vu le besoin de développer un tel vaccin. Il a donc fallu le développer rapidement. C’était un grand défi. Le problème est aussi qu’il faut toujours vacciner contre un sérotype précis, il n’y a pas d’immunité croisée entre le sérotype 8 et le sérotype 3 par exemple.

Au Luxembourg, nous avons acheté le vaccin de Boehringer Ingelheim. Mais il faut savoir que du point de vue de la législation européenne, il n’y a pas d’obligation de vacciner même en cas d’épidémie. C’est donc le cas aussi au Luxembourg. C’est comme avec le covid, il y a toujours des gens contre la vaccination donc nous ne voulions pas les obliger.

Par contre, pour aider et soutenir les éleveurs, l’État a décidé d’acheter des doses du vaccin pour les donner aux vétérinaires qui vaccinent sur demande.

La vaccination n’est pas obligatoire

Comment voyez-vous la situation évoluer ?

C’est difficile à dire car le sérotype 3 est tout nouveau, mais si on essaie de comparer avec le sérotype 8, on peut penser que la partie la plus importante de l’épidémie va durer environ huit semaines. On peut donc s’attendre à ce que le sommet de la courbe soit atteint la semaine prochaine, mais ce n’est qu’une estimation. Je dirais que fin septembre, la situation devrait se calmer. D’ici là, on aura vacciné une bonne partie du troupeau, d’autres auront développé une immunité et les mouches sont moins actives quand les températures baissent.

Outre le vaccin, les éleveurs ont-ils des mesures à prendre afin de protéger leur cheptel ?

Isoler les animaux malades pour protéger les autres ne sert à rien puisque la maladie est transmise par les mouches qui passent d’étable en étable. Mais ils ont quand même une obligation, du point de vue du bien-être animal, qui est d’isoler ceux qui sont malades et qui pourraient éventuellement souffrir lorsqu’ils sont dans un troupeau trop grand à cause des autres animaux qui ne les laisseraient pas manger. Sinon, isoler ne sert à rien, surtout lorsque sur un troupeau de 100, c’est probable que la moitié des animaux, voire plus, soient affectés.

Afrique, Sardaigne, puis Royaume-Uni : le voyage des culicoïdes

Le sérotype 3 qui touche actuellement le Grand-Duché a été détecté pour la première fois en Europe en octobre 2017 dans un élevage à l’ouest de la Sicile. Ensuite, toujours via les culicoïdes qui transmettent le virus, le sérotype 3 s’est propagé dans les pays européens et a d’abord été déclaré aux Pays-Bas en août dernier. Récemment, les mouches auraient également traversé la Manche puisque le sérotype 3 est présent au Royaume-Uni.

Un sacré voyage pour celles qui viennent originellement d’Afrique en raison de sa chaleur. Le changement climatique passant par là, les conditions climatiques seraient devenues plus favorables en Europe pour les culicoïdes. Bien que le chiffre diffère selon les sources, la fièvre catarrhale ovine comporte, au moins, 24 sérotypes connus répartis à travers différentes parties du globe.

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