Comme le veut la tradition, le Grand-Duc et la Grande-Duchesse sont allés visiter une commune pour la fête nationale. Cette année, c’est le village de Lellingen et son Konstfestival qui ont été choisis.
Sur les coups de 16 h 30, l’effervescence monte doucement à Lellingen. Les habitants de ce petit village ardennais de la commune de Kiischpelt commencent à se masser dans la grande rue qui descend vers la place. Dans quelques minutes, le Grand-Duc Henri et la Grande-Duchesse Maria Teresa feront leur arrivée. Tout semble prêt pour les accueillir, armoiries et drapeaux luxembourgeois ornent les fenêtres des maisons, tandis que la fanfare de Kiischpelt s’adonne aux derniers préparatifs.
« Faire honneur au Grand-Duc »
Alors que l’échéance approche, le stress ne semble pourtant pas s’emparer des musiciens. Christine est même plutôt sereine. «Ce n’est pas la première fois que je joue devant le Grand-Duc, explique-t-elle. Je l’ai déjà accueilli dans d’autres circonstances.» Dans la fanfare de Kiischpelt depuis 5-6 ans, elle est tout de même ravie de pouvoir à nouveau jouer pour le couple grand-ducal. «C’est toujours un plaisir de les voir, surtout dans de petits villages comme celui-ci.» Un sentiment partagé à Lellingen et même aux alentours. Venue de Wilwerwitz, une autre commune de Kiischpelt, Pauline attend patiemment l’arrivée du chef d’État. «Je suis ici pour faire honneur au Grand-Duc, c’est important. C’est quelque chose d’exceptionnel de le voir ici.»
Soudain, les agents de sécurité s’activent et tout le monde comprend alors que le couple grand-ducal est sur le point d’arriver. Quelques secondes après, la voiture descend effectivement la longue route qui mène aux portes de Lellingen. Accueilli par le bourgmestre de Kiischpelt, Yves Kaiser, et une jeune fille qui a offert un bouquet de fleurs à la Grande-Duchesse, le couple a rapidement salué les officiels avant de se diriger vers la tribune spécialement aménagée pour l’occasion. Yves Kaiser a alors pu leur présenter cette petite commune de 1 200 âmes. «Environ 30 % de nos habitants viennent de l’étranger et Kiischpelt accueille 38 nationalités.» Des citoyens que le bourgmestre a voulu associer aux festivités. «Nous vivons ensemble en bons voisins et en bons amis. Cette fête n’est pas seulement la nôtre, c’est aussi la vôtre», a-t-il déclaré, en français, dans son discours.
Un patrimoine architectural remarquable
«J’ai également voulu mettre en avant le patrimoine du village.» Avec son architecture typique des communes ardennaises, Lellingen est en effet un village pilote de la campagne «Eist Duerf soll liewen» («Que vive notre village»). Celle-ci a pour objectif de revaloriser le patrimoine en permettant aux localités de conserver leur identité. «Mais le but n’est pas de les transformer en musée. Nous voulons garder un village dynamique.» Le bourgmestre est aussi revenu sur la fierté de Kiischpelt, qui fait connaître la commune au-delà des frontières luxembourgeoises : l’Open Air Konstfestival.
Ce festival invite chaque année l’art dans la rue (voir encadré) à travers des expositions et des spectacles. C’est d’ailleurs ce dernier qui explique la présence du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse. «Il y a deux ans, je les avais invités pour la 30e édition, raconte Yves Kaiser. Mais à cause du covid, elle n’a pas pu se tenir avant cette année.» Entre-temps, le couple grand-ducal n’a pas oublié l’invitation et a recontacté le bourgmestre afin d’être présent en 2022.
Des surprises à chaque coin de rue
C’est donc tout naturellement qu’après les discours et les remises de distinctions de circonstance, les invités sont partis à la découverte du village et de ses artistes. Ces derniers exposent devant chez eux ou s’invitent dans certains bâtiments aménagés pour l’occasion en salles d’exposition. Sur le chemin, les habitants, smartphones à la main, immortalisent l’événement. Les plus chanceux profitent du spectacle depuis leur fenêtre. Quelques-uns tentent même d’attirer l’attention du couple, comme cette dame qui lui fait signe d’approcher. La Grande-Duchesse n’hésite pas et va discuter avec cette couturière qui souhaitait lui présenter ses créations.
Mais le village réserve aussi de nombreuses surprises. Sur le trajet, de drôles de cuisiniers dressent la table d’un restaurant tout aussi étrange qu’eux. Ce sont en fait les artistes du groupe Back-up Theater qui interprètent leur dernière pantomime. Un spectacle burlesque déclenchant l’hilarité des enfants et décrochant de nombreux sourires chez les adultes.
« Un lieu magnifique ! »
Sur la fin du parcours, une magnifique grange sert d’écrin au travail d’Isabelle Wiessler et de Raymond Clément. Les deux artistes se sont associés et présentent une collaboration autour de l’exposition «Nature’s Luxembourg». «Elle est placée sous le haut patronage du Grand-Duc qui l’a déjà vue», précise Raymond Clément. «Mais la Grande-Duchesse l’a découverte pour la première fois.» S’il a déjà eu l’occasion de rencontrer le couple grand-ducal, c’était une première pour Isabelle Wiessler. «Ils étaient très aimables et ont eu l’air de vraiment s’intéresser, alors qu’ils doivent faire ce genre de choses à longueur de journée.»
Ils en ont aussi profité pour féliciter les propriétaires de la grange, Jean et Laurence. «Lellingen, c’est notre résidence secondaire», précise le couple originaire d’Hesperange. «On utilise la grange de manière privée, mais chaque année, nous la mettons à disposition du festival.» Le bâtiment a tout de suite tapé dans l’œil de la Grande-Duchesse. «C’est un lieu magnifique!» Une fierté pour le couple, qui a déjà rencontré le Grand-Duc par le passé. «Nous avions été invités au palais quand j’étais bâtonnier. Aujourd’hui, on a pu leur rendre la pareille et les inviter chez nous!»
« Un événement fascinant »
La promenade s’est achevée dans un petit parc par un vin d’honneur. Une dernière occasion pour le couple grand-ducal de rencontrer habitants et associations. «C’est toujours un événement fascinant», admet André. «Et c’est intéressant pour eux aussi parce qu’ils viennent rarement dans de petites communes. J’espère que le Grand-Duc a compris que le village faisait beaucoup de choses. Peut-être qu’il pourrait revenir dans un certain temps pour voir comment ça évolue.» L’invitation est lancée.
En attendant, alors que 19 h approche, le Grand-Duc et son épouse doivent partir. Un agenda chargé les attend encore dans la capitale. Alors qu’ils s’éclipsent discrètement, les habitants continuent de trinquer à cette fête nationale qui reprend tout son sens après deux ans de restrictions. Pour le couple grand-ducal comme pour Kiischpelt, la fête est loin d’être finie.
L’art s’invite dans la rue
Kiischpelt n’a pas attendu la venue du Grand-Duc pour faire la fête. Chaque année depuis 1991, la commune organise tous les 23 juin l’Open Air Konstfestival à Lellingen. Le petit village ardennais se transforme alors en galerie d’art vivante où les artistes peuvent s’exprimer à leur guise. Certains présentent leurs œuvres directement devant chez eux, tandis que des bâtiments de la commune servent de salles d’exposition pour ceux qui viennent de plus loin. Mais la rue devient également scène de théâtre ou de concert. Comédiens et musiciens se produisent tout au long de la journée devant un public qui se renouvelle au gré des déambulations de chacun. Connu au-delà des frontières du Grand-Duché, le festival attire plus de 5 000 visiteurs chaque année.