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Femmes et pensions : «C’est injuste, les inégalités nous poursuivent à la retraite»


Milena Steinmetzer et Pitt Bach ont échangé avec une vingtaine de femmes mercredi soir au CID Fraen An Gender. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

En amont de la manifestation prévue samedi dans la capitale, l’OGBL alerte : les femmes seront particulièrement pénalisées par la réforme des retraites voulue par Luc Frieden.

Alors que ces dernières semaines, le nouveau front syndical OGBL-LCGB rassemble ses troupes en vue de la manifestation nationale de samedi contre le projet de réforme des retraites porté par le gouvernement, deux militants étaient au CID Fraen An Gender mercredi pour une soirée d’information.

Au programme : quelques mots des revendications féministes pour les salariées, mais surtout un gros plan sur le système de retraite actuel et les répercussions des mesures à venir sur les femmes.

«Au Luxembourg, les femmes perçoivent une pension inférieure de 38% à celle des hommes», pointe d’emblée Pitt Bach, membre du bureau exécutif de l’OGBL et expert des questions liées aux retraites.

Il indique que, si la pension moyenne s’élève à 3 600 euros par mois pour les hommes, elle plafonne à 2 600 euros pour les femmes.

Pension minimale : 80% de femmes

Mais ce n’est pas tout : parmi les pensionnés qui perçoivent moins de 2 500 euros mensuels, 60% sont des femmes, et leur part grimpe même à 80% parmi les bénéficiaires de la pension minimale de 2 300 euros – montant en dessous du seuil de pauvreté.

«Ces inégalités qui surviennent au moment de la retraite sont en fait le prolongement des inégalités subies par les femmes au cours de leur vie active», explique-t-il, en listant de multiples raisons.

Temps partiel et carrières courtes

D’abord, surreprésentées dans des secteurs moins valorisés, leurs revenus sont plus faibles.

Elles occupent aussi largement des emplois à temps partiel (31% contre 7% des hommes) pour s’occuper du foyer, des enfants, de parents âgés ou malades – là où les hommes évoquent la pratique d’un sport ou des loisirs pour justifier le choix d’un temps partiel.

Ensuite, arrivées plus tardivement sur le marché de l’emploi, elles ont des carrières plus courtes : rappelons qu’en 1995, seules 45% des résidentes avaient un travail.

Au final, elles accumulent donc davantage de périodes qui n’ont pas donné lieu au versement de cotisations par rapport aux hommes. Autant de facteurs qui rendent les femmes retraitées plus vulnérables, avec un risque de pauvreté accru par rapport aux hommes (près de 12% contre 9%).

Une «situation qui pourrait s’aggraver»

«Selon les annonces récentes du Premier ministre, la situation pourrait encore s’aggraver, portant atteinte de façon inédite aux acquis sociaux», lance Pitt Bach, ajoutant que les femmes figureraient parmi les premières perdantes.

«Luc Frieden a déclaré que la réforme de 2012 sera maintenue, alors qu’elle prévoit la baisse, voire la suppression, de l’ajustement des pensions. Or, sans cet ajustement, à long terme, l’écart se creuse nettement entre le salaire moyen et les pensions : une marche assurée vers plus de pauvreté pour les aînés», décrit-il.

Selon les calculs de l’OGBL, si les pensions n’avaient pas été ajustées ces 25 dernières années, la pension minimale serait aujourd’hui de 1 691 euros, impactant directement les femmes puisqu’elles représentent la plupart des bénéficiaires.

Idem pour l’augmentation de l’âge effectif de départ, situé autour de 60 ans à ce jour, que le gouvernement souhaite rapprocher le plus possible de l’âge légal de 65 ans.

«Ils envisagent d’augmenter progressivement la durée obligatoire de cotisations qui est de 40 ans actuellement pour un départ possible à partir de 57 ans. Forcément, les groupes pénalisés seront les gens qui ont commencé à travailler très jeunes – souvent dans des métiers manuels et pénibles – et les femmes, qui ont plus d’interruptions de parcours et des carrières réduites.»

«En danger financièrement»

Un constat qui agace Milena Steinmetzer, à la tête du département OGBL Equality : «Malheureusement, c’est un sujet très technique dont on ne parle pas tous les jours. Ici, les femmes prennent conscience des inégalités qui existent et qui nous poursuivent à la retraite.»

«C’est injuste : tout le travail non rémunéré qu’elles assurent tout au long de la vie, pour le bien de la société, n’est pas pris en compte au moment de la retraite et les met en danger financièrement.»

D’autres pistes que celles du Premier ministre

Pour contrer ces phénomènes, les militants citent de nombreuses pistes, frontalement opposées à la vision du gouvernement, favorable au patronat et aux grandes entreprises. Ils plaident ainsi pour :

  • l’égalité salariale,
  • la revalorisation des pensions minimales,
  • le partage équitable des droits de pension acquis pendant la vie en couple en cas de réduction du temps de travail d’un partenaire,
  • et la sauvegarde des dispositifs actuels qui profitent aux femmes – baby years, reconnaissance des périodes d’éducation.

L’OGBL Equality et le CID Fraen An Gender formeront un bloc féministe samedi à la manifestation pour porter des revendications centrées sur les droits des femmes : «On ne veut pas qu’elles soient les grandes oubliées d’une réforme à venir», conclut Milena Steinmetzer.

Manifestation nationale à Luxembourg, le 28 juin, départ à 11 heures à la Gare. Rassemblement du bloc féministe à 10h30 à côté de Delhaize.