La fédération des industriels estime que les multiples défis auxquels est confrontée l’économie nécessitent une politique «cohérente et crédible» faite de «bon sens» et de «pragmatisme».
La grand-messe de la Fedil, réunissant les principaux acteurs économiques et les forces vives du pays, a fêté son grand retour, hier soir, au bout de deux ans de pandémie. En janvier encore, la traditionnelle réception de Nouvel an n’avait pas pu avoir lieu. L’événement a donc été rebaptisé «Printemps des entreprises».
Les grandes retrouvailles ont toutefois été ternies par la guerre en Ukraine, venue renforcer l’inflation et les défaillances des chaînes d’approvisionnement. «Tout dépend du bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement», souligne d’ailleurs Michèle Detaille, la présidente de la fédération des industriels, après avoir énuméré les quatre grands chantiers auxquels est confrontée l’économie : la pénurie de matériaux, l’inflation, la transition écologique ainsi que la perte de pouvoir d’achat. «Il revient au camp politique de trouver le bon équilibre», ajoute la cheffe de file de la Fedil.
Louanges et critiques pour Xavier Bettel
Si Michèle Detaille loue le Premier ministre, Xavier Bettel, pour sa «compréhension des enjeux afin d’assurer la survie de l’économie» et sa «réaction rapide» pour contrer crises sanitaire et énergétique, la présidente de la Fedil fustige les bâtons qui seraient mis dans les roues des entrepreneurs. «Il faut mettre fin à la frénésie règlementaire», lance-t-elle et plaide sans tarder pour un retour au «bon sens et au pragmatisme». Dans le viseur se trouvent notamment la future législation européenne sur le devoir de vigilance, mais aussi le manque de «cohérence et de crédibilité» de la politique industrielle menée par le gouvernement luxembourgeois. Est pointée du doigt la lourdeur administrative qui, par exemple, empêche toujours Google de s’installer à Bissen. Est aussi fustigée l’opposition à l’arrivée des usines Knauff ou Fage, qui finissent par s’installer dans des pays «pas moins vertueux» que le Grand-Duché.
Le système européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre serait un autre frein majeur. Le directeur général d’ArcelorMittal Europe, Geert Van Poelvoorde, est venu illustrer lors de son exposé les obstacles dressés par la Commission européenne sur le chemin vers une sidérurgie verte. «Nous avons déjà investi des dizaines de milliards d’euros dans la décarbonation. Est visée pour 2030 une réduction des émissions de CO2 de 81,5 millions de tonnes, soit l’équivalent de ce qu’émettent 30 millions de personnes. Or les quotas vont nous coûter 8,5 milliards d’euros par an à partir de 2030 alors que l’on ne paie que 3,5 milliards d’euros aujourd’hui», résume le dirigeant du géant de l’acier.
Sa conclusion : «On n’investit pas dans la décarbonation, mais dans la règlementation». Néanmoins, l’acier vert serait essentiel pour bâtir l’économie post-carbone. Geert Van Poelvoorde cite la construction de pipelines pour l’hydrogène, les éoliennes ou les bâtiments durables.
Index : «Aucune tranche ne sera supprimée»
Dans sa réplique, le Premier ministre a tenu à défendre la politique européenne. «La transition énergétique nécessite des décisions parfois peu populaires, mais elles sont nécessaires», clame Xavier Bettel.
Le chef du gouvernement est aussi revenu sur le résultat de la tripartite, en soulignant qu’«aucune tranche indiciaire ne sera supprimée». «Le dialogue social n’est pas toujours facile, mais tout est fait pour préparer l’avenir du pays. L’écoute et le respect mutuel doivent permettre de trouver des solutions pour maintenir le bien-être», développe Xavier Bettel. Il estime que l’accord trouvé «offre de la prévisibilité en des temps marqués par l’imprévisibilité». «Le système global est déséquilibré. Il existe beaucoup d’incertitudes. Il nous faut donc disposer de partenaires pour pouvoir discuter. L’industrie en fait partie», termine le chef du gouvernement, sans évoquer l’opportunité de convoquer une nouvelle tripartite au vu de l’inflation galopante.
Temps de travail : Bettel tacle le LSAP
«Est-il cohérent que l’on évoque une réduction générale du temps de travail alors que l’on veut rapatrier une panoplie de secteurs d’activité en Europe? Alors que l’on est déjà confrontés à une pénurie de main-d’œuvre?», s’interroge la présidente de la Fedil. Dans sa réplique, Xavier Bettel s’est dit conscient que les «patrons peinent à trouver des personnes» pour venir renforcer leurs équipes.
«Certains collègues ministres plaident pour une réduction du temps de travail. Une telle mesure ne fait pas partie de l’accord de coalition. Les partis qui veulent aller dans cette direction devront se positionner dans leurs programmes électoraux», lance le chef du gouvernement. Sans le citer, Xavier Bettel fait allusion au LSAP dont le ministre du Travail, Georges Engel, a annoncé vouloir mener une étude sur la réduction du temps de travail. «On peut dire oui à une flexibilisation. Pour le reste, on voit le succès de la semaine de 35 heures en France», ironise le Premier ministre. Il se dit toutefois conscient des limites de la main-d’œuvre frontalière : «Les gens viennent déjà depuis Nancy, Liège ou Namur pour travailler au Luxembourg. Il faut être conscient que derrière Ostende, il n’y a plus rien».