Juliana Mondot fait partie des clients victimes d’un faux site de la BIL. En tout, le collectif comprend une soixantaine de personnes et l’ensemble du préjudice est chiffré à 550 000 euros.
Ils étaient une vingtaine de victimes il y a encore deux semaines, ils sont près de 60 aujourd’hui à partager leur très mauvaise expérience. Leur point commun? Tous sont tombés sur un faux site de la Banque internationale à Luxembourg (BIL) et ont perdu des milliers d’euros. L’affaire a déjà fait grand bruit dans les médias, mais rien n’a bougé depuis et les victimes se sentent complètement abandonnées par leur banque, c’est là le nœud du problème.
Juliana Mondot déclare être «outrée par le comportement de la banque», qui rejette l’entière responsabilité sur les clients qui se sont laissés bernés par les arnaqueurs. «Les seuls qui ont pris notre problème au sérieux, qui ont montré de l’empathie, sont les policiers», ajoute-t-elle. Elle a reçu d’ailleurs un courrier, hier, lui indiquant que sa plainte avait été transmise aux services d’enquête compétents en cybercriminalité, entre autres.
«Nous voulons obtenir la preuve que la banque a tout fait pour essayer de récupérer notre argent», poursuit Juliana Mondot. Elle ne comprend pas comment une telle fraude a pu être possible alors que l’arnaque avait fait ses premières victimes en décembre de l’année dernière déjà.
Le préjudice s’élève à plus de 500 000 euros. C’est à ce jour le seul montant connu de l’ampleur de la fraude alors que toutes les victimes ne se sont pas encore manifestées. Juliana Mondot lance d’ailleurs un appel pour réunir un maximum de clients, qui, comme elle et ses 55 autres camarades d’infortune, ont connu les mêmes déboires.
Les sommes prélevées ne sont pas anodines. De 3 000 à 12 000 euros, voire davantage, selon les renseignements des clients lésés. Une personne a même été arnaquée de 210 000 euros. «C’est une catastrophe, et la banque ne veut endosser aucune responsabilité», poursuit Juliana Mondot.
Elle a fait une très mauvaise expérience face au banquier qu’elle a jugé «arrogant», lui répétant sans cesse qu’elle ne comprenait rien à rien. «Il m’a donné l’exemple de quelqu’un qui entre dans un fastfood avec une imitation d’enseigne Mc Donald’s en me demandant contre qui cette personne pouvait se retourner. Certainement pas Mc Donald’s, m’a-t-il dit », relate la victime, fâchée d’être traitée de la sorte.
Les victimes pensaient être davantage protégées par leur banque contre ce genre d’arnaque. Malheureusement, ce n’est pas nouveau et cela va s’empirer avec les possibilités de l’intelligence artificielle, comme nous l’explique Patrick Schaul, de l’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC).
Conseiller juridique auprès de l’association de protection et de défense des consommateurs, il affirme que personne ne les a encore contactés concernant la fraude. «Nous avons eu des plaintes de victimes avec d’autres banques, avec le même modus operandi, mais rien encore provenant de cette arnaque», affirme-t-il.
«Faux», répond Juliana Mondot, assurant que des victimes se sont bien adressées à l’ULC, mais que l’association ne pouvait rien faire pour eux. Et ce n’est pas faute d’avoir tenté une action. Un client de la BIL s’était adressé effectivement à l’ULC, mais en janvier dernier. L’association avait adressé un courrier à la BIL en lui rappelant ses «obligations de surveillance», selon la copie du courrier dont dispose notre rédaction. «Vous auriez dû vous rendre compte que les transactions frauduleuses, qui ont été effectuées endéans un laps de temps très court, représentent des montants considérables et ne correspondent nullement au profil de votre client», avait écrit l’ULC à la BIL, le 30 janvier dernier.
«Les banques ne remboursent pas les victimes de ce type d’arnaque, mais doivent prouver la faute grave du client», déclare Patrick Schaul.
Selon lui, la police croule sous les plaintes des victimes de faux sites qui extorquent de l’argent à leurs victimes. «Nous ne voyons que l’infime pointe de l’iceberg», conclut-il. Rappelons que l’ULC est toujours en attente du vote de la loi introduisant un mécanisme de recours collectif en droit de la consommation, déposée en 2020 par l’ancienne ministre, Paulette Lenert.
Banque virtuelle
Si la BIL éprouve des difficultés à récupérer l’argent prélevé frauduleusement des comptes de ses clients, ces derniers savent où les sommes ont atterri. «En ce qui me concerne, l’argent a été viré vers un compte en France de la Trade Republic Bank GmbH», informe Juliana Mondot.
Cette banque en ligne allemande, agréée par la Banque centrale européenne (BCE), se targue sur son site d’avoir plus de 8 millions d’utilisateurs et 100 milliards d’euros d’actifs à travers 17 pays européens. L’argent des victimes a certainement dû s’évaporer en cryptomonnaie.
Les victimes craignent de ne jamais revoir la couleur de leur argent. «La majeure partie de l’argent a été viré sur des comptes en France et nous nous demandons s’il ne serait pas judicieux d’intenter une action en justice en France et peut-être aussi en Espagne, mais dans une moindre mesure. C’est surtout vers la France que l’argent a circulé», explique Juliana Mondot.
Du côté de la BIL, comme de l’ABBL (association des banques et banquiers), les consignes sont simples : ce sont aux clients d’être vigilants.