Accueil | A la Une | Fausse accusation d’agression sexuelle : « Je voulais juste prévenir… »

Fausse accusation d’agression sexuelle : « Je voulais juste prévenir… »


«Une petite fille de 5 ans a fait l'objet d'attouchements sexuels dans une structure de jeux pour enfants à Foetz.» Une fausse accusation qui s'était répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. (illustration Hervé Montaigu)

«Une petite fille de 5 ans a fait l’objet d’attouchements sexuels dans une structure de jeux pour enfants à Foetz.» Ces ragots ébruités par deux Françaises leur ont valu une citation au tribunal, lundi matin. La première, qui travaille au CHEM, est poursuivie pour violation du secret professionnel. La seconde, mère au foyer, est accusée de calomnie. Les faits remontent à octobre 2013.

« J’étais en train de quitter le travail. Dans les vestiaires, mes collègues ont parlé de l’histoire d’une personne qui a agressé sexuellement une petite fille dans une structure de jeux pour enfants à Foetz. » À son retour à la maison, en Lorraine, l’ATM en radiologie de l’hôpital fait part de cette information à une amie. «Car, elle aussi avait des enfants en bas âge.» Voilà l’explication livrée par la quadragénaire, lundi matin à la barre.

L’information suit son chemin. Car l’amie la publie quasiment tout de suite sur Facebook. Dans son message, elle ajoute notamment que «La sécurité y a toujours été déplorable» et que ses «enfants n’iront plus là-bas, ça c’est sûr». «À aucun moment vous n’avez pensé que cela pouvait être une fausse information ?», s’intéresse le président. «Non, comme cela venait de l’hôpital… J’ai eu tort, je reconnais», concède la mère au foyer, âgée aujourd’hui de 34 ans. Interrogée pour savoir si elle n’avait jamais pensé aux conséquences que cela pouvait engendrer pour la société, elle a répondu : «Je voulais juste prévenir que quelqu’un avait agressé une petite fille et qu’on ne l’a pas retrouvé.» «Mais ce n’était pas vrai Madame !», la corrige le président.

C’est finalement après avoir vu un démenti dans L’essentiel que la trentenaire dit avoir été incitée à retirer sa publication sur Facebook. Lundi matin, elle était donc citée devant la 12e chambre correctionnelle pour calomnie. La société exploitant la structure de jeux avait porté plainte en octobre 2013. La professionnelle de santé travaillant au CHEM, quant à elle, est poursuivie pour violation du secret professionnel.

«L’information mensongère s’est répercutée avec une vitesse fulgurante. En quelques heures, il y a eu 249 partages sur Facebook», a plaidé Me Roby Schons. La partie civile réclame aujourd’hui aux deux femmes un total de 124 000 euros au titre du préjudice ainsi que 2 500 euros d’indemnités de procédure.

«Il n’y avait pas d’intention méchante»

Me Schons, l’avocat de la partie plaignante, parle de «faits attentatoires à l’honneur et à la considération». La fausse pub sur Facebook aurait engendré une perte de revenus à la société : «Le nombre d’entrées a subi une chute vertigineuse.» Il poursuit : «La fausseté de l’information a été clairement démontrée : on a eu une visite immédiate d’agents de police. Le test SAS (set d’agression sexuelle) était tout à fait négatif.»

Si la défense considère que le tribunal luxembourgeois est incompétent pour juger les faits qui se sont déroulés en France par deux personnes de nationalité française, Me Schons constate que l’effet dommageable s’est fait à la partie civile au Luxembourg.

Or, pour Me Pierrot Schiltz défendant l’ATM de radiologie, il n’y a pas eu de violation du secret professionnel : «Ma cliente était aux vestiaires après son service quand elle a reçu l’information qui n’a pas trait à sa profession.» «La révélation faite par ma cliente n’a pas trait à l’état de santé de la victime, mais fait état d’une infraction pénale qui n’est pas couverte par le secret professionnel de la santé», insiste-t-il.

Le parquet a finalement rejoint la défense : «Les bruits de couloir ne sont pas protégés par le secret professionnel. Il s’agit d’un ragot au sujet d’une infraction. Vous l’acquitterez.» En ce qui concerne l’infraction de la calomnie que la partie adverse reproche à l’auteure de la publication Facebook, le représentant du parquet se rapporte à sagesse du tribunal. Il a rappelé que le ministère public n’a pas exercé d’action publique.

Quelques instants plus tôt Me Tahar, l’avocate de la trentenaire, avait plaidé l’acquittement. Selon elle, sa cliente ne se serait pas rendue coupable de calomnie : «Il n’y avait pas d’intention méchante. Madame a uniquement communiqué l’information en tant que maman dans le seul dessein de protéger les enfants.» Elle demande de déclarer la demande d’indemnisation de la partie adverse irrecevable.

Le tribunal rendra son jugement le 11 janvier.

Fabienne Armborst