Avec All of Us Flames, Ezra Furman revient avec un disque qui raconte son émancipation à voir comme un hymne à la solidarité vers les exclus et marginaux, toujours en marge d’un monde conformiste.
On ne compte plus aujourd’hui, dans une société qui se cherche un avenir sans le poids du patriarcat, les artistes qui défendent une identité libre. Ou plutôt affranchie des codes, des conventions, des us et coutumes, du rapport binaire homme-femme. Quitte parfois à fatiguer ou pire, à tomber dans l’opportunisme! Ce n’est pas le cas, par exemple, de la rappeuse anglaise Kae Tempest qui, en enlevant récemment une lettre à son prénom, s’est libérée de sa condition élémentaire pour s’inventer une nouvelle trajectoire.
Au cœur de ces intimités fragiles, on trouve aussi Ezra Furman qui, depuis le début de sa carrière entamée il y a 15 ans à Chicago, a toujours navigué entre les deux genres, cherchant son bonheur dans un trouble identitaire. Bien qu’aujourd’hui, elle semble être à l’aise dans une image féminine qu’elle défend, celle d’une transgenre fière de l’être. C’est toute la question de ce All of Us Flames, un disque qui raconte son émancipation, et celle de tous et toutes qui partagent ses rêves d’un monde où les différences seraient une richesse, et non un problème.
Un cri de ralliement
Après un précédent album mordant qui rappelait ses origines punk (Twelve Nudes, 2019), suivi d’une BO créée pour l’une des séries phares de Netflix (Sex Education), elle revient là à une veine plus calme, quasi poétique, déjà aperçue dans Transangelic Exodus (2018). Mais chez elle, la romance n’a rien de lisse ou de folâtre : elle se construit sur le chaos, la douleur, la tension et le combat.
Pour mieux mettre en relief ces états d’âme, elle s’est appuyée sur John Congleton, producteur réputé pour ses enregistrements bruts et déformés. Les penchants d’Ezra Furman pour la tradition – du rock mélodique à la Springsteen au folk engagé à la Dylan – sont ici revitalisés par la saturation, passés à la moulinette pour mieux souligner l’intensité et l’urgence de ses propos.
«C’est un album écrit à la première personne du pluriel!»
Car on ne badine pas avec la lutte : «Nous avons été seuls trop longtemps / Nous sommes faits pour être ensemble, les armes à la main», chante-t-elle ainsi sur Lilac and Black. All of Us Flames parle donc de mobilisation, d’entraide et s’impose avec force comme un cri de ralliement. «C’est un album écrit à la première personne du pluriel!», précise Ezra Furman sur le site du label Anti-. En creux, il raconte «cette étape de la vie où l’on comprend que l’on n’est pas un loup solitaire, mais que l’on dépend d’un ensemble plus vaste».
C’est un album écrit à la première personne du pluriel!
Cet album est ainsi à voir comme un hymne à la solidarité vers les exclus et marginaux, toujours en marge d’un monde conformiste. Des morceaux, comme elle le dit, «à l’usage des communautés menacées auxquelles j’appartiens». Et en l’absence d’un texte sacré, elle décide d’écrire le sien à travers la chanson Book of Our Names, avec ce parallèle entre l’oppression des transsexuel(le)s et l’exode des juifs. Ezra Furman sonne donc le rassemblement de cette collectivité «dispersée et fragile», mais capable d’apporter un souffle nouveau à la société.
Casser les normes
Le titre I Saw the Truth Undressing pourrait résumer ce disque et les intentions : casser les normes pour s’accepter soi-même et les autres. Mais ça, «personne n’y arrive seul!», clame-t-elle. D’où ses appels sincères à l’union, et ses références, musicales pour le coup bien volontaires aux groupes de filles des années 1960, en particulier les Shangri-Las et les Ronettes.
Et si la peur, insidieuse, ne part jamais véritablement, et que l’espoir d’un meilleur avenir reste toujours en pointillé, Ezra Furman continuera de marier les genres (et les styles) avec fluidité et de donner de la voix. Même si rien n’est gagné, elle se veut confiante parce qu’elle se doit de l’être. Et c’est en cela que sa musique est nécessaire.
Ezra Furman, All of Us Flames. Sorti le 26 août. Label Anti-. Genre rock