Le CSV ne lâche rien et Laurent Mosar en particulier qui ne comprend pas l’inaction du gouvernement dans la demande d’extradition des États-Unis concernant Frank Schneider.
Toute l’opposition est unanime pour condamner l’inaction du Premier ministre, Xavier Bettel, dans l’affaire Frank Schneider, un Luxembourgeois menacé d’être extradé vers les États-Unis depuis le territoire français où il réside, non loin de la frontière. Poursuivi par les autorités américaines pour le rôle qu’il aurait joué dans le scandale OneCoin, une affaire de cryptomonnaie frauduleuse qui a permis d’escroquer ses utilisateurs de plusieurs milliards de dollars entre 2014 et 2019, Frank Schneider se dit abandonné par son pays.
Si la majorité se fait très discrète sur le sort de l’ex-numéro trois du Service de renseignements de l’État (SREL), le CSV et l’ADR se montrent plus concernés et ne comprennent pas qu’un Luxembourgeois puisse être extradé vers un pays tiers dans l’indifférence des autorités de son pays d’origine. Il vit, certes, en Meurthe-et-Moselle, mais gère son activité au Luxembourg, à la tête de son entreprise de renseignement économique, Sandstone, qui travaillait pour OneCoin et sa dirigeante, la Bulgare Ruja Ignatova, disparue des radars depuis 2017.
Une affaire compliquée
Le député chrétien-social Laurent Mosar s’est emparé du cas de Frank Schneider depuis que ce dernier a été arrêté à Audun-le-Tiche et placé sous écrou à Nancy au printemps 2021, avec la collaboration du FBI, qui attribue au Luxembourgeois un rôle majeur dans l’escroquerie OneCoin.
«Je me suis investi dans cette problématique depuis longtemps. Je connais toutes ces procédures et je peux dire que c’est une affaire compliquée juridiquement», déclare Laurent Mosar, qui a partagé ses connaissances avec les députés réunis en commission mixte la semaine dernière.
Il ne peut pas en dire long sur le rôle de Frank Schneider dans ce scandale financier, il en ignore tout. En revanche, il sait que l’affaire a des ramifications au Luxembourg, même si elles ne concernent pas Frank Schneider directement. Il s’interroge ainsi sur la fonction de Pitt Arens, un Luxembourgeois résidant au pays qui était le directeur général de la société OneCoin au Luxembourg. Il déclarait en 2017 que la société était «victime d’une vaste et massive campagne de dénigrement».
Des victimes au Luxembourg
«La très grande majorité des faits à la base de ces infractions se sont déroulés à partir d’une société basée au Luxembourg qui a procédé à de nombreuses transactions opérées par des banques de la place», indique le député.
Si blanchiment il y a eu, ces banques auraient participé à ce blanchiment. «Sept ou huit pays européens ont déclenché des procédures contre OneCoin et, dans ces pays, il y a très peu de ramifications par rapport à celles que l’on connaît au Luxembourg.» Le dossier est instruit également par Europol. «Comment, dans une telle affaire, avec des milliards d’argent détourné, avec des procédures inhérentes dans plusieurs pays, se peut-il que le parquet n’ait pas estimé nécessaire d’ouvrir une procédure au Luxembourg alors que Frank Schneider et Pitt Arens étaient luxembourgeois ?», questionne le député.
La radio 100,7 avait relayé une information de la BBC selon laquelle le scandale OneCoin a également fait au Luxembourg quelque 65 000 victimes qui avaient investi un montant de 165 000 euros.
Dans le cadre du mandat d’arrêt européen, le parquet français avait demandé à son homologue luxembourgeois s’il voulait récupérer Frank Schneider, mais il n’en voulait pas, car il n’entendait pas engager de poursuites. «Ils ont mis 17 heures avant de répondre, c’est rapide pour étudier un dossier d’une telle ampleur et archicompliqué», juge Laurent Mosar.
Le député chrétien-social estime encore qu’une telle attitude risque de faire jaser parmi les membres du Groupe d’action financière, le GAFI, en visite actuellement au Luxembourg pour son cycle d’évaluation.
Le politique a pris le relais
Les pays signataires des divers traités binationaux avec les États-Unis n’extradent pas leurs nationaux, c’est ainsi acté. Mais Frank Schneider, qui supplie Xavier Bettel d’intervenir, se trouve assigné à résidence à son domicile de Joudreville (54). «Normalement, un pays fait tout pour ne pas extrader les nationaux. On le voit bien avec Assange, qui est australien. Les États-Unis veulent sa peau, mais le Premier ministre australien intervient souvent auprès de son homologue britannique pour lui éviter une extradition», cite en exemple Laurent Mosar, comme il l’avait fait devant la commission la semaine dernière. Une comparaison qui n’était pas la bienvenue, selon la remarque de Xavier Bettel.
Le député s’en prend à la législation européenne, qui lui apparaît contraire à la libre circulation des personnes si chaque citoyen ne peut plus être protégé une fois une frontière franchie. «Le gouvernement est d’accord pour dire qu’il faut modifier la législation européenne en matière d’extradition», se satisfait-il.
Reste que le volet juridique étant épuisé, le politique peut prendre le relais, ne cesse de marteler le député. Même si la Cour de cassation a parlé, le gouvernement français n’est pas obligé de suivre son avis et peut toujours s’opposer à une extradition, comme cela s’est déjà vu. Pour Laurent Mosar, rien n’empêche Xavier Bettel d’intervenir auprès d’Élisabeth Borne, sauf qu’il refuse de le faire.
En revanche, en cas de condamnation aux États-Unis, le gouvernement demanderait le transfert de Frank Schneider au Luxembourg pour qu’il y purge sa peine.
L’oppostion a parfaitement raison.
L’inaction de M. Bettel est condamnable.