L’association natur&ëmwelt s’inquiète d’ores et déjà de la construction d’une nouvelle ligne de tram sur l’avenue de la Porte-neuve vers le boulevard Royal. Elle alerte sur un potentiel déboisement d’une partie de la Kinnekswiss. Luxtram a assuré que le parc «ne sera pas impacté».
Le chantier n’est qu’au stade de dessein, mais il génère déjà des remous. Dans une lettre adressée à la Ville de Luxembourg et au ministère de la Mobilité et des Travaux publics, l’ASBL natur&ëmwelt met en garde contre les retombées d’un futur projet d’extension de tram sur l’environnement.
Mobilisée pour la sauvegarde de la biodiversité, au niveau tant local que national et international, l’association s’inquiète d’un potentiel déboisement à l’extrême nord-est du parc Kinnekswiss. Cette opération viserait à créer l’espace nécessaire pour une nouvelle liaison de tram entre le Glacis et le boulevard Royal via l’avenue de la Porte-neuve.
Un projet de loi de financement pour 2023
La jonction s’inscrit dans un cadre plus global d’extension du réseau tramway pour notamment rallier la route d’Arlon au centre-ville, comme indiqué dans le plan de mobilité pour 2035, présenté en avril dernier. La société Luxtram a été mandatée par la Ville et le ministère de la Mobilité et des Travaux publics pour réaliser des études d’avant-projet sur l’avenue : «Il est envisagé de déposer auprès de la Chambre des députés un projet de loi de financement au cours du premier semestre 2023», ajoute Luxtram, dans un communiqué de réponse. Mais en l’état actuel, le projet ne convient pas aux militants associatifs : «Seules la préservation et la protection de la biodiversité locale correspondent à une politique urbaine durable», écrit pour sa part Natur&ëmwelt.
Des voitures plutôt que les arbres?
L’ajout d’une ligne de tram vers le boulevard Royal risque de bonder davantage l’avenue de la Porte-neuve. Entre les quatre voies dédiées aux bus et aux voitures, le trottoir et le tracé de vélo, la question de l’espace est délicate pour un projet de cette envergure. Faudra-t-il grappiller sur le parc municipal? «La Kinnekswiss ne sera pas impactée et l’objectif consiste à préserver au maximum le tronçon du parc municipal longeant le tracé du tram. Les détails seront présentés après sélection de la meilleure variante d’aménagement», assure Luxtram.
Pourtant, dans le schéma actuel, le tram longe le parc municipal, avant d’effectuer un virage vers la gauche au passage pour piétons, et enfin rejoindre l’autre côté. Pour étendre l’espace et ainsi permettre un passage pour le tram, les arbres, haies et autres végétaux qui bordent la Kinnekswiss, sont placés sur la sellette.
Une idée rétrograde pour Selma Weber, porte-parole de natur&ëmwelt, qui rappelle que les plans ne sont pas définitifs : «On n’est pas contre le projet du tram, mais il s’agit d’alerter et de se poser des questions : est-ce qu’on a besoin de tous les moyens de mobilité possible sur une voie? Il faut se pencher vers une nouvelle approche, où on priorise le bus et le tram, tout en faisant circuler les voitures dans d’autres rues. Les voitures de la Porte-neuve doivent partir, mais pas les arbres.»
Dans le plan de mobilité pour 2035, le ministère de la Mobilité et des Travaux publics avait d’ailleurs indiqué que ce schéma de circulation «n’est pas adapté aux flux de personnes qui devront être absorbés en 2035» en raison de la «priorisation indifférenciée du trafic motorisé individuel». Au beau milieu d’une crise climatique et environnemental, dont on ressent de plus en plus les effets matériels, prioriser la voiture à la biodiversité est un pas en arrière pour la porte-parole de natur&ëmwelt : «On a déjà fait les mêmes erreurs il y a une trentaine d’années.»
Plusieurs variantes de tracés et d’aménagement sont toutefois en cours d’études, dans le but de mener «une analyse comparative, qui permettra d’identifier le meilleur projet qui sera présenté au public avec tous les détails», fait savoir Luxtram.
La biodiversité en danger
Côté répercussion, un tel projet d’abattage mettrait en danger la faune ainsi que les écosystèmes. L’ASBL rappelle que ces lieux constituent une zone de retraite pour diverses espèces urbaines protégées, dont des oiseaux qui ont établi leurs nids dans ces arbres. Des populations comme le pic mar, le pic–vert, le corbeau de pierre et le serin cini sont déjà en «mauvais état de conservation». D’autant plus qu’elles exécutent des actions essentielles pour nos quotidiens, en préservant, à titre d’exemple, le maïs des parasites.
Et il n’est inutile de rappeler la fonction par excellence des arbres, qui captent et stockent le CO2 via la photosynthèse : «Tous ces végétaux permettent de rafraîchir la ville, donc les abandonner risque d’alimenter la crise climatique», expose Selma Weber, tout en anticipant les mesures de compensation : «Si on plante des jeunes arbres autre part à la place, ils n’auront pas le même effet sur le climat. Il faut du temps, sachant que les vieux arbres sont plus robustes et absorbent plus de CO2.»
Luxtram tient à rappeler que «l’intégration de la première ligne tramway dans l’avenue de la Liberté et dans l’avenue Kennedy au Kirchberg a permis un embellissement et l’émergence d’une nouvelle offre de mobilité» et que le «même niveau d’exigence sera réalisé» à la Porte-neuve.
Quels sont les futurs projets d’extensions prévus?
Le plan de mobilité pour 2035 a dévoilé une flopée de projets dans le cadre de l’extension du réseau de tram. Pour pouvoir mettre en service ces portions à l’horizon 2035, le développement du réseau devrait atteindre les deux à trois kilomètres par an, soit un an de plus que durant la période 2016 à 2021. Le chantier est vaste, puisque des extensions seront ajoutées sur la ligne 1, qui relie la Cloche d’or à l’aéroport. Elles seront dirigées vers les quartiers d’envergure et les pôles d’échanges qui seront construits à l’horizon 2035 également.
Alors qu’une liaison entre Hollerich et nouveau pôle d’échanges Ouest est en projet, une deuxième ligne desservant les quartiers Laangfur et Kuebebierg, situés au Kirchberg, sera également instaurée. Une extension vers Mamer est aussi envisagée par le plan de mobilité : «Les avantages de cette ligne devront être pesés face aux inconvénients : cadence réduite par rapport au couloir de bus qu’elle remplace, arrêts deux fois plus espacés que ceux du bus, temps de parcours d’environ 35 minutes entre le futur pôle d’échanges Mamer et l’arrêt Hamilius.»