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[Expo à Neimënster] Quand l’architecture vole au secours des sans-abri


Selon Andres Lepik, l’immeuble conçu par l’architecte Michael Maltzan à Los Angeles est un exemple «iconique» du rôle que l’architecture peut jouer contre le problème du sans-abrisme. (photo Rui Henriques)

Neimënster accueille l’exposition «Who’s Next?», qui questionne le lien entre architecture et sans-abrisme, reliant l’urgence de la problématique globale à la spécificité luxembourgeoise.

Lorsque l’on parle architecture et sans-abrisme, on a tendance à penser aux dispositifs mis en place dans de nombreuses grandes villes du monde pour repousser les personnes sans domicile dont la présence serait jugée indésirable au sein de l’espace public. Des bosses en métal, boulons ou séparateurs d’espaces pour les dissuader de s’allonger, des pics pour les empêcher de s’asseoir dans la rue, voire le retrait de bancs publics sont autant de mesures qui dissimulent à peine la violence des choix politiques, en termes d’infrastructures, envers les sans-abri.

À Neimënster, centre culturel toujours fidèle à son envie de changer le regard sur les problèmes de société, l’exposition «Who’s Next? – Homelessness, Architecture and Cities» présente d’autres approches afin de souligner le rôle positif que peut jouer l’architecture face à ce souci grandissant.

Ce projet d’envergure, qui mêle photographie, recherche et action sociale, a été conçu par le musée d’Architecture de l’université technique de Munich (TUM). Son directeur, Andres Lepik, remarque : «Le sans-abrisme continue d’augmenter dans le monde, en particulier depuis la pandémie. Ce qui est contradictoire avec la volonté de l’Union européenne d’abolir ce problème d’ici 2030.»

«L’architecture, poursuit le professeur, ne compte pas forcément sur les politiques pour tenter de résoudre ce problème» entretenu principalement par l’immobilisme de nos sociétés. En trois volets, l’exposition fait ainsi le point sur la manière dont plusieurs des principales métropoles du globe font face à cette «préoccupation collective», avec un important travail d’expertise mené dans les principales villes allemandes (Berlin, Munich, Leipzig, Cologne…) par des étudiants du TUM et des «groupes de chercheurs locaux» pour le reste du monde.

«Zéro SDF» à Moscou

Los Angeles, New York, Mumbai, São Paulo, San Francisco, Shanghai, Tokyo et Moscou : «chaque ville a une approche différente» de la résolution du problème, et la vision globale permise par l’exposition vise à «nuancer le propos». Ainsi, si les sans-abri sont plus nombreux à New York (83 000 personnes de tous âges) qu’à Los Angeles (66 000 personnes), c’est dans la «Cité des Anges» que leur présence a «la plus grande densité» et, donc, est nettement plus visible.

À Tokyo, le sans-abrisme, touchant un spectre diversifié et toujours grandissant de la population, se heurte paradoxalement à un excédent de logements. Dans la capitale russe, «le nombre officiel de SDF est de zéro», indique encore Andres Lepik, puisque des «centres de travail, ou plutôt d’exploitation illégale», promettent aux personnes concernées un abri contre leurs efforts, sans aucune autre contrepartie de protection ou de sécurité sociales, tout en se félicitant de trouver là un moyen de résoudre ce qui est considéré comme «une forme de parasitisme».

Dans les salles voûtées de Neimënster, l’exposition se poursuit avec la présentation de maquettes traduisant les «réponses positives» au sans-abrisme apportées par l’architecture, soulignant en retour la manière dont cette préoccupation toujours croissante transforme l’espace urbain. Du building «iconique» conçu par l’architecte Michael Maltzan à Los Angeles à l’«expérimentation» initiée par le VinziRast de Vienne, les projets exposés ont déjà fait leurs preuves.

Ce dernier a transformé il y a dix ans un immeuble historique de la capitale autrichienne en ouvrant des logements destinés aux étudiants et aux sans-abri, et comprenant également des commerces qui offrent des emplois à ses habitants. «Le VinziRast est un modèle que beaucoup devraient suivre», affirme Andres Lepik.

Portraits luxembourgeois

La venue à Luxembourg de cette exposition présentée d’abord à Munich en 2021, puis à Hambourg et Bolzano, a été rendue possible grâce à l’engagement de Roger Faber, le président d’Inter-Actions, qui y a vu aussi «une manière de célébrer le 45e anniversaire» de l’ASBL, espérant en outre «faire avancer la discussion» du sans-abrisme au Luxembourg, où la situation immobilière semble de plus en plus hors de contrôle.

Dans son dernier volet, résolument artistique et «pas du tout misérabiliste», l’exposition présente un projet photo lancé par l’association luxembourgeoise, réalisé par le journaliste Ricardo J. Rodrigues et le photographe Marc Wilvert. Soit six portraits, déclinés pour chacun en trois photos illustrant «leur histoire, ce qu’ils imaginaient de leur vie et les endroits où ils rêvaient d’être».

Un changement d’échelle, du global au local, laissant comprendre que les modèles seraient, s’ils étaient dans les rues de Vienne ou de Los Angeles, «ceux qui vivraient dans ces immeubles». Andres Lepik met l’accent sur le caractère itinérant de l’exposition en faisant «toujours le lien avec l’endroit où elle est – et sera – présentée». De la terrible question que pose son titre découle donc une autre : «Where next?»

Jusqu’au 2 février 2025. Neimënster – Luxembourg.