De Naples à Milan, avec une cinquantaine d’œuvres, la Villa Vauban propose un nouveau voyage en Italie à travers ses plus belles villes, immortalisées par les «védutistes».
Qui n’aime pas l’Italie, les charmes de son littoral, de sa campagne et de ses villes gorgées d’Histoire ? Sûrement pas la Villa Vauban.
D’ailleurs, l’été dernier, avec «Sous une lumière dorée», elle proposait de replonger dans la peinture hollandaise du XVIIe siècle avec ces artistes néerlandais partis trouver l’inspiration dans la péninsule, qui jouissait alors d’une image idyllique, fantasmée même, comme en témoignaient de nombreuses scènes pastorales au soleil réconfortant.
Mais ce mythe de l’Arcadie allait se dégonfler, amenant les artistes à changer de point de vue : les villes, par la somptuosité de leur architecture, tant antique que moderne, allaient prendre toute la place. C’est l’objet de ce nouveau «Viaggio in Italia», idéal pour prolonger l’été jusqu’à l’automne.
Un circuit touristique qui a ses particularités : déjà, une fois n’est pas coutume, l’excursion se fait à rebours, du Sud au Nord, soit de Naples à Milan avec des haltes à Rome, Florence, Venise et même dans les villes moins réputées que sont Vérone et Udine.
Ensuite, la Villa Vauban laisse ici le volant au groupe bancaire Intesa Sanpaolo, pourvoyeur de la cinquantaine d’œuvres réunies à Luxembourg, issues de sa propre collection (éparpillée dans quatre musées).
Sur trois siècles, celles-ci racontent avant tout l’émergence du «védutisme», courant artistique qui cherche à figurer, dans un souci du détail, le paysage urbain. Ses représentants sont peu connus, en dehors d’un qui fait figure d’exception pour sa renommée acquise à travers l’Europe : Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768).
Le «Grand Tour» de l’aristocratie
Cette traversée, essentiellement picturale (les sculptures y sont rares), raconte plusieurs choses. Elle rappelle d’abord l’essor du tourisme en Italie à partir du XVIIIe siècle à travers ce que l’on nomme le «Grand Tour» : dans le sillage des artistes, l’aristocratie européenne commence à voyager dans la Botte afin de parfaire son éducation humaniste et de rapporter chez elle, en souvenir de ses différents séjours, des représentations des endroits et des monuments qu’elle a visités, comme on le ferait aujourd’hui avec les photos et les cartes postales.
Elle précise ensuite qu’à la source, il y a un peintre… hollandais : Gaspar van Wittel, installé à Rome à l’âge de 22 ans (il se fait appeler Gaspare Vanvitelli), à qui l’on doit notamment deux toiles montrant la piazza Navona et la piazza del Popolo.
Elle détaille enfin l’évolution des courants de l’époque, résumés par trois formes d’expression devenues genres à part entière : la peinture de paysage, le «capriccio» et la «veduta».
La première, réalisée en atelier ou en plein air, s’attache à montrer une nature idéalisée et harmonieuse. À ce jeu, les exemples ne manquent pas : il y a Jan Frans van Bloemen, passé maître dans l’art de représenter la campagne romaine, mais également Napoleone Parisani (et ses vues d’Ostie) ou Giacinto Gigante (avec ses illustrations oniriques de la baie de Naples et ses quartiers portuaires).
Le second, lui, appuie l’aspect imaginaire et fantaisiste de ces figurations, comme l’attestent les travaux de deux Giovanni (Ghisolfi et Paolo Panini) aux imposantes colonnes et murs écroulés, vestiges antiques symbolisant, encore aujourd’hui, la péninsule.
«Rome est infestée de badauds balourds»
Même le célèbre Canaletto, pour sa seule œuvre montrée à la Villa Vauban, se joue de la réalité avec son église gothique bordant un lagon, totalement imaginaire. À l’inverse, le dernier courant cherche l’exactitude.
Avec lui, les monuments architecturaux, les places et les rues sont reproduits avec une grande précision topographique. Luca Carlevarijs, considéré comme le premier Italien à pratiquer le «védutisme», montre ainsi Venise (où il a passé la majeure partie de sa vie) dans son jus, avec quelques escapades inspirées chez les voisines Vérone et Udine.
Plus tard, et plus à l’ouest, Carlo Canella intensifie le procédé en ayant recours à la perspective et aux jeux de lumière. Au bout, deux tableaux sur Milan, dont une vue nocturne de la «nouvelle» Galleria Vittorio Emanuele II, témoin d’une modernité qui arrive à grands pas.
Bien sûr, l’Italie ne serait pas ce qu’elle est sans ses symboles, ce qui s’observe ici et là sur les différentes toiles. À Naples, Pompéi n’est jamais bien loin. À Rome, il y a le Colisée, et à Venise, la lagune et le quartier San Marco.
Des emblèmes qui, malgré les changements et les restaurations de ces derniers siècles (que la Villa Vauban appuie avec des photos récentes), continuent, comme à l’époque, d’attirer les visiteurs.
D’ailleurs, dès 1817, Lord Byron, poète voyageur romantique, se plaignait déjà de l’affluence dans les lieux iconiques. «Rome est infestée d’Anglais, une cohue de badauds balourds», écrit-il. Oui, le charme des cités italiennes est intemporel. Ses problématiques aussi.
«Viaggio in Italia» Jusqu’au 12 octobre. Villa Vauban – Luxembourg.
Gravures de l’«Éternelle»
Histoire d’être complète, la Villa Vauban propose parallèlement une sélection de gravures présentant des plans et des vues de la capitale italienne, destination prisée depuis des siècles pour ses monuments antiques, ses mouvements artistiques et ses ouvrages architecturaux.
L’exposition «Rome, ville éternelle» offre ainsi à voir une vingtaine d’œuvres issues de la collection de Robert Betz (1866-1936), un fabricant de papier de Nuremberg, et tirées de trois séries étalées entre le XVIe siècle et le XVIIIe siècle.
La plus ancienne réunit différents graveurs qui, sur 1 000 feuillets, permettent à chaque collectionneur de composer son «guide de voyage», comprenant des monuments comme le Panthéon, la basilique Saint-Pierre, le Capitole ou encore le cirque Flaminius.
L’intérêt pour la cité s’affirme un peu plus au XVIIe siècle, notamment à travers les illustrations du Néerlandais Herman van Swanevelt.
Suivront d’autres artistes (l’architecte Giovanni Battista Piranesi) et d’autres motifs (comme le château Saint-Ange ou la Villa Borghèse), permettant au passage de saisir l’importance de l’activité graphique et éditoriale de la ville éternelle.