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[Expo] «Black Air» : le Casino entre ombre et lumière


(photo Andrés Iejona)

Esthétiquement réussie mais aux concepts complexes, «Black Air» convie différents artistes à donner consistance à l’air noir en tant qu’énergie immatérielle. Un plongeon immersif entre atomes, ondes et vides cosmiques.

En cette rentrée automnale, le Casino se met aux couleurs du temps et plonge ses espaces dans la pénombre. Un appétit pour le noir qui se retrouve jusque dans les tenues des artistes invités et leurs intentions, rappelant au passage que le musée n’en est pas à sa première du genre : pour mémoire, «Altars of Madness» (2013) sur les musiques extrêmes à guitares.

Justement, quand on plonge dans la biographie de la curatrice de «Black Air», Amelia LiCavoli, on y trouve des références au black metal. Mais ce n’est pas le sujet qui la préoccupe, plus impalpable celui-ci : l’air, et tout ce qu’il y a autour.

Le nom choisi pour l’exposition a une double signification : il fait référence à une installation réalisée en 1968 par Aldo Tambellini et Otto Piene à partir de vidéos et de pneumatiques (reconstituée au musée pour l’occasion). Mais surtout, il permet à Amelia LiCavoli de développer le concept.

Pour elle, l’«air noir» est un espace où tout est possible, sorte de Big Bang créatif, du rien au tout. Un terrain de jeu, aussi, en clair-obscur, ludique et technique, à travers lequel l’art doit d’abord se vivre, se ressentir. D’où cette proposition immersive invitant le public, comme elle l’écrit dans le dossier de presse, «à prendre conscience de l’énergie immatérielle qui traverse toute chose à tout instant».

Explosion de lumière

«Croire en ce noir, c’est expérimenter», est-il encore indiqué, chose à laquelle se plient volontiers les artistes de «Black Air», dont des pionniers comme Aldo Tambellini et Otto Piene, donc. C’est uniquement en 1968 que leur œuvre commune a été montrée à un public, au Black Gate Theater de New York exactement, lieu justement expérimental.

Le premier apporte une touche résolument vintage avec sa structure vidéo et ses projections de diapositives, comme de pellicules peintes à la main – ce qui fait préciser au musée que «l’environnement d’origine a été recomposé à partir de documents d’archives».

Le second, lui, amène une touche poétique avec une composition abstraite faite de formes florales qui s’agitent dans une douce lumière grâce à des cylindres d’air comprimé. Bref, chacun s’approprie l’air à sa façon : soit en y transmettant des signaux électriques, soit en le sculptant.

Les dessins de Hans de Wit ont aussi eu un effet magnétisant, pour une même sensation d’étrangeté. Réalisé avec des pigments colorés et du toner noir, «Radiation» s’impose de toute sa force, comme une explosion de lumière qui chercherait à quitter le papier.

Sa série «Conjunction», elle, raconte un moment de transformation, peut-être celui d’une planète inconnue, dans un graphisme que ne renierait pas un auteur de science-fiction. Pour les accompagner, une peinture d’Ibrahim R. Ineke («Static Agent»), colorée pour le coup, sur laquelle s’agite un personnage masqué. Paratonnerre en main, il semble diriger toute la scène tel un facétieux chef d’orchestre.

Radio Casino

Opposées dans la grande salle du Casino, deux autres œuvres jouent avec l’infiniment grand et l’infiniment petit. «In the Ether», de Lisa Slodki, s’articule autour de tout petits moniteurs CRT (pour Cathode Ray Tube) qui pendent au bout de leurs câbles.

Tous reliés à une structure de magnétoscopes, ils diffusent en boucle des images en noir et blanc qui font penser à un tourbillon ou à une tempête, bien que pour sa créatrice, il s’agisse plutôt de phénomènes célestes comme des éruptions solaires, des rayons cosmiques ou des éclairs de haute atmosphère.

Tant qu’à rester sur ces visions d’altitude, «Semiconductor» (le duo Ruth Jarman-Joe Gerhardt) amène le public à se connecter à l’espace, avec ses grandes cartes en relief accrochées à des feuilles noires spécialement conçues pour capter la lumière. Dessus, chaque petit trou, marqué d’un faisceau lumineux, représente l’emplacement spécifique d’une galaxie. Et tout autour, le vide cosmique, dénomination paradoxale pour Amelia LiCavoli puisqu’il est en réalité rempli d’air noir – une énergie qui, selon les astrophysiciens, représenterait 96 % de l’univers.

Toujours sous un bruit de fond lancinant et vrombissant, la visite se termine avec Max Kuiper, concepteur de petits modules de bois du plus bel effet où se mélangent, par couches, sons, projections vidéo et feuilles transparentes enveloppant divers matériaux (filets, mailles, bouts de tissu…).

Enfin, propriétaire d’une antenne et d’un émetteur FM qui se découvrent en fin de parcours, Jeff Kolar met à disposition des radios portatives qui diffuseront, à des moments choisis, des programmes créés en direct ou préenregistrés. Une autre façon, encore, d’exploiter l’espace, de l’habiter. Un message, aussi, adapté à la Nuit des musées, samedi, dans laquelle «Black Air» trouvera sûrement un écrin à sa mesure. Celui d’un évènement où l’expérience prime sur l’analyse.

«Black Air». Jusqu’au 5 janvier 2025. Casino – Luxembourg. 

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