L’ancien ministre et l’ancien chef d’état-major Alain Duschène sont accusés de «coups et blessures involontaires» en lien avec le drame survenu le 14 février 2019. François Bausch a interjeté appel.
L’alerte avait été donnée sur le coup de 10 h 30 en cette matinée ensoleillée. Au camp militaire de Waldhof, situé en pleine forêt, l’explosion d’un obus d’artillerie de 48 kg, datant de la Seconde Guerre mondiale, a provoqué la mort de deux démineurs. Ils étaient en train de manipuler l’engin explosif dans un hangar. Deux autres soldats, présents dans une autre zone du site pour charger du matériel, ont été blessés, le premier grièvement, le deuxième plus légèrement.
Le 14 février 2019 demeure une «journée très noire» pour l’armée luxembourgeoise. À l’occasion de la fête nationale, le 23 juin, le Premier ministre de l’époque, Xavier Bettel, et le Grand-Duc Henri avaient tenu à rendre hommage aux victimes de ce drame. «Ils resteront à jamais gravés dans nos mémoires», soulignait le chef du gouvernement.
Pas encore de procès en vue
L’enquête pour déterminer les circonstances de ce drame a duré près de six ans. Mercredi, la justice a rendu un premier verdict : la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg estime qu’il «existe des charges suffisantes de culpabilité pour renvoyer pour coups et blessures involontaires deux personnes devant une chambre correctionnelle». Il s’agit de l’ancien ministre de la Défense François Bausch, également en charge des Travaux publics, et de l’ancien chef d’état-major de l’armée Alain Duschène.
Le magazine en ligne Reporter.lu avait révélé dès mardi que François Bausch risquait une inculpation dans ce dossier. Dans leur article est souligné le rarissime fait que la responsabilité politique d’un (ancien) ministre entraîne des poursuites judiciaires. Aussi bien Alain Duschène que François Bausch ne sont pas poursuivis pour la mort des deux sous-officiers. Selon nos confrères, les deux prévenus sont mis en cause pour l’état délabré du camp militaire, servant de base pour le Service de déminage de l’armée luxembourgeoise (Sedal). Des chaussées en mauvais état et la présence de câbles électriques en surface auraient entraîné des failles de sécurité, ayant potentiellement contribué à l’accident.
La présomption d’innocence prévaut
François Bausch occupait depuis 2013 le poste de ministre en charge des Travaux publics. Au moment du drame, il assumait depuis deux mois à peine la fonction de ministre de la Défense. Alain Duschène était chef d’état-major de l’armée entre 2017 et 2020. Selon Reporter.lu, l’ancien général était ciblé dès le départ par les enquêteurs, au contraire du ministre de déi gréng.
Dans un bref communiqué, transmis jeudi à la presse, l’avocat de François Bausch souligne que lui et son client ne partagent «d’aucune manière le raisonnement, ni en droit, ni en fait» des juges. Un appel est interjeté. «En l’état actuel Monsieur Bausch n’entend pas s’exprimer davantage dans le contexte de ce dramatique accident», ajoute Me André Lutgen.
La tenue d’un procès devant une chambre correctionnelle n’est donc pas encore acquise. Il n’est pas encore connu si Alain Duschène fera aussi appel de la décision. Le délai pour le faire est de cinq jours.
Deux commandants bénéficient d’un non-lieu
Deux commandants, qui occupaient les postes de chef de section et chef de bureau du Sedal au moment des faits, ont bénéficié d’un non-lieu. Le parquet avait demandé leur relaxe au moment de saisir la chambre du conseil.
La chambre du conseil rappelle que «la notion de charges suffisantes ne préjuge en rien à celle de culpabilité. Il s’ensuit que même en cas de renvoi, chaque prévenu bénéficie de la présomption d’innocence jusqu’à une condamnation définitive».
La rénovation du camp chiffrée à 81,5 millions d’euros
Encore déposé par l’ancien ministre François Bausch, le projet de loi visant à moderniser le camp de Waldhof a finalement été adopté le 25 mai 2024 par la Chambre des députés.
Yuriko Backes qui a repris, en novembre 2023, les portefeuilles de la Défense et des Travaux publics, n’a pas caché devant les députés que le site ne répondait plus aux besoins fonctionnels d’une armée moderne, aux exigences légales qui s’imposent en matière de sécurité et de santé au travail et aux standards de l’OTAN en termes de gestion et de stockage de munitions.
L’État investit 81,5 millions d’euros dans ces travaux de réaménagement.