Accueil | A la Une | Exclusion d’un journaliste du Quotidien d’un point presse : pour Paul Philipp, la FLF a raison sur tout ! 

Exclusion d’un journaliste du Quotidien d’un point presse : pour Paul Philipp, la FLF a raison sur tout ! 


Au fil d’une interview glaçante chez nos confrères de RTL, le président de la fédération a mis l’intégralité des problèmes du moment sur le dos du Quotidien. À l’en croire, sa gestion, elle, est impeccable.

«Un petit incident». C’est comme ça que Paul Philipp, mercredi, lors d’une interview lunaire sur RTL, a caractérisé le fait que son sélectionneur ait décidé unilatéralement, sans vraiment en référer à qui que ce soit et juste en en avertissant in fine son grand patron, d’interdire un point presse à un journaliste, à trois jours d’un match international. On ne savait pas que ce genre de prérogative faisait partie du contrat du sélectionneur, qui peut donc faire ce qu’il veut, quand il veut et se retrouver couvert par sa hiérarchie…

L’avantage de cette prise de parole de Paul Philipp, dans l’après-midi, après 36 heures d’une crise d’une rare violence, est qu’elle nous aide enfin à mieux cerner la façon dont des décisions aussi lourdes de sens se prennent, à Mondercange. Le président de la fédération est en voiture, en train de revenir d’un match de barrage, raconte-t-il, quand son juriste – décrété depuis plus de 20 ans responsable de la presse à son corps défendant –, l’appelle pour lui transmettre l’information selon laquelle Luc Holtz interdit à un journaliste de faire son travail. Voilà, c’est tout. Brossage des dents et au lit.

Aucun mea culpa, bien au contraire

Depuis, la direction d’Editpress et la rédaction en chef du Quotidien ont essayé de joindre l’homme fort du football luxembourgeois, ne serait-ce que pour obtenir ces explications, ou au moins une ébauche de dialogue. Pour savoir, finalement, ce qu’il en pense, de cette façon de procéder de son entraîneur principal, vitrine de son secteur sportif. Après dix minutes d’interview, on sait juste que «la FLF n’a aucun problème avec la critique et qu’elle sait l’importance de la presse». Mais pas plus que pour le cas Gerson Rodrigues ne tombera de la bouche du patron de la plus grosse fédération du pays l’ombre d’un mea culpa sur le fond ou la forme puisqu’il l’assure : c’est uniquement la faute du journaliste.

Selon Paul Philipp, un homme de presse est en faute, et seulement lui, quand il n’assiste pas à la conférence de presse d’annonce de liste dans laquelle a été évacuée la pertinence de la présence de Gerson Rodrigues en… une phrase, et pas prononcée par lui. Sans communication officielle préalable. Sans argumentation. Sans présence de l’autorité morale de l’institution, sur un sujet devenu aussi grave que celui des violences faites aux femmes. Voilà résumée la ligne de défense de la FLF : si, il y a eu un communiqué. Une phrase.

Pourtant, elle n’est pas nouvelle pour nous et personne n’avait besoin d’être à cette conférence de presse pour recevoir la bonne parole : cette phrase, nous l’avions déjà publiée, dans ces pages, à l’issue de la finale de la Coupe du Prince, avant laquelle le président nous avait gratifiés de sa façon de voir les choses. Paul Philipp a donc tout faux, ce Quotidien si mal intentionné avait déjà fait état de la «prise de position» dès le 1er mai. En fait, si notre journal insiste tant, c’est parce que cela lui semble tout aussi insuffisant qu’à tous ceux qui critiquent aujourd’hui la FLF.

Nous n’étions pas au courant de cette mise à l’écart d’un journaliste

Mais quand le Quotidien assure qu’on attend encore une prise de parole forte alors qu’un large pan de la société civile est vent debout, on lui reproche d’attiser les braises. Comme si la société civile dans son ensemble était abonnée à notre titre et ne vivait que par lui sans chercher à se renseigner chez des confrères qui, eux non plus, ne comprennent pas. Comme si seul notre média critiquait l’absence de débat autour de la présence de Gerson Rodrigues dans la liste des vingt-quatre. Comme si les citoyens luxembourgeois n’étaient pas capables de se faire eux-mêmes une opinion arrêtée sur la façon dont Luc Holtz a choisi de sélectionner le meilleur buteur de l’histoire.

C’est la FLF qui ne protège pas Gerson

Revenons au communiqué officiel, donc, puisque cette figure écrasante du football luxembourgeois qu’est Paul Philipp a le mérite de savoir manier les raccourcis. L’argument est simple («simpliste» serait sans doute trop critique?) : «On ne veut pas infliger une double peine à Gerson.» Puisque Paul Philipp parle de «lynchage en place publique», d’«acharnement», réitérons de manière la plus minimaliste possible nos écrits des dernières semaines : Le Quotidien, pas plus que la FLF ou Luc Holtz, ne souhaite s’ériger en juge de Gerson Rodrigues. Le Quotidien ne demande pas qu’il ne joue pas, ou plus, pour le Luxembourg. Le Quotidien demande seulement que les responsables du football grand-ducal prennent leurs responsabilités en répondant aux associations, supporters, politiques qui eux demandent des comptes sans avoir de carte de presse et à qui l’on refuserait sûrement le droit de venir poser des questions aux points presse de Lipperscheid. Par contre, oui, Le Quotidien a envie de commencer à accuser la FLF et son sélectionneur, justement, de ne pas protéger le joueur et de l’exposer.

Ceci étant dit, il y a plus gênant. La critique, après cette véritable mise à l’index d’un journaliste, ne vient plus seulement de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur. Et plusieurs membres du Conseil d’administration sont fous furieux de la situation. Déjà interpellé sur la question de manière extrêmement véhémente la semaine dernière par l’un des membres du CA, Paul Philipp peut commencer à s’attendre à une déferlante de critiques des membres élus par les clubs, en session de mercredi prochain. «Nous n’étions pas au courant de cette mise à l’écart d’un journaliste, martèle l’un. Personne ne nous a mis au courant. Pas plus que nous ne savions que Paul Philipp allait prendre la parole sur RTL. Ou même qu’on nous a demandé notre avis sur la réintégration de Gerson Rodrigues. On a juste reçu un mail, le 22 mai, pour nous en avertir. Dans les statuts, il est écrit que le président représente le CA, mais dans les faits, on n’est consulté sur rien et ces façons de faire ne sont plus tolérables.» Bref, il y a le feu, et le pompier souffle sur les braises.