La 9e journée mondiale du droit à mourir dans la dignité s’est tenue mercredi. L’ADMDL a rappelé à cette occasion les freins qui contrarient l’application de la loi de 2009.
Véronique Hammes, vice-présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité – Lëtzebuerg (ADMDL), fustige un manque d’information sur le droit à l’euthanasie.
Quelle est la place de l’euthanasie au Luxembourg ?
Véronique Hammes : La loi du 16 mars 2009 dépénalise l’euthanasie, sous des conditions précises : le patient doit être en fin de vie, touché par une maladie incurable et irréversible. Le médecin a le droit d’accepter ou de refuser l’acte, au nom de son éthique personnel. Le patient doit alors s’adresser à un autre médecin. En revanche, une fois que les conditions sont remplies et que le praticien s’est déclaré en faveur de l’acte, aucune structure ne peut l’empêcher : ni un hôpital, ni une clinique privée, ni une maison de retraite.
Sept ans après l’entrée en vigueur de cette loi, où en est-on sur le terrain ?
Très peu d’euthanasies sont pratiquées au Grand-Duché : moins de dix par an. Nous constatons une faible augmentation malgré tout. Nous constatons aussi une fuite des patients vers la Belgique. Cela montre bien le poids moral que l’on fait encore peser sur l’euthanasie chez nous… car les Belges ont adopté une loi sensiblement égale à la nôtre! L’euthanasie est trop souvent assimilée au fait de « donner la mort », plutôt qu’au fait de sauvegarder la dignité humaine.
Les freins à l’euthanasie sont donc uniquement moraux ?
Notre ASBL est la seule qui défend l’euthanasie. Nous avons pesé de tout notre poids lors du débat sur la loi. Mais nous nous heurtons encore aux religions et même à des associations qui ne militent que pour les soins palliatifs. Alors que nous devrions être sur la même longueur d’onde : ce n’est pas parce qu’on est pour l’euthanasie que l’on est contre les soins palliatifs, et inversement. Je le répète, l’idée centrale est de sauvegarder la dignité humaine.
On l’entend… mais le faible nombre de « candidats » à l’euthanasie montre qu’il y a peut-être des réticences qui dépassent vos débats politiques.
Il y a surtout un problème d’information. Des patients, d’abord. Des médecins, ensuite. De nombreux praticiens ont tendance à ne pas connaître la loi, ou à faire semblant de l’ignorer. À tel point que nous avions fait éditer des brochures en 2011, qui ont été distribuées jusqu’aux dentistes! Résultat, à l’heure actuelle, la sédation palliative est la règle et l’euthanasie la rare exception. Cette situation est révoltante : la sédation se fait semaine après semaine, dose de morphine après dose de morphine, avec des patients qui n’ont souvent plus leur esprit pour décider de leur propre vie. Des gens qui ont toujours mené une vie digne se retrouvent hagard, en couche, incapables de se laver et de se nourrir eux-mêmes. L’auraient-ils vraiment voulu? Cette situation est moins encadrée que la loi de 2009, qui prévoit des conditions précises d’euthanasie.
L’encadrement du choix du patient, reparlons-en.
La décision d’euthanasie peut être accordée très vite, d’une semaine à l’autre. Mais elle est toujours encadrée. Il faut tout d’abord l’avis concordant de deux médecins sur la situation. Les encadrants du quotidien peuvent par ailleurs donner leur avis. Au final, une commission d’évaluation rend sa décision. Elle ne juge jamais les médecins mais la situation objective.
Comment jugez-vous l’euthanasie au Luxembourg par rapport aux pays voisins ?
Nous ne sommes pas loin des Pays-Bas, pionnier européen de l’euthanasie dès 2001. Mais il faut bien le dire, la situation dégénère quelque peu là-bas : un commerce de la mort s’installe parfois, tout comme en Belgique d’ailleurs, avec des listes officieuses de médecins qui acceptent de pratiquer l’euthanasie, et des dessous-de-table inacceptables. Au Luxembourg, nous en sommes encore aux prémices. D’où notre appel récurrent au Collège médical : acceptez de pratiquer l’euthanasie lorsqu’elle est demandée, sinon, tôt ou tard, nous aurons des médecins étrangers qui s’installeront au Luxembourg en se positionnant sur ce qu’ils considèreront comme un business.
Un dernier mot sur l’association : outre votre action sur le terrain politique, vous accompagnez les particuliers ?
Oui, nous allons même franchir un cap, avec l’embauche éventuelle d’un psychologue pour accompagner les familles et les proches. À part ça, notre association repose entièrement sur le bénévolat. Notre travail d’information nous occupe par ailleurs beaucoup. Nous pouvons même nous déplacer dans les villages, dès qu’un auditoire d’une dizaine de personnes est constitué.
Entretien réalisé par Hubert Gamelon