« Effacer la mémoire de 2004 », oublier ces larmes après cette finale maudite face à la Grèce à Lisbonne : les supporters portugais espèrent qu’une victoire dimanche en finale de l’Euro-2016 leur permettra de surmonter ce traumatisme, et prendre enfin leur revanche sur la France, bête noire de la Selecçao depuis 1984.
« Il faut effacer la mémoire de 2004, car c’était un moment très très triste », confie Joao Soares, un retraité de 70 ans qui assistait à Lisbonne à la deuxième demi-finale de l’Euro-2016, remportée jeudi soir par la France contre l’Allemagne (2-0). Il y a douze ans, cet ancien ouvrier du bâtiment s’était laissé emporter par l’élan patriotique qui s’était emparé de tout un peuple féru de ballon rond à l’occasion de « son » Euro. Il avait même accroché le drapeau portugais à sa fenêtre comme l’avait demandé le sélectionneur de l’époque, le Brésilien Luiz Felipe Scolari.
« Cette fois la Selecçao a raté ses débuts (un nul décevant face à l’Islande), donc j’ai renoncé à accrocher mon drapeau », avoue-t-il. « Mais je crois à une victoire du Portugal, la France ce n’est que du bluff. » Comme la plupart des fans rassemblés devant l’écran géant d’une des deux fan zones installées dans la capitale portugaise, Joao Soares préférait affronter la France plutôt que l’Allemagne.
Esprit de revanche
« Nous avons une revanche à prendre depuis ce damné but de Platini », dit-il en se rappelant de cette demi-finale de l’Euro-84, joué aussi en France, où les Bleus ont éliminé le Portugal grâce à un but du meneur de jeu français à une minute de la fin de la prolongation. Depuis, les Lusitaniens ont de nouveau échoué aux pieds de la France en demi-finales de l’Euro-2000 et du Mondial-2006.
Pour Catarina Cruz, la qualification française a pourtant été synonyme de soulagement : « Maintenant je suis encore plus sûre qu’on va gagner dimanche! » « La France a eu de la chance d’obtenir un pénalty alors qu’elle était complètement dominée », fait valoir la supportrice de 36 ans, en se remémorant l’humiliante défaite (4-0), plus récente, infligée au Portugal par l’Allemagne au Mondial-2014 qu’elle a fini par remporter.
« Ce serait génial de gagner l’Euro, pour oublier ce sentiment de frustration qui persiste depuis 2004 mais qui vient aussi de ces années de crise que le pays a connues récemment », poursuit la sociologue. « Il y en a marre d’échouer tout près du but. Il faut qu’on adopte l’esprit de Cristiano Ronaldo, un esprit de vainqueur. Il y a douze ans, le Portugal affichait un football plus enthousiasmant, mais maintenant c’est le résultat qui compte », conclut-elle.
« La Grèce des Français »
Gardant un œil sur le match France-Allemagne pendant qu’il tape dans un ballon avec ses copains, Pedro Far estime que « le Portugal n’aurait jamais été favori » pour la finale. Le jeune homme de 21 ans reste cependant optimiste. « En 2004, le Portugal était favori et on a perdu. Peut-être que nous serons la Grèce des Français », lâche-t-il avec un sourire malicieux. Ce supporter du Benfica n’était qu’un enfant lors de cette finale disputée dans l’ambiance survoltée du Estadio da Luz, mais ses souvenirs restent vifs : « J’ai pleuré comme une madeleine. Les attentes étaient tellement élevées… »
« C’est une tache sur l’histoire de la Selecçao », se lamente également Mario Familia, un informaticien de 53 ans. « Cette fois on va y arriver, car les joueurs ont un esprit de groupe encore plus fort qu’en 2004. Ils sont plus humbles, y compris Cristiano Ronaldo car il sait que c’est probablement sa dernière occasion de gagner un Euro », dit-il. « C’est vrai qu’on a jamais eu de chance avec les Français, ajoute-t-il, mais comme ça on va pouvoir régler plusieurs comptes d’un seul coup ! »
Le Quotidien/AFP