Récemment implantée dans le nord du pays, la Stëmm vun der Strooss a lancé il y a plus de sept mois Dr Stëmm, un service de consultations médicales gratuites qui espère aider davantage de patients.
Il y a deux ans, l’ASBL Stëmm vun der Strooss a installé son troisième restaurant social à Ettelbruck, juste en face de la gare. À l’instar des deux autres restaurants d’Esch-sur-Alzette et de Luxembourg-Hollerich, celui du nord du pays fait plus que proposer des repas à 50 centimes. C’est aussi l’occasion de bénéficier d’autres services sociaux tels que Dr Stëmm, qui propose des consultations médicales gratuites chaque mardi de 13 h à 16 h. Déjà présent le mercredi à Hollerich depuis 2013, le service de consultations a été lancé à Ettelbruck le 21 novembre dernier.
Alors qu’en moyenne 130 personnes bénéficient quotidiennement du restaurant du Nord, Dr Stëmm reste méconnu. «En avril, mai et juin, il y a eu 68 rendez-vous à Ettelbruck, donc entre 20 et 25 par mois», détaille Bob Ritz, chargé de la communication de l’ASBL. «Ce n’est pas encore assez connu, les gens ne sont pas habitués», regrette-t-il. Bien que le service de Hollerich soit plus ancien, il n’est pas fréquenté davantage, puisque, en 2023, 210 consultations y ont été réalisées par la Stëmm, soit environ 17 par mois.
«Redonner de la dignité aux gens»
À Ettelbruck, tout se passe pourtant à deux pas du restaurant social au 2A, avenue Lucien-Salentiny, dans les locaux de la Ligue médico-sociale. Chaque mardi, la Ligue prête l’un de ses cabinets à l’un des huit médecins et deux infirmières bénévoles de l’ASBL tels que le Dr Müller et l’infirmière Diane Gleis.
Tous deux à la retraite, ils continuent pourtant d’exercer avec plaisir pour la Stëmm. «Je crois que c’est important d’avoir du cœur pour des gens qui n’ont pas tellement de chance», confie le Dr Müller. Diane Gleis, elle, se réjouit de «pouvoir redonner de la dignité aux gens». «Si je devais retravailler, ce serait plutôt dans le social maintenant», ajoute-t-elle après sept mois de bénévolat pour Dr Stëmm.
L’investissement du Rotary
Si le service Dr Stëmm d’Ettelbruck peut compter sur dix soignants, contre quatre à Hollerich, c’est grâce au Rotary Club Diekirch-Ettelbruck. À la suite d’une conférence d’Alexandra Oxacelay, la directrice de la Stëmm vun der Strooss, les rotariens Dr Müller et Dr Grunig ont décidé de s’investir afin de donner des consultations gratuites. Grâce à leurs contacts, ces deux médecins ont trouvé les locaux auprès de la Ligue et ont composé une équipe de dix rotariens et praticiens de renom. «Ce sont des médecins chez qui il y avait trois mois d’attente quand ils exerçaient», se félicite Francesco Settanni, responsable du site de la Stëmm à Ettelbruck.
Pour le Dr Müller, c’est aussi l’occasion de mettre la lumière sur le Rotary, car «les gens connaissent très mal notre mouvement et disent que ce sont des riches qui donnent beaucoup d’argent». «Effectivement, nous voulions donner de l’argent, mais aussi être sur le terrain, et être ici nous coûte beaucoup plus.»
Chaque médecin ayant sa spécialité (urologue, généraliste, chirurgien, ophtalmologue, interniste), cela permet de traiter tous les motifs de consultation. «On fait de tout. On prend des patients qui ont des problèmes de psychose, des maladies chroniques, des problèmes cutanés ou d’abcès dus à l’injection», énumère le responsable de l’antenne locale. «Mais on ne s’occupe pas des problèmes de drogue. Tout ce qui est médicaments comme la méthadone, les benzodiazépines, on ne l’adresse pas ici. Parce que souvent les toxicomanes veulent venir pour avoir ces médicaments.» Pour les problèmes de toxicomanie, la Stëmm redirige les personnes vers la Fondation Jugend- an Drogenhëllef.
«On crée du lien»
Diane Gleis constate également que nombreux sont ceux qui viennent pour bénéficier d’une ordonnance gratuite en raison de difficultés financières. «La plupart de ceux qui viennent n’ont pas de caisse de maladie ou ont un faible revenu», raconte Francesco Settanni, dont l’association caritative participe au projet pilote CUSS (lire ci-contre), qui finance les médicaments. Parmi les patients, la moitié est originaire du Nord, selon les médecins, et «les autres sont des sans-abri, des réfugiés ou des toxicomanes».
Tandis que certains arrivent parfois avec leurs enfants, d’autres viennent simplement chercher une oreille bienveillante auprès du service Dr Stëmm. «Certains viennent plus pour se faire écouter que pour un rhume, parfois ils n’ont pas grand-chose», remarque l’infirmière. Comme au restaurant social, des patients ont du mal à quitter les lieux et reviennent régulièrement discuter au détour d’une consultation. «On crée du lien», se réjouit l’infirmière, qui a reçu la visite d’un patient tout sourire venu annoncer que sa main, pour laquelle il avait consulté deux heures avant, n’était pas cassée. «Il aurait pu continuer sa vie sans nous le dire, mais il est venu : c’est comme un merci pour nous.»
En octobre prochain, une première évaluation globale sera effectuée après un an d’activité du service. Bien que l’affluence ne soit pas encore au niveau attendu, toujours est-il que les soins médicaux gratuits sont les bienvenus pour le petit nombre qui en profite déjà. Surtout dans le Nord, une région qui «a toujours été un peu réticente pour tous les services sociaux, à ce qu’il y ait un restaurant social ou un centre d’échange de seringue par exemple», confie le responsable local de la Stëmm.
Des médicaments gratuits grâce à la CUSS
Si les consultations de Dr Stëmm sont gratuites, c’est grâce à l’engagement bénévole du corps médical. Pour ce qui est des médicaments prescrits sur ordonnance par le médecin, l’ASBL s’appuie sur un partenariat avec la pharmacie Petry à Ettelbruck, qui lui propose des tarifs réduits et qui lui facture les médicaments retirés par les patients. Puis, c’est la Stëmm qui règle la note grâce à la couverture universelle des soins de santé (CUSS).
Ce projet pilote du ministère de la Santé est mené en collaboration avec le ministère de la Sécurité sociale, la CNS et cinq associations : Médecins du monde (qui appelle de ses vœux une base légale pour la CUSS, lire notre édition d’hier), Jugend- an Drogenhëllef, CNDS, Croix-Rouge et la Stëmm vun der Strooss. «C’est une caisse maladie volontaire, si on veut la simplifier», explique Francesco Settanni.
Concrètement, l’association paie les cotisations auprès du Centre commun de la sécurité sociale (CCSS) ainsi que l’intégralité des factures médicales et une fois une période de carence de trois mois arrivée à son terme, elle peut demander un remboursement des frais médicaux à la CNS selon un budget défini.
Cependant, la Stëmm craint que le montant qui lui est alloué soit d’ores et déjà dépassé : «C’est un projet pilote qui a débordé, je pense que l’on a épuisé le budget.» Régulièrement confrontés à de «nouveaux arrivages de patients», les travailleurs sociaux souhaitent que ce projet pilote soit poursuivi et son budget augmenté.