Les conventions signées entre l’État et les six cultes du pays ont été approuvées par la majorité à la Chambre. Le Premier ministre refuse de parler de révolution.
Le vote de ces conventions, qui fixent le niveau de financement étatique de chacun des six cultes, s’inscrit dans la volonté gouvernementale de séparation entre État et cultes. Le vote est historique, mais ne doit en aucun cas être considéré comme une révolution, selon le Premier ministre et ministre des Cultes, Xavier Bettel. «Il s’agit d’une évolution et non d’une révolution» , a-t-il dit au terme des débats qui se sont tenus mercredi au Parlement.
S’il ne s’agit pas de révolution, les six différentes lois qui ont été votées, une pour chaque culte concerné, sont un point central de la vision de réorganisation réformatrice de Xavier Bettel en ce qui concerne les relations entre les communautés religieuses et l’État. Et un pas de plus vers un État luxembourgeois complètement laïque. «Ce vote important traduit une volonté de s’adapter aux réalités d’une société moderne et consacre l’indépendance, l’autonomie et la neutralité de l’État» , s’est encore félicité le chef du gouvernement.
Le CSV attaque sur la forme, pas sur le fond
Les députés de l’opposition, dont ceux du Parti chrétien-social, n’étaient pas forcément sur la même ligne, bien qu’ils se soient surtout attachés à critiquer «la manière de faire» pour arriver à la signature de ces conventions, en 2015.
Gilles Roth a évoqué une sorte de politique du chantage du ministre des Cultes, qui aurait forcé les représentants des six cultes en question à signer. «Xavier Bettel a fait sauter la quatrième question qu’il était prévu de poser au référendum du 7 juin 2015 et forcé les représentants des cultes à signer des conventions imposées par lui-même» , a-t-il dénoncé.
La 4e question de la consultation populaire interrogeait le peuple sur le financement des cultes («l’État devrait-il continuer à payer les salaires et pensions de ministres des cultes?»). Selon l’ADR de Gast Gibéryen, l’Église catholique s’est alors sentie «victime d’un chantage» et aurait accepté, selon cette logique, de signer sa convention. «Personne n’a été forcé de signer quoi que ce soit, tout le monde était libre» , a rétorqué le ministre des Cultes, indigné.
Mais le Parti chrétien-social ne s’arrêtera pas à ce point d’accusation. Le député Gilles Roth y est allé d’un long plaidoyer visant à remettre en question toutes les conventions, parce qu’elles ne seraient «pas valables d’un point de vue juridique» . Pour argumenter son propos, le chrétien-social brandit le concordat de 1801, signé entre Bonaparte et le Saint-Siège. «Les conventions ne sont pas conformes au Concordat qui est encore valable pour le Luxembourg, puisque qu’il est encore en vigueur en Lorraine» , avance-t-il.
Et l’Église de scientologie?
Irrité par le raisonnement, le chef de la fraction socialiste, Alex Bodry, lui répond sèchement. «En tant que Premier ministre, Jean-Claude Juncker, qui est de votre parti (CSV), a toujours affirmé que le Concordat avec le Vatican était caduc!» Le député socialiste a la mémoire fraîche et il le prouvera, une fois de plus, dans son intervention suivante : «Le CSV pense, à bon escient, nous attaquer sur la forme. Car sur le fond, il oublie délibérément d’évoquer tous les privilèges dont a bénéficié l’Église catholique durant des décennies! Sans parler de toute l’opacité entourant le financement de l’Église catholique et de ses connivences avec les milieux politiques au pouvoir» , dont le CSV, donc.
Il n’en fallait pas plus pour calmer les ardeurs des chrétiens-sociaux qui ont naturellement voté contre cette réorganisation des relations entre l’État et les communautés religieuses. Quant à l’ADR, il s’est interrogé sur l’absence de convention avec l’Église de scientologie et a prôné un système de financement des cultes par le biais des déclarations d’impôts.
Claude Damiani
Les montants des subsides
Les conventions signées en janvier 2015 fixent un soutien financier annuel pour chaque communauté, en sachant que ces enveloppes budgétaires diminueront graduellement.
›Au total, le soutien financier de l’État aux communautés religieuses passera de 24,6 à 8,3 millions d’euros.
›6,75 millions sont réservés à l’Église catholique (contre 23,72 millions d’euros actuellement).
›La communauté israélite touchera 315 000 euros.
›L’Église anglicane touchera 125 000 euros.
›L’Église orthodoxe touchera 285 000 euros.
›l’Église protestante touchera 450 000 euros.
›La communauté musulmane se verra octroyer 450 000 euros annuellement. Il s’agit d’une première.
Très bonne chose.