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État d’urgence : empêcher les abus au Luxembourg


La Commission consultative des droits de l'homme, présidée par Gilbert Pregno, rejoint les craintes desmagistrats concernant le projet de loi réformant la police grand-ducale et installant une police administrative. (Photo : Archives LQ)

En France, l’état d’urgence a permis l’adoption de mesures de police administrative qui ont été massivement utilisées. La CCDH ne veut pas de ça au Grand-Duché.

La Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) a rendu mardi son avis sur le projet de loi réformant la police grand-ducale et installant une police administrative à l’instar de nos voisins belges et français. Mais le texte du projet de loi manque cruellement de précisions alors qu’il maltraite les droits et les libertés individuelles.

Le durcissement des mesures de sécurité, qui se traduit immanquablement par un renforcement du pouvoir policier, ne fait traditionnellement pas bon ménage avec les droits de l’homme. C’est ce qu’a encore prouvé hier la Commission consultative des droits de l’homme, (CCDH), présidée par Gilbert Pregno, en critiquant le projet de réforme de la police grand-ducale et exclusivement en ce qui concerne la police administrative.

Comme en France et en Belgique, le Grand-Duché s’est lui aussi donné les possibilités d’intervenir en cas de menace imminente avec des mesures de police administrative qui incluent l’établissement d’un périmètre de sécurité, le contrôle d’identité, la mise en détention administrative, la fouille des véhicules, la fouille de bâtiments et de leurs annexes, la fermeture temporaire d’établissements commerciaux ou encore la saisie d’objets, de substances et d’animaux qui présentent un danger grave.

Le texte déposé par Étienne Schneider en août 2016 a déjà fait l’objet de nombreuses critiques au sein de la société civile notamment, alors que d’autres l’ont éreinté comme les parquets généraux (Luxembourg et Diekirch) et le cabinet d’instruction qui dans leurs avis sur le projet de loi insistent pour que ces mesures, «qui sont de nature à porter à des degrés différents atteinte aux droits et libertés individuelles», obéissent «à des conditions strictes prévues par la loi», notaient-ils.

La CCDH, sans surprise, rejoint les craintes des magistrats. Elle souligne que dans un État de droit «toute ingérence dans les droits et libertés fondamentales d’une personne doit impérativement être prise sur une base légale et respecter les principes de nécessité et de proportionnalité». Il faut une loi très précise et la CCDH ne l’a pas vue ainsi. Les dispositions ne sont pas rédigées «avec la clarté et la précision nécessaires afin d’éviter des interprétations subjectives et possiblement discriminatoires», note la CCDH dans son avis.

En ce qui concerne les contrôles d’identité, par exemple, la CCDH se réfère à un avis de son homologue française, et comme elle, préconise la mise en place d’un système de traçabilité des contrôles d’identité «afin de garantir un contrôle juridictionnel effectif et dans ce cadre, de prévoir la possibilité pour la personne concernée d’obtenir un document attestant de ce contrôle si elle en fait la demande».

Idem pour les fouilles des véhicules. Mais là se pose encore la question des conditions de la fouille des véhicules qui font aussi office d’habitation et utilisés comme résidence. «Ces véhicules sont à assimiler au domicile et leur fouille ne peut par conséquent être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et visites domiciliaires dans le respect du code d’instruction criminel», rappelle la CCDH en invitant les auteurs «à pallier cet oubli».

Des données maltraitées ?

Au chapitre du traitement des données à caractère personnel, la CCDH émet de sérieux doutes quant à l’efficacité de «l’autorité de contrôle» instituée depuis 2002 et qui se compose de deux membres de la Commission nationale de la protection des données et du procureur général d’État. «Elle ne dispose pas de son propre budget et dans ses rapports annuels, elle souligne régulièrement le manque de moyens financiers et de personnel. Par ailleurs, cette autorité ne semble pas avoir de vrais pouvoirs de sanction en cas de violation de la loi et il n’est pas non plus garanti que les recommandations qu’elle fait doivent être suivies», regrette la CCDH.

Elle conclut sur ce chapitre de la protection des données à «un manque de volonté politique en ce qui concerne le contrôle efficace du respect des conditions d’accès prévues par le présent projet de loi». C’est un aspect capital alors qu’il est prévu dans le texte que «les données à caractère personnel consultées doivent avoir un lien direct avec les faits ayant motivé la consultation. Seules les données à caractère personnel strictement nécessaires, dans le respect du principe de proportionnalité, peuvent être consultées». Ceci demande effectivement à être strictement contrôlé.

Dans le même ordre d’idées, la CCDH «exige que les empreintes digitales et photographies prises dans le cadre des vérifications d’identité et non utiles par la suite soient détruites».L’examen du projet de loi est toujours à l’étude en commission de la Force publique qui n’a pas repris le texte depuis le mois de décembre dernier selon les informations du site de la Chambre.

Geneviève Montaigu