Envahisseur redoutable sous ses allures de belle plante, prisée des aquariophiles, cette espèce invasive colonise des plans d’eau de l’Ain, région touristique et piscicole au millier d’étangs.
Introduit par l’homme dans le monde entier pour décorer les aquariums ou comme plante de jardin – en France, il y a plus d’un siècle dans le Bordelais -, le myriophylle du Brésil (Myriophyllum aquaticum) « est une plante hautement invasive, très consommatrice d’oxygène, au détriment des poissons et de toute la biodiversité », explique Jean-Louis Favier, président du SBVR (Syndicat du bassin versant de la Reyssouze – un affluent de la Saône).
« Les poissons peuvent aussi se retrouver prisonniers des herbiers de myriophylles ». Cette plante envahissante, qui affectionne les eaux stagnantes bien ensoleillées, lacs, étangs, retenues de moulins, est dotée d’un fort pouvoir d’adaptation et de reproduction, par bouturage.
«Quand on l’arrache, s’il subsiste dans l’eau un seul « entre-noeud » (petit morceau de tige), ça repousse». Sa commercialisation est interdite… mais on peut la commander sur internet.
« On ignore comment elle est arrivée dans l’Ain. Mais, ensuite, il suffit d’un héron ou d’un ragondin qui la transporte d’un plan d’eau à un autre pour qu’elle colonise un milieu aquatique », poursuit-il.
Cet envahisseur originaire d’Amérique latine peut aussi être dispersé par la vidange d’un aquarium dans la nature, les semelles de promeneurs, une barque, des terres végétales contaminées pour aménager un terrain… Et le mal est fait !
«Un an après, c’est une explosion»
Les priorités ? Informer les populations et les pouvoirs publics du danger. Freiner son expansion et tenter de l’éradiquer.
Sur l’étang proche de la commune de Viriat, en Bresse, où il a été repéré pour la première fois dans l’Ain en 2017, le myriophylle a fait l’objet l’an dernier d’un arrachage mécanique avec pelle amphibie.
« On en a enlevé 40 tonnes (poids sec) traitées en décharge spécialisée. Nous pensions avoir été efficace… Un an après, c’est une explosion, la plante recouvre tout ce plan d’eau de 7.000 mètres carrés malgré deux autres campagnes d’arrachage, manuel cette fois », déplore M. Favier.
Aujourd’hui, rebelote. Une dizaine de jeunes venus de Corée du Sud, du Mexique, de Russie, de République tchèque, d’Italie, d’Espagne et… de Nantes participent à un nouvel arrachage manuel dans le cadre d’un programme « Nomade » (Erasmus+), financé en partie par l’Union européenne.
Si les éclats de rire sont au rendez-vous, la tâche s’avère difficile pour les apprentis « déracineurs ». Pas évident de déloger depuis leurs petites barques l’indésirable aux longues racines chevelues entremêlées. Il faut ensuite charrier en brouette cette nuisible pour la recouvrir de chaux vive.
Le spectre d’une propagation
« Malgré la chaux, il y a déjà des repousses. Il a plu et cela a suffi à faire repartir la plante, même hors de l’étang », remarque Dimitri Mercier, chargé de mission Rivière du SBVR. « C’est pourquoi la problématique des déchets, après arrachage, est compliquée ».
On pourrait en faire du compost mais les agriculteurs sont réticents. « Quant aux décharges, elles considèrent la plante comme un déchet ultime et le coût du traitement est élevé », relève le jeune diplômé en ingénierie écologique de l’université de Montpellier.
« Nous avons alerté les services de l’Etat. Ils ont été très réactifs. En septembre, une réunion est prévue pour définir quelle stratégie adopter pour combattre l’invasion ».
Dans l’Ain, qui fait déjà face à une autre envahisseuse aquatique, la jussie (Ludwigia peploides), d’autres étangs sont contaminés.
« Espérons que la plante ne se propage pas dans les eaux courantes, ce serait catastrophique », s’exclame M. Favier. Pour l’éviter, des grilles au maillage très fin ont été installées à la sortie de l’étang de Viriat, connecté à un petit ruisseau.
Car, dans le même département, si le myriophylle colonisait un jour la Dombes aux 1.100 étangs, première région piscicole de France pour les poissons d’eau douce (carpes, brochets, sandres…), « cela aurait un impact économique énorme ».
« Des conséquences aussi pour le tourisme », prévient-il, s’il atteignait par exemple la populaire base de loisirs de la Plaine Tonique, non loin de Viriat. « Les myriophylles se prendraient dans les hélices de bateaux, nuiraient aux activités nautiques. Un cauchemar ! ».
Le Quotidien / AFP