Accueil | A la Une | Et si l’arrivée de Google faisait baisser la facture d’électricité des résidents ?

Et si l’arrivée de Google faisait baisser la facture d’électricité des résidents ?


Selon le ministre de l'Économie, l'éventuelle implantation d'un centre de données de Google aura pour effet de faire diminuer la facture électrique des ménages.

Étienne Schneider, ministre de l’Économie, avait laissé entendre que si Google venait à s’implanter au Luxembourg, la facture d’électricité des ménages pourrait diminuer. Qu’en est-il exactement?

Début juillet, le ministre de l’Économie, Étienne Schneider, a expliqué sur les ondes radio du pays que le géant de Mountain View, Google, était intéressé par l’installation d’un centre de données gigantesque au Luxembourg. Le ministre avait alors précisé les avantages pour le Grand-Duché d’une telle arrivée : amélioration de l’image du pays, attractivité renforcée, création d’emplois, etc. Un autre avantage a été souligné, celui de voir baisser la facture d’électricité des ménages. Une bonne nouvelle qui est tout de même à nuancer.

Il serait logique de penser que plus on achète de l’énergie, moins elle est chère. Sauf que le marché de l’énergie s’avère un peu plus complexe que cela et que la quantité d’énergie ne joue pas toujours un rôle prépondérant dans le calcul de son prix.

Pour Jean-Luc Santinelli, Chief Commercial Officer d’Enovos Luxembourg, premier fournisseur d’énergie du pays, l’éventuelle venue de Google au Luxembourg n’aura pas vraiment d’impact sur la facture des ménages : «En schématisant, il faut savoir que l’énergie s’achète sur une Bourse de l’énergie. Ce qui compte n’est pas tant la quantité que l’on achète, mais plutôt le moment où l’on achète. Sur cette Bourse, le prix de l’électricité change toutes les heures en fonction de beaucoup de paramètres. On achète ou l’on vend, comme en Bourse. Certains achètent sur du long terme, d’autres sur du court terme ou encore du moyen terme.»

Pour comprendre le prix de l’énergie, il faut tout d’abord avoir conscience du détail de notre facture d’électricité. «Pour les résidents, environ 30 % de la facture représente l’énergie et 70 % les frais de réseau et les taxes. Pour l’industrie, c’est l’inverse, environ 70 % de la facture représente l’énergie et 30 % le réseau et les taxes. Pourquoi cette différence? En simplifiant, pour acheminer l’énergie de la centrale à une maison, il faut beaucoup d’infrastructures, comme des « péages », pour fournir les résidents à la bonne puissance, qui est assez basse. Tandis que pour un industriel, il y a moins de « péages » car il faut moins intervenir pour amener l’énergie à la puissance adéquate, d’où la différence des taxes entre les résidents et les industriels», explique Jean-Luc Santinelli.

Une amélioration des infrastructures

D’ailleurs, le Luxembourg est un pays qui taxe peu l’énergie comparé aux autres pays européens, rendant ainsi le Grand-Duché assez attractif pour les entreprises et les ménages. «Si un Luxembourgeois dépense 1 000 euros en électricité, un Allemand dépensera 1 500 euros pour la même quantité, juste à cause des taxes. Finalement, le prix de l’énergie brute est relativement le même pour tous les pays, ce sont les taxes qui font varier sensiblement le prix de l’énergie d’un pays à l’autre», souligne Jean-Luc Santinelli. Un comble quand on sait que la majorité de l’électricité vient justement d’Allemagne.

Pour en revenir à Google, pourquoi le ministre de l’Économie a affirmé que la facture électrique des ménages allait s’alléger si le géant d’internet venait à s’implanter sur le territoire luxembourgeois, alors que chez Enovos on dit le contraire?

En fait, un acteur comme Google pourrait indirectement aider les ménages. Camille Hierzig, directeur adjoint de l’Institut luxembourgeois de régulation (ILR), décrypte la chose : «Même si les infrastructures électriques du pays sont largement suffisantes pour gérer le flux énergétique, l’arrivée d’un centre de données de Google forcera peut-être le gouvernement à améliorer les capacités énergétiques du pays et donc les infrastructures qui seront alors encore plus efficaces et qui profiteront à tous, donc également aux ménages.» Une explication qui donne alors raison au ministre de l’Économie.

Mais attention, il ne faudra pas s’attendre à voir la facture d’électricité baisser de moitié. L’amélioration des infrastructures permettra juste de soutenir, à un coût relativement moindre, l’expansion des capacités d’un réseau déjà très performant qui devra également faire face dans le futur à une augmentation de la demande électrique, qui ira de pair avec l’augmentation démographique et l’augmentation des appareils et objets électriques. La possible arrivée de Google contribuerait donc à renforcer l’infrastructure luxembourgeoise, qui est au service des industriels et des ménages.

Jeremy Zabatta