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Escroquerie sur le marché Forex : Celadon Finance opérait depuis Luxembourg


Seul un des trois prévenus était présent dans la salle avec son avocat.  (Photo : archives lq)

Celadon Finance servait de couverture à une arnaque de Ponzi basé sur le marché des changes et pilotée entre 2003 et 2004 par trois Néerlandais entre Barcelone, Luxembourg et Hong Kong.

Antonio Molina démarchait les clients en Espagne, au Portugal et à Chypre entre autres, au nom d’une société de Barcelone, pour leur faire une offre qu’ils ne pouvaient refuser : «des performances extraordinaires» s’ils investissaient dans des opérations de change sur le marché Forex.

Un système de Ponzi en fait, orchestré par Celadon Finance depuis Luxembourg entre 2003 et 2004. Jusqu’à ce que la Banque et Caisse d’épargne de l’État (BCEE) tire la sonnette d’alarme auprès de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) après avoir repéré des mouvements suspects sur le compte de la société.

La CSSF a émis un avertissement disant que «cette société propose des services et conseils en matière d’opérations sur devises» et qu’elle «ne dispose pas de l’agrément nécessaire à la prestation de services au ou à partir de Luxembourg».

Au total, 821 000 euros ont été escroqués à des clients à qui «il ne restait au final qu’un bout de papier», a expliqué un des enquêteurs de la police judiciaire affecté à l’affaire. 136 000 euros ont été prélevés auprès de la BCEE par Johannes et Aaron, alors administrateurs de Celadon Finance, ainsi que 276 000 euros d’un compte postal.

«Les retraits étaient organisés pour brouiller les pistes et cacher sciemment quelque chose», a avancé un des policiers. 147 000 euros ont été versés à la société de Barcelone et 258 000 euros à une société de Hong Kong par Celadon Finance. L’argent transféré à Hong Kong aurait été prélevé sur place par Abu Zayyad, nommé directeur de la société.

Antonio Molina n’était pas présent face à la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, hier. Pas plus que Johannes, Aaron et Mark. Seul Abu Zayyad a affronté les juges.

Mais comme ses complices présumés face aux policiers néerlandais – les prévenus sont originaires des Pays-Bas – et luxembourgeois, le sexagénaire brouille les pistes et ne répond pas aux questions du président de la chambre correctionnelle. Il aurait prélevé l’argent six ou sept fois et l’aurait remis à un certain Brian contre quelques émoluments et son loyer payé.

«Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi on vous nommait directeur d’une société dont le seul rôle était de prélever de l’argent?», constate le président. «J’ai cru en sa bonne foi. J’ai été naïf. Il m’avait promis une société en Jordanie et rien n’est jamais venu, du coup, j’ai arrêté d’y croire», répond-il.

Le prévenu n’aurait jamais rencontré Johannes, Aaron ou Mark. «Je suis une victime dans cette affaire.» «Vous avez gagné sept voyages à Hong Kong et vous n’avez pas perdu d’argent», a commenté le président.

«L’escroquerie est assez évidente»

L’enquête laisse peu de place au doute quant à la nature illégale des activités pratiquées par les prévenus. D’autant plus que Johannes avait été condamné à 5 mois de prison par la justice néerlandaise pour faux en écriture et était signalé en Belgique pour vol et escroquerie, selon Interpol. Mark était connu par les autorités néerlandaises pour être un homme de paille avec une soixantaine de sociétés à son nom.

«Les clients commençaient par investir petit, autour des 7 000 euros», explique un des deux enquêteurs. Quand ils commençaient à réclamer leurs bénéfices et leur mise de départ, la société prétextait avoir besoin de nouveaux investissements ou coupait le contact.

Celadon Finance était «une société supposément immobilière» qui a quitté le Luxembourg en mai 2004 de manière précipitée après que ses comptes bancaires ont été gelés par la BCEE et Post, ainsi qu’à la suite de l’insistance de la CSSF de connaître son objet social.

«L’escroquerie est assez évidente» et «les déclarations des prévenus ne sont pas très crédibles», a noté le procureur. D’autant plus que les documents découlant de l’escroquerie ont été retrouvés chez l’ancienne compagne de Mark.

Le magistrat a requis une peine de 15 mois de prison et une amende à l’encontre d’Abu Zayyad qui «n’avait pas de revenus et a dû accepter un travail douteux. Il est difficile de lui imputer les faux et l’escroquerie, il était plutôt le coursier de cette association de malfaiteurs».

Johannes et Aaron, administrateurs et bénéficiaires économiques de Celadon Finance, sont accusés d’abus de biens sociaux, de blanchiment d’argent, d’escroquerie, de faux et usage de faux ainsi que de fraude, entre autres infractions à la loi relative au secteur financier. Ils encourent une peine de 30 mois de prison et une amende.

L’avocat d’Abu Zayyad a demandé l’acquittement de son client sur toute la ligne et soulevé le dépassement du délai raisonnable qui devrait aboutir à un jugement sans peine de prison et amende ou à un sursis intégral. Il conteste l’escroquerie et le faux et usage de faux, ainsi que l’association de malfaiteurs et le blanchiment.

Le sexagénaire n’aurait, selon lui, pas eu conscience d’avoir fait partie d’un groupement de personnes qui se coordonnent pour commettre des délits. «Il n’est pas un escroc professionnel», atteste l’avocat. «Une voyante lui avait prédit un succès professionnel en 2003.» «Elle n’avait pas vu assez loin», conclut le président de la chambre correctionnelle.

Le prononcé est fixé au 7 décembre.