[Esch/Alzette] Le coiffeur Tun D’Oliveira récolte les cheveux de ses clientes pour les donner à une association qui confectionne des perruques pour les enfants malades du cancer.
«J’ai commencé à collecter les cheveux de mes clients il y a plus de trois ans, mais je n’ai officialisé la chose qu’il y a un peu plus d’un an», raconte Tun, coiffeur et patron de trois salons de coiffure à Esch-sur-Alzette et à Belvaux. Le véritable déclic lui est venu lors du décès de son compagnon des suites d’un cancer. «Une de mes clientes m’a demandé de conserver ses cheveux pour les donner à l’association allemande Haare-spenden.de après les avoir coupés. Je n’avais encore jamais entendu parler de cette initiative, se souvient Tun. Je me suis donc informé quant à leur manière de procéder et je me suis lancé.»
Aujourd’hui, les salons de coiffure de Tun sont renseignés sur le site de la Fondation Cancer et on vient de toutes les régions du Luxembourg pour donner ses cheveux. «Cet après-midi, un petit garçon est venu avec sa maman. Il s’était laissé pousser les cheveux pendant trois ans dans l’idée de les donner à d’autres enfants», raconte Tun en pointant des mèches blondes retenues par un élastique noir. À côté, une tresse brune. Le bambin a convaincu sa maman de l’imiter. Avec ces cheveux, l’association crée des perruques qu’elle donne à des enfants malades.
À force d’envoyer des cheveux à l’association, cette dernière a proposé un partenariat aux salons ByTun. «Je suis le seul coiffeur luxembourgeois à travailler avec eux, mais je sais qu’un grand groupe présent au Luxembourg travaille avec une association belge», souligne-t-il. «Je reçois en moyenne un don par semaine. Cette semaine, avec la maman et son fils, nous allons augmenter notre quota.»
«Cela me coûte un timbre!»
Comme ce petit garçon, de nombreux enfants décident spontanément de donner leurs cheveux. «Ils décident de le faire de leur plein gré. Ils ne sont pas entraînés par leurs parents. Ils ont vu sur les réseaux sociaux que ce type de don était possible et laissent pousser leurs cheveux jusqu’à ce qu’ils aient la longueur suffisante», témoigne le coiffeur qui, comme le souhaite l’association, recueille des cheveux de minimum 25 centimètres de long. «J’ai déjà coupé les cheveux d’une petite fille de huit ans qui les sacrifiait au profit de l’association.»
De mémoire de coiffeur, ce sont les enfants qui donnent le plus. «Ils sont souvent issus de familles plus aisées et plus éduquées. Je suis surpris à quel point ils sont informés de la procédure», s’étonne Tun, «Les enfants ne se connaissent pas entre eux. Ils ne viennent donc pas pour imiter leurs copains. Ils donnent avec le cœur.» Les enfants font donc preuve d’une générosité à toute épreuve pour aider d’autres enfants à ne pas se sentir trop différents à la suite de lourds traitements consécutifs à une grave maladie. «Je suis d’avis que chacun doit aider son prochain en fonction de ses moyens. Moi, ça me coûte un timbre!», précise le coiffeur.
Il faut plus ou moins cinq dons pour faire une perruque. Tun va se rendre prochainement à l’association pour découvrir son travail et sa manière de produire une perruque. «J’ai hâte de découvrir ce qui anime les fondateurs de ce projet», se réjouit celui qui n’hésite pas à inciter ses clientes à donner une partie de leur crinière. «Quand elles ont la longueur requise et qu’elles me disent qu’elles souhaitent couper une bonne partie, il m’arrive de leur proposer de couper trois centimètres de plus pour que ce soit suffisant pour faire un don.» En cas de refus, le coiffeur ne se décourage pas : «J’envoie tout de même les cheveux à l’association. Je suis d’avis que des cheveux plus courts peuvent également être utilisés pour confectionner une perruque. Ils ne m’ont jamais dit d’arrêter de les leur envoyer en tout cas.»
«Des cheveux, pas de la laine qu’on file!»
Les cheveux doivent être recueillis à même la tête du donneur «pour qu’ils restent bien lisses». Pas question de ramasser la masse tombée au sol après la coupe et le coiffage. «Ce sont des cheveux, pas de la laine qu’on file!» Tous les types et les couleurs de cheveux sont acceptés afin de correspondre aux goûts et aux cheveux des personnes malades. Seuls inconvénients de ces perruques en cheveux naturels, leur coût et l’entretien minutieux qu’elles nécessitent par rapport aux perruques en cheveux synthétiques beaucoup moins onéreuses, bien plus faciles d’entretien.
«Quand on a accompagné, comme cela a été le cas pour moi, un être cher malade du cancer, il est impossible de rester indifférent et de ne pas agir», explique le coiffeur qui reçoit et conseille souvent des clientes atteintes de cette maladie sur le bon choix de perruque. «Je sais qu’une perruque peut leur redonner le sourire. Ces femmes se retrouvent, elles retrouvent leur féminité. C’est important!»
C’est également le cas pour les enfants. «Ils doivent se sentir mieux», estime Tun, pour pouvoir être comme les autres enfants. Pour eux, inlassablement, le coiffeur continuera de couper de longues mèches de cheveux.
www.bytun.com
Sophie Kieffer